Si le mot « merci » avait été un aliment aussi dégueulasse que le pain rond, ce petit garçon serait en ce moment-même en train d’agoniser par terre, étouffé par sa gratitude aussi ironique qu’hypocrite. Bref, je tentai de desserrer aussi bien mes poings que mes dents pour me concentrer sur notre nouveau dilemme. Je pensais que la compétence visuelle de l’épéiste aurait pu m’aider à y voir plus clair (Mama, quel jeu de mots !) mais il semblait bien que c’était impossible. Que foutait cet art architectural derrière une porte ?! Même les Italiens n’avaient jamais fait ça, et pourtant ils avaient mis au point la Tour de Pise ! Alors que j’approchais pour pouvoir toucher la structure me semblant extrêmement dure, l’autre me grugea pour faire le geste que je m’étais préparée à accomplir. ’faut changer la chanson : c’est plus « où sont les femmes ? » mais « où s’trouvent les gentlemen ? ». Je soupirai en tentant de trouver un synonyme qui pourrait coller avec le rythme de la chanson – après tout, si l’auteure a Google, c’est pas mon cas – avant d’écouter les spéculations de Monsieur-je-sais-tout. Un labyrinthe dans un labyrinthe… Ouais. Après les portes pénétrables qu’à l’aide de Crochetage, la porte au plafond et le mur derrière la porte, autant dire que plus rien ne pouvait m’étonner dans ce donjon caché aux portes sacrées.

« Tu auras plus de place que moi parce que tu es plus petite. Soit tu passes devant et je nous guide avec la Vision Nocturne, soit je passe le premier, soit on se sépare. »

Petite ?! Petite ?!! Calme-toi Rikka, c’est un compliment dans ce contexte, un compliment !! Mes fesses ouais ! Qu’est-ce il avait c’salopiaud d’mes deux seins avec ses dix ans et ses dix centimètres en plus ?! La guerre ?! I voulait la guerre ?! Serre pas ton marteau comme ça, il va finir par se douter d’un truc ! Je soupirai, oubliai le début de sa phrase et réfléchis en lissant mes mèches rebelles. S’il m’avait pas fait cette demande implicite, j’aurais en aucun cas bougé mon boule jusqu’ici. Menteuse… Tu l’aurais stalké pour récolter des miettes dorées après son passage. En effet, fallait l’avouer ! En tout cas, malgré mon gain de niveau, il était clair que les monstres d’ici n’allaient pas me faire de cadeau. Il semblait peu probable qu’ils eussent réussi à se promener dans ces très étroits couloirs mais, à part les voleurs de trésors, les faux coffres et les scorpions, je savais pas ce que me réservait ce temple mystérieux. Peut-être que des substances gélatineuses vilaines traînaient dans le coin et pouvaient se faufiler n’importe où. Y avait aussi une possibilité de tomber sur un pote de Violetta, le gentil Fennec. Conclusion : ah bêh moi pas passer devant hein !  

« Allume tes phares, tu ouvres la marche. »

Passée derrière lui pour prendre dans son dos un pan de son très très beau manteau, j’attendis qu’il daignât pénétrer le minuscule passage. Ah !- il manquait la proposition de la direction à prendre avant. Mes mains prises, soit par l’équipement de l’inconnu, soit par mon arme, resserrèrent leur étreinte.

« A droite ? »

Oui, c’était bel et bien une question. J’adorais ce côté mais, malgré ma taille semblable à l’objet, j’avais pas les capacités hors-normes d’un GPS. Ce dont il était malheureusement déjà au courant… Peut-être qu’il valait mieux à chaque fois prendre la direction inverse de celle que je proposais ? C’était sans doute moins dangereux ? En soupirant et en remettant mes lunettes avec ma main armée, je faillis dégommer la tronche de mon partenaire.

« Oh. »

Quelle politesse... Bref ! Allez bouclier gamin, on  n’a pas mille ans d’vant nous !

HRP :

- Oui chef.

C'était d'une voix détachée que j'avais répondu à son ton bien plus impératif. Elle ne le voyait pas dans la pénombre mais j'avais tenté de cacher ce sourire complice - parce que complices, nous ne l'étions pas encore - avant de m'engouffrer dans le passage à sa demande. Quelques instants le temps de réfléchir à la route à prendre, et je sentis le bas de mon manteau se soulever lentement du ras du sol et se faire empoigner derrière moi. Conclusion: la Voleuse ne voyait absolument rien ici; sans éclaireur, je pense qu'elle se serait pris le mur de cette pièce de plein fouet. Même pour éviter de se couvrir de ridicule la [Vision Nocturne] avait du bon.

J'aurais pris à gauche sans vraiment savoir pourquoi, sans doute la structure que je percevais dès l'entrée du labyrinthe, mais la joueuse dans mon dos m'avait proposé la droite. Pour le meilleur et pour le pire nous formions une équipe, alors je cédai pour me fier à son instinct. Qui sait? On dit que les femmes ont un sixième sens accru, c'était l'occasion de le confirmer. J'avançai en silence tout en longeant le mur dans le peu de place que j'avais entre les deux parois et finissais par atterrir sur le premier angle  du couloir. Aucun choix possible à part continuer de longer, jusqu'à la prochaine intersection. Jusque-là pas le moindre ennemi à redouter, c'était une bonne nouvelle. De toute évidence, n'importe quel monstre de ce palier aurait eu plus de mal que nous à se mouvoir dans cette pièce. Les scorpions étaient larges, les pilleurs étaient plus grands et plus imposants que nous. Les fennecs demeuraient la seule exception, mais ils étaient des trois les moins menaçants.

Je voulais proposer à ma partenaire de déterminer le choix de la route à suivre à chaque fois que l'on rencontrait un croisement, mais j'étais incapable de savoir si désormais elle voyait quelque chose ou qu'elle devait avancer en aveugle dans le dédale. Ce devait être un peu oppressant si elle n'y voyait rien, confinée dans un endroit si peu vaste. Pour le coup, mieux valait la guider par moi-même, quitte à me tromper. J'aurais peut-être eu tort en prenant à gauche au départ, car pour le moment la droite ne nous avait pas mené sur le moindre cul-de-sac. J'avais choisi la seconde direction - continuer tout droit au lieu de tourner - un vrai travail d'équipe! Les fois où on s'accordait bien étaient à compter sur les doigts d'une main.

- C'est une impasse, mais il y a un coffre. Je te le laisse, prends-le.

C'était ce que je lui avais expliqué deux minutes plus tard, observant cette salle de la taille d'un petit ascenseur. Assez grande pour que je puisse la laisser passer devant en tout cas, et je m'écartai pour m'adosser au mur le temps qu'elle récupère ce qui lui était dû. Ce n'était pas par bonté d'âme mais par justice: à sa place j'aurais aimé, dans un labyrinthe où je ne voyais pas même mes pieds, trouver un minimum de réconfort tel que celui-ci. Pour le reste s'il n'y avait que ce coffre alors il fallait faire demi-tour, ce que je l'avais incitée à faire ensuite. Mais...

- Hum... Une autre impasse...

Et encore une troisième, au fur et à mesure que nous revenions sur nos pas. Je m'arrêtai face à ce nouveau mur, les sourcils froncés, cherchant à recalculer l'itinéraire complet en sens inverse.

- Soit le labyrinthe est particulièrement tordu et bien construit, soit on passe à côté de quelque chose...

Je posai une main sur ce nouveau mur où j'exerçai une pression de la paume avec de plus en plus de force. J'avais une idée, elle allait sans doute plaire à la joueuse. Après tout je pouvais lui proposer d'user de son arme sans se prendre le moindre dégât, comment ne pas apprécier?

- On peut faire demi-tour et reprendre depuis le début et prendre par la gauche. Ou alors... On peut supposer que certains de ces murs sont des leurres et compter sur ton marteau pour les fracasser.

Je nous avais guidés jusqu'ici - possiblement en me trompant - alors cette fois plus que jamais, je m'en remettais à sa décision. Au risque qu'elle me prenne pour un taré aux idées saugrenues mais bon, je n'étais définitivement plus à ça près avec elle. Mon image était tâchée depuis presque le départ de toute façon.

C'était bien la première fois que je sentais un enthousiasme aussi sincère et aussi spontané de sa part, et ce sans ironie par-derrière. Ou alors avait-ce été là une comédie bien jouée? Non. Je l'avais dévisagée en silence, tandis que moi, je pouvais la voir, écoutant ses suppositions avec attention. Nous devions jouer sur l'entraide et non pas se mettre des bâtons dans les roues, elle semblait commencer à le comprendre. A plus grande échelle c'est ce que l'on doit de faire dans le jeu si on veut en sortir un jour, mais c'est une autre histoire - si j'en venais à lui faire une leçon de morale, j'aurais préféré ne même pas essayer d'imaginer les réprimandes qui l'aurait suivie...
J'avais tourné la tête vers le mur pour l'observer, puis posé les deux mains sur la pierre fraîche, l'air attentif alors que je l'examinai du regard avec la plus grande attention possible. Ma [Vision Nocturne] avait ses limites, je ne percevais que mal les détails les plus subtils d'un décor plongé dans la pénombre. Je n'aimais pas admettre cette forme de myopie, et c'était lorsque que je m'y confrontais que j'avais de quoi me motiver à augmenter le niveau de ma compétence. Mais avec le peu de distinctions que je pouvais percevoir, ce pan de mur ne me semblait pas si différent des autres. Elle avait raison, les éléments du décor friables n'étaient généralement pas tout à fait semblables à ceux qui demeureraient inactifs. Un fracas de marteau plus tard nous rappela à l'ordre: rien par ici.

Un grognement de concentration, la Voleuse tombée au sol, j'observais les murs adjacents pour m'assurer qu'ils étaient tous parfaitement identiques avant de poser un genou au sol pour l'aider à se remettre sur pieds. Je n'aurais pas osé le lui dire, mais la voir ainsi chercher son chemin à tâtons avait été un peu pitoyable... Mais là j'aurais signé la guerre entre elle et moi, avais-je pensé en me redressant. Mon manteau entre ses mains, je m'étais tourné une ultime fois vers ces parois avant de renoncer.
Mais...

- Attends.

L'angle de l'un d'eux m'avait semblé légèrement différent, alors que je m'apprêtai à lui proposer de rebrousser chemin. L'angle inférieur gauche. Une fente était dessinée dans la roche effritée, et le hasard avait cette fois joué en notre faveur pour que je le remarque - qui aurait pensé à regarder au sol? Je m'approchai pour poser ma main dessus et tâter la pierre, et un sourire se profila sur mon visage alors que je lui désignai la faille. Un geste inutile, elle n'avait pas du voir mon bras.

- Passer de l'autre côté ne sera pas évident, apprête-toi à ramper. Tu peux frapper ici, j'en suis sûr.

C'était le mur voisin de droit de celui qu'elle avait déjà percuté de son arme. Maintenant, plusieurs possibilités pour lui permettre de frapper au bon endroit; la guider non sans mal, la laisser toucher du pied cette fente pour savoir où viser, me placer devant pour que ma jauge éclaire l'endroit - non, trop dangereux.

- Tu devrais pouvoir t'aider de ton navigateur pour obtenir la lumière nécessaire.

Là encore, c'était une supposition dont j'étais presque certain. Reculant pour me mettre en sécurité - cette fille faisait flipper quand elle tournait son marteau, une vraie enragée - voilà que le mur s'était effondré à sa base, créant un passage poussiéreux dans la roche. Impossible de réprimer ce sourire de satisfaction, ni ce frisson d'impatience. L'exploration ne s'arrêterait pas à cette pièce.

- On continue?

Question rhétorique. Le bruit de fracas avait du lui faire comprendre que l'on pouvait avancer désormais. Je m'étais approché du mur, une main posée sur la partie qui tenait encore debout mais qui avait été brisée lors de l'impact pour me pencher en avant et m'engouffrer le premier. Si nous n'étions pas tous les deux de taille modérée, l'entraide aurait du être poussée jusqu'à son paroxysme: seuls l'un de nous deux serait passé, le plus grand attendant dehors. J'avais la chance de rentrer, mais c'était juste. Pas de problème pour ma coéquipière.

- Pas de geste brusque si tu ne veux pas rester bloquée.

Au moins, nous n'avions pas à redouter la présence de monstres dans le passage étroit de la pièce. C'était plutôt à ma partenaire, à quatre pattes et aveugle dans ce dédale que j'avais destiné cette pensée.

Il y avait quelque chose de dérangeant à chaque fois que ma coéquipière me regardait, depuis que nous avions plongé dans l'obscurité la plus totale. C'étaient toujours mes yeux qu'elle fixait dès que je me retrouvais face à elle. J'avais besoin de me rappeler régulièrement qu'elle ne voyait absolument rien d'autre autour de nous pour faire passer ce malaise, mais quelques fois j'avais grimacé de gêne.
Au moins elle s'était trouvée dans mon dos, incapable de me scruter pendant quelques instants, alors que nous étions dans ce tunnel improvisé en train de ramper. Elle s'était cogné au moins deux fois je dirais. Un bruit sourd, des râles s'ensuivant, voilà ce que j'avais perçu derrière moi; la première fois j'avais vivement tourné la tête, manquant de la frapper à mon tour - quelques mèches indisciplinées avaient frôlé la pierre, ce qui me l'avait fait comprendre. Un peu désolé pour elle de ces conditions tout sauf confortables, j'avais repris la progression sans lui demander si elle allait bien. Après tout nous ne pouvions avoir mal, les seuls réels blessés à déplorer étaient probablement sa fierté et son élégance. Et en plus du reste, la patience n'était vraiment pas son point fort.

Un autre bruit un peu plus tard avait crée une brèche, mais j'avais avancé un peu plus loin avant de m'en apercevoir. Persuadé que nous allions tôt ou tard déboucher sur une issue. Quand j'avais tenté de tourner la tête pour regarder derrière moi, le pied de la Voleuse venait à l'instant de disparaître de mon champ de vision pour s'engouffrer dans le mur, après le reste du corps, et je cherchai tant bien que mal à ramper à l'envers pour la suivre.

- Une salle secrète?

Lorsque j'apercevais la faille, elle était déjà debout dans la pièce, et je creusai un peu plus la pierre autour de sa silhouette pour passer à mon tour. Toute cette pénombre... J'en aurais oublié à quel point le soleil était haut, la lumière vive et la chaleur écrasante à l'extérieur de ce temple. Mon manteau m'avait soudain donné l'impression de faire gagner près de 50 degrés à mon corps. Par réflexe je passai une manche sur mon front comme pour en enlever la sueur et avançai en essayant de regarder le sol pour ne pas me laisser éblouir sur les premiers mètres. Je venais à peine d'arriver dans son dos quand elle m'avait fait part de la situation, et je dénombrai l'ensemble un par un, au fur et à mesure. Les monstres qui gardaient les coffres semblaient ne pas nous avoir remarqués. Je fronçai les sourcils.

- Ils sont nombreux... On ne va pas pouvoir les battre tous d'un coup. On va devoir les attirer par groupes diminués çà et là dans la pièce, pour les avoir en petits comités. Ou alors se disperser pour les combattre.

Je tournai les yeux vers elle: nous restions encore en retrait pour le moment, et mieux valait maintenir notre position si nous ne voulions pas être démasqués et donner l'alerte. Je m'inquiétai de l'état de la joueuse et étudiai en silence sa barre de vie avant d'envisager le plan B plus sérieusement. Après tout je ne connaissais pas son niveau, ni ses statistiques, encore moins sa résistance. Hochant intérieurement la tête d'un air entendu, je récupérai mon arme dans mon dos.

- La première option sera la plus sûre. Hey, ça te dirait de les appâter? Après tout tu es plus petite, donc plus discrète, tu te feras moins facilement repérer dans la salle que moi. Je m'occuperai de les éliminer, mais si tu veux aussi participer tu seras la bienvenue.

Laissant parler l'arrogance, impossible de masquer ce sourire affirmé. Alors que je lui avais déblatéré quelques faits avérés avec toute la neutralité dont j'aurais été capable, sans doute, je me tenais déjà prêt à ce qu'elle accepte. Après tout ce n'était pas quelque chose de foncièrement dangereux que je lui proposais. Si je l'avais ouvertement taquinée, ce plan semblait pour moi être le plus rapide, efficace, et sécuritaire pour nous. Surtout pour elle.
Restait à prendre en compte qu'elle se fasse repérer par un plus grand nombre et que l'on doive tous les affronter ou rebrousser chemin le temps qu'ils perdent notre trace, ou encore qu'elle me laisse me battre le temps de récupérer sagement le contenu de ces coffres. Sans que je touche ma part, comme s'était instaurée entre nous cette routine désagréable.
Mais étrangement, cette fois je doutais de ces deux éventualités.

Petite ?! Petite ?! Décidément, cette enflure de gamin de mes deux fesses accolées me cherchait ! Il verrait, quand je serais au niveau quatre-vingt huit, il ferait moins le fier avec ses deux joues d'hamster ! Sa grand-mère devait les tirer à chaque réunion de famille en le prenant pour un bébé, comment il osait me parler comme ça ?! Mémé fait pareil avec les tiennes... La ferme !! Et dire qu'à cause d'un quiproquo, cette dernière m'avait souhaité bonne chance pour mes examens de fin de lycée !

... Bah. Fallait se rendre à l'évidence... Un frisson m'avait parcourue à l'annonce de sa deuxième proposition stratégique et la pensée "tu comptes me laisser tomber comme ça après tout c'qu'on a vécu ensemble, Albatar ?!" m'avait dramatiquement traversée. Survivre ici toute seule m'était encore et toujours pas permis alors autant être docile et dire oui à toutes ses idées. C'était un gamin, je lui ferais encore plus plaisir en jouant de la prosodie et en disant que c'était bien, qu'il était le petit garçon le plus intelligent du monde, tout ça tout ça. Garde-le pour toi, au moins pour cette journée il est à toi ! Ouaip. J'allais en profiter le plus possible. Après tout, j'avais subi en sa présence, maintes humiliations. Il allait devoir rembourser tous ces souvenirs.

"OK. Je joue l'appât. Mais si on me frappe, ça te fera cinquante cols par coup."

Oh, j'étais pas n'importe qui non plus ! Sans moi, il serait mort asphyxié par du sable et on se serait foutu de sa tronche jusqu'à notre sortie de ce monde. Enfin, pire : il serait revenu vers ses potes bredouille ! Enfin, je disais ça, mais il avait pas beaucoup ouvert la bouche, était-il sociable ? Il me semblait à l'aise à l'oral et plutôt sympa. Si je devais trouver une comparaison, je l'appellerais même "bonne poire". Et tout le monde aimait ça nan ? Même en sachant que j'avais menti, il avait pas mis le sujet sur le tapis.

Bref, j'avais pas entendu sa réponse car je jugeais aussi que cinquante cols pour ça c'était exagéré, et j'étais sortie de mon trou, restant baissée et usant de ma vitesse pour courir sur la pointe des pieds vers les deux Fennecs de gauche. Grâce à Analyse, je savais qu'on pouvait s'en balancer du Vautour : il n'attaquerait pas et j'étais même sûre qu'il m'avait déjà remarquée. Mes points de vie étaient bas mais pas assez pour lui faire plaisir à ce lâche ! Les Scorpions étant devenus ma phobie du moment, j'avais décidé de commencer par les plus mignons. Noon, ce n'est pas du tout parce qu'il y a un des coffres juste à côté ! Sinon, y en avait quatre sur tout le terrain dégagé et elles étaient vraiment minuscules, mais je pourrais me cacher derrière ces constructions en pierre défoncées si jamais ça sentait pas bon. En comptant sur l'autre qui récupérerait l'attention des monstres.

Vérifiant que les autres bêtes me tournaient toujours le dos, je me courbai un peu moins et me mis à courir en gardant Analyse activée. Ils étaient peut-être mignons mais à cause de leur couleur, on pouvaient vite passer à côté. Le plus silencieusement et le plus rapidement possible (faire vite et bien, c'est vraiment possible ?), je fis ma boucle préméditée, frôlant presque les deux gros bébés avant de repartir à toute hâte vers le petit trou.

"...?!"

Ah. J'avais oublié... Ils étaient plus rapides que moi.

Récapitulatif :

Je n'avais plus tourné les yeux vers elle, attendant simplement son aval. Après tout la stratégie se jouait en deux temps; et c'était bien elle l'actrice principale sur la première moitié. Sans son accord, pas de plan. Mais... Sa condition me laissait songeur. J'avais du froncer les sourcils sans même m'en rendre compte. Je ne m'attendais plus à ce qu'elle vienne à plaisanter - mais plaisantait-elle vraiment? Pour l'image que je commençais à me faire d'elle, j'avais comme un sentiment amer que c'était sincère. Ne pas se fier à son visage neutre n'aidait pas à déceler, mais qu'importait. "Alors on va parier sur un sans fautes. Zéro coups."
Là encore je n'avais rien dit. Elle devait finir par me valoir bien plus de 50 Cols et voulait quand même que je la dédommage? Et bien... J'étais joueur moi aussi, et ça ce n'était rien d'autre qu'un défi. Je n'avais rien à y gagner, sauf de conserver mes fonds et ne pas avoir sa mort sur la conscience. C'étaient-là déjà deux récompenses satisfaisantes.

La Voleuse était partie la première comme convenu et je la suivais plus calmement tout en désactivant la [Vision Nocturne] pour ne pas me laisser éblouir plus longtemps. Au moindre problème il me suffisait d'invoquer un switch et si elle s'y connaissait un minimum dans les jeux - pourvu que oui - et qu'elle était assez disciplinée - pourvu que oui, mais là j'en doutais davantage - alors les choses se passeraient bien. J'avais de plus en plus la conviction qu'elle ne participait pas à beaucoup de raids en groupe; notre rencontre en était une belle preuve. Elle s'était trouvée seule au milieu du désert. Au moins, je finissais par douter qu'elle soit suicidaire, ce qui confirmerait que tout allait bien se dérouler. En théorie.
Notre première cible, les fennecs qui rôdaient d'une démarche incomparablement plus souple et gracieuse que celles des scorpions qui occupaient cette même salle à ciel ouvert. Elle semblait avoir calculé sa trajectoire, car je l'avais vue tracer un cercle quasi parfait autour des monstres avant de retourner vers l'entrée. Suivie par les deux en même temps. Qui prenaient de l'avance sur sa propre course. Ah... Pourquoi rien ne peut jamais se passer correctement avec elle?

- ...!

Tout en activant [Sprint] pour rejoindre sa position plus rapidement, j'avais voulu l'appeler par son nom et lui dire de rentrer à l'intérieur de la fente rocheuse. Mais il y avait comme un problème... Je ne connaissais pas son nom. Ma voix s'était d'elle-même étouffée pour donner place à un son rauque de surprise. Et un peu bizarre à entendre pour moi.

- Je m'en occupe, continue de courir!

Je croisai la joueuse à la silhouette encore plus chétive que la mienne - dans le monde réel, en conséquence, elle aurait pu courir beaucoup plus vite à condition de se maintenir en condition - en cherchant à rester calme, ne pas regarder sa jauge de vie, et barrai le chemin aux fennecs en plaçant ma lame près du sol. Un instant d'hésitation pendant lequel ils se stoppèrent le temps que leur algorithme recalcule la situation. Jusque-là touchés par personne, par défaut ils devaient se jeter sur l'adversaire le plus près. Tous les deux se jetèrent sur moi presque en même temps, et j'en scindais un en deux tout en reculant pour préparer l'assaut du second.

- Tu es sûre de ne pas vouloir participer?

Je n'avais pas entendu de réponse, et dans le doute j'achevais l'animal juste après m'avoir méchamment mordu la cheville. Le voir agiter ses gencives de manière réaliste mais un peu misérable par sa taille, il avait quand même entraîné un tintement signalant qu'une partie de mes points de vie avaient disparu. J'avais quand même de quoi tenir le reste de la salle; mais là encore, en théorie.
Dans le risque d'avoir été repéré par une autre créature, j'avais commencé à faire demi-tour pour rejoindre ma partenaire mais quelque chose attira mon attention et je m'arrêtai pour me retourner. Le coffre était là, libre de toute surveillance, et surtout libre de toute concurrence. C'était bien la première opportunité. Roulant des yeux jusqu'à elle, je tentai de le rejoindre aussi discrètement que possible. Les choses n'auraient tenu qu'à moi, j'aurais réparti équitablement les gains une fois sortis de ce temple, mais... Elle était manifestement bien plus avare. J'avais déjà la désagréable vision de mon chef de guilde me sermonnant quand je lui ferais un rapport de ma journée passée dans un donjon et revenir sans la moindre récompense à me mettre sous la dent.
Décidément, je suis un mauvais mercenaire. J'en viens même à l'oublier.

Comme pour chasser cette pensée, je m'assurai de savoir si elle comptait me rejoindre ou si je devais retourner à elle, et en voyant que la voie était toujours libre, je lui faisais un signe de la main, gardant le plat de la lame de mon épée sur mon épaule. Elle semblait adorer ça, ouvrir des coffres... De toute façon il était scellé, je n'y avais pas accès. C'était bien mon jour...

Note pour la modération:

J'avais froncé les sourcils pour ne pas pousser de son d'étonnement, aussi faible aurait-il été. Son discours s'était résumé à quelques mots ne s'accordant pas les uns autres autres, et ne constituant pas une phrase décente. En d'autres termes ce qui, dans son esprit, avait du ressembler à un 'plan détaillé' et qui une fois énoncé ne le fut plus du tout. Et puis que cachait-elle dans le creux qu'elle avait formé contre elle avec son équipement en tissu? Elle ne m'en avait pas donné l'explication; au lieu de cela elle s'était approchée du coffre - la seule part du stratagème que j'avais compris directement car la plus explicite - pour l'ouvrir, et j'attendis patiemment près d'elle en m'assurant qu'aucun monstre ne s'approcherait de nous. Et accessoirement, en jetant un coup d'oeil à ses doigts qui s'agitèrent de manière assez habile pour déverrouiller le loquet.

Pour le partage - non, là je me faisais une idée. Le reste était impossible à déchiffrer; plutôt je n'eus pas le temps d'essayer de comprendre car mes neurones furent tous stoppés en plein effort par un son strident, aigu, qui donnait mal à la tête. La douleur liée à la fatigue ou quelque forme de lumière ou de bruit désagréables, elle, semblait être la plus réelle de toute. Sans doute car elle est interne là-bas.
Je crispai les dents en espérant qu'elle cesse, et alors que j'allais protéger une oreille du côté de ma main libre, voilà que les monstres de la salle, à quelques mètres de nous, tournèrent la tête pour nous dévisager. Pour la dévisager elle, la voleuse. Comme si d'un accord tacite ils avaient fait d'elle leur proie. Cette scène aurait pu sembler tirée d'un film d'horreur tant le geste avait semblé mécanique et que nous avions face à nous des sortes de pantins dangereux, s'ils n'avaient été composés de bêtes et non de formes plus ou moins humanoïdes.
Le danger, elle l'avait très vite compris. Je pouvais nous faire gagner du temps en décidant de les affronter, mais là mieux valait faire profil bas. Si j'étais certain de pouvoir l'emporter en les abattant un par un, je doutais beaucoup plus de nos chances en servant de leurre à tous en même temps. Ce qui n'était pas vraiment le problème de cette joueuse sans doute, qui garderait l'intégralité des trésors, quoiqu'elle aurait perdu un rempart pour continuer d'avancer ou faire demi-tour dans ce donjon. Je me mettais à courir après elle sans demander mon reste, abandonnant sur place le coffre qui avait annoncé le degré péril de la situation de la manière la plus insoutenable qu'il soit.

La fille avait presque atteint l'abri et je la pensai tirée d'affaire, tandis que j'avais ralenti pour bloquer dans son entreprise un scorpion qui semblait avoir voulu la faucher en pleine course. Je retenais l'une de ses pinces puissantes avec le tranchant de mon épée, ce qui avait engagé un duel de force nous faisant perdre à chacun quelques PV. Mais beaucoup plus à lui qu'à moi.
Juste de quoi me laisser un peu de temps pour le retenir puis me mettre à couvert; du moins c'était ce que j'avais pensé. Mais alors qu'elle allait gagner le trou dans le mur, le Corbeau jusque-là passif et pacifique avait déployé ses ailes pour s'élancer à sa rencontre. Il était ici de ces créatures la plus énigmatique pour nous, vie comme puissance encore indéterminées, car le premier que nous croisions ensemble. Je serrai les dents, laissant sur place mon supposé adversaire et j'activai mentalement [Sprint].

Comme une ombre surgissant dans le cliché le plus parfait, les pans de mon manteau sombre volant sous l'impulsion, je m'étais mis devant elle, un bras tendu en direction des serres de l'animal: c'était celui-ci qu'il avait lacéré au lieu de se venger sur le visage de la joueuse. Si jamais il aurait pu me venir l'idée de vouloir jouer aux héros, le grotesque de la bête et de la situation m'en auraient tout de suite fait passer l'envie; dans l'autre monde j'aurais eu mal. Ce fut l'une des rares fois où j'avais regretté de ne pas avoir de bouclier pour accompagner mon épée maniable à une main. L'oiseau était rapide, donnait des coups de griffes aléatoires sans cesse sur mon bras, et ses mouvements chaotiques s'accompagnèrent chacun de petits tintements provoqués par ma jauge de vie. Ils semblaient étrangement mélodieux comparés aux croassements disgracieux de l'animal.

- Dépêche-toi de rentrer à l'intérieur!

J'avais du hurler alors que j'étais juste devant elle, parce que je ne m'entendais pas. Et de fait je ne savais pas si elle m'entendait. Les battements d'ailes répétés et à allure folle couvraient les sons à hauteur de mon visage et je n'osai pas détourner les yeux pour la regarder, au risque qu'il se décide à s'acharner sur ma joue. Juste rester là, tenter tant bien que mal de rengainer pour saisir son cou recouvert de plumes, la main repoussée quelques fois par le bec ou les serres, l'empoigner avec force et le balancer au plus loin. Le corbeau un peu sonné atterrit entre les pattes des autres bêtes qui s'étaient fatalement approchées de notre refuge dans lequel je m'engouffrais sans me faire prier. De manière complètement précipitée d'ailleurs; je m'étais même cogné l'épaule en voulant retourner à l'intérieur de la paroi. J'atterrissais misérablement sur le sol.

- C'était moins une...

J'avais préféré attendre quelques secondes avant de remuer pour reprendre mes esprits, redresser le visage et constater que je me trouvais juste devant la joueuse comme si j'avais voulu me prosterner. Je ne sais même pas comment j'ai fait pour noter ce détail ou m'inventer cette comparaison dérisoire.
Je posai une main sur ma tête pour ébouriffer mes cheveux ensablés. Quelques petits fragments de pierre friable en tombèrent. Et malgré le grotesque de ma posture et de la situation, je lui avais adressé un semblant de sourire, bien qu'un peu tendu.

- Tu n'as rien?

A l'extérieur, les râles des animaux protestant commençaient à s'estomper.

Note pour la modération:

Pour cette fois, j'étais particulièrement soulagé - voire content - de retrouver la pénombre. Nous étions dans ce dédale depuis un moment, et la seule fois où nous nous étions aventurés à retrouver la lumière du soleil voilà qu'un comité tout sauf accueillant nous avait finalement renvoyés là d'où nous venions. Retour à l'obscurité. On s'y faisait, même si les beaux jours revenaient tout juste et que je me serais plu à en profiter un peu plus longtemps. Enfin...
La Voleuse ne se retournait pas, et j'en profitai pour ouvrir mon interface et regarder le nombre de dégâts qu'avaient pris mon manteau suite à l'attaque du volatile, le refermer. Puis contempler sa jauge de vie, toujours pris de doute. Elle s'en était tirée, donc elle devait aller bien. Vraiment? Combien de fois pourrait-elle aller bien comme ça? Combien de fois encore se retrouverait-elle encore en danger et combien de fois serais-je capable d'intervenir si elle ne pouvait pas se défendre seule? Je retenais toute forme de parole, mais mon cerveau, lui, fonctionnait en accéléré. Comment le lui dire...

Sa voix nuancée perça le silence, et je m'étais pris à croire qu'elle faisait au mieux pour couvrir ses sanglots, du moins son envie de pleurer. Non, elle n'allait pas si bien que ça. Je baissai la tête, préférant imaginer que c'était autre chose, comme la peur qui s'évacuant: après tout elle aurait peut-être pu mourir. Pourquoi être venue ici, en fin de compte? Sword Art Online nous retenait ici depuis quelques mois déjà, bien assez de temps pour estimer ses chances de victoire et de survie à défaut d'inclure les instances volontairement plus élevées que le niveau moyen d'un palier. Et si elle avait pénétré seule l'endroit? Serait-elle seulement encore en vie? Je n'aimais pas penser que je l'avais sauvée - de toute façon je n'attendais plus le moindre remerciement de sa part désormais - plutôt qu'elle s'en était tirée encore une fois. Mais une fois de plus pourrait finir par être une fois de trop. Détournant les yeux pour scruter dans le vide la poussière, je me redressai pour me remettre à ramper et demeurai hésitant quant au fait d'être honnête avec elle, par crainte que cela passe comme une leçon de morale. Mais si c'était ce qui pouvait permettre de la mettre en sécurité... Est-ce que je devais au moins lui conseiller de rentrer chez elle et avancer sans elle? Pourrait-elle au moins faire le chemin retour d'elle-même? Je pouvais aussi lui proposer de la raccompagner jusqu'en Safe Zone et revenir ici ensuite. Lui dire de partir et rester, lui dire de partir en l'accompagnant ou rester?
Hum... Mon regard se balançait imperceptiblement en essayant de trancher.

Et pourtant elle voulait avancer. Elle l'avait dit de manière claire, concise, reprenant cette fois détachée. Je levai les yeux vers elle, attendant qu'elle se retourne pour la raisonner. La suite pourrait être plus périlleuse encore, elle devait pourtant le savoir alors pourquoi s'acharner? Mais... Je n'avais pas réussi à le lui dire. Je n'aurais pas réussi à interpréter cette expression, cependant elle engageait à tout sauf aux sermons. Je la dévisageai quelques secondes encore avant de soupirer en activant [Vision Nocturne].

- Très bien...

J'en profitai pour glisser dans ma poche deux potions de soin aux attributs divers. Mieux valait songer au cas où la Voleuse se prenait peu de dégâts mais qui lui laisserait le temps de se regen, et celui où le danger serait bien plus palpable et qu'il fallait qu'elle se soigne au plus vite. Retenant un souffle de soulagement maintenant que je les savais là, je passai devant à sa demande et commençai à avancer lentement. De quelques pas seulement avant que je me retourne. Ce bruit... Ca ne venait pas de moi cette fois, j'en étais certain. Elle n'avait pas relevé la tête même si je la fixais un peu inutilement, et je finis enfin par laisser paraître un sourire un peu malicieux. Je n'étais pas le seul alors. En silence, je matérialisai dans ma main mon unique paquet de [biscuits] que je tendais à la fille.

- Passe-le moi quand tu en auras mangé la moitié, d'accord?

Je me remettais à avancer. Au fond je me demandais pourquoi je continuais à faire des deals avec elle en sachant déjà que je n'aurai probablement pas une miette de cet item. Je l'avais gardé pour le boire avec du lait que j'avais encore dans mon inventaire, mais il ne serait jamais trop tard pour en trouver chez un commerçant.
En fin de compte, ce chemin alternatif faisait partie de ces instances plus dangereuses, et n'étaient pas la véritable direction à prendre. Même si j'avais tenté d'en vérifier les issues rapidement quand nous y étions pas de signe de passage, et la preuve ultime venait de m'être apportée: ce tunnel étroit que nous avions emprunté débouchait sur une Safe Zone. C'était bien notre chance.

- Si j'avais su, je t'aurais passé les gâteaux maintenant.

J'approchai de la lumière en maîtrisant mon impatience, désactivai ma compétence pour ne pas m'éblouir inutilement une nouvelle fois et me redressai non sans éprouver d'avance cette satisfaction d'assouvir un besoin primaire. Une fois sur pieds je m'étirai de tout mon long, bras tendus vers le ciel en soufflant de soulagement, et souriais de contentement. Les murs de la salle dans laquelle nous venions d'atterrir formaient un quadrilatère, bien que les angles étaient arrondis. Sur chaque pan de pierre reposait un flambeau allumé aux flammes rouges qui illuminaient l'endroit en quasi-totalité, deux sur le mur à notre droite, un de chaque côté de ce couloir qui était, de toute évidence, le chemin à emprunter. Face au trou d'où nous sortions était encastré un petit escalier aux parois étroites - il aurait fallu passer de profil - et je devinai qu'il ne donnait en fait sur rien. Le plus important était manifestement ce couloir, car tout au bout... Une porte plus large que toutes celles que nous avions rencontrés jusqu'ici.
La Voleuse devait savoir aussi bien que moi ce qu'elle signifiait forcément. Je m'étais tenu face à elle en l'étudiant en silence, réfléchissant à notre arsenal. Nous n'étions pas dans la zone labyrinthique, de l'autre côté ne nous attendrait pas un boss de palier. Mais il était en fait impossible de pouvoir déterminer par avance la force de ce qui attendait au-delà. Je la regardai dans les yeux sans vouloir lui dire quoi que ce soit; et même si je devais paraître confiant, j'avais senti une forme irrépressible d'inquiétude parcourir mon avatar. Je ne pouvais pas la forcer à m'attendre ici comme je ne pouvais pas la forcer à me suivre à l'intérieur. Et si elle décidait d'entrer, elle risquait de le regretter par la suite - on le regretterait tous les deux.

Note pour la modération:

HRP:

En fin de compte, le paquet de biscuits venait de ratterrir entre mes doigts, et j'eus à peine le temps de percevoir le geste de la Voleuse avant d'avoir le réflexe de tendre les mains devant moi. Elle aurait pu me lancer une bombe, le réflexe aurait été le même... Mais le résultat plus funeste. Auscultant les gâteaux d'un air inquisiteur, je redressai ensuite la tête: elle était déjà loin. Comment faisait-elle pour garder un tel détachement alors qu'elle était plus en danger que moi? Etait-ce seulement un véritable détachement, ou ne voulait-elle pas que je prenne conscience de sa boule au ventre? Si c'était l'option B, j'admirais sa retenue et sa bravoure, bien que je pus commencer à douter de son état mental: il faut être fou pour faire des folies, mais plus fou encore pour ne pas se rendre compte que ces folies en sont.
Je déglutissais sans répondre, hésitant toujours, et ouvris le paquet pour y plonger la main. J'en tirais un biscuit que je croquais avec assurance tout en réfléchissant au comportement à venir de cette fille. Si elle tenait à franchir ces portes, j'aurais été la pire des ordures si je ne veillais pas sur elle. Et égoïstement parce que je n'aurais pu me pardonner s'il lui arrivait quelque chose, j'allais le faire. Si elle restait ici... Malheureusement, je commençais à douter de cette option au fil des minutes que je passais avec elle. Bien que je comptais encore sur sa prudence et qu'elle prenne la bonne décision. Maintenant je retenais mon souffle.

Face à moi, elle était maintenant face à la porte, un peu trop près. Et moi un peu trop loin pour l'en empêcher. Un bruit lourd et langoureux résonna, et devant moi, les battants s'espacèrent dangereusement.

- Att...

Je tendis vainement une main devant moi. Trop tard. Sa démarche guillerette aurait du me mettre sur la voie. Affichant une mine dépitée, pour l'instant je remerciais son air je-m'en-foutiste qui m'avait empêché de lui hurler dessus. Voilà qui était fait, et voilà qui répondait à ma question. Je refoulais un soupir consterné tout en m'approchant calmement. Au moins elle n'avait pas franchi le seuil - 'à moi l'honneur'. Depuis l'extérieur de la pièce je ne distinguais qu'or et noir. Le sol doré était tapissé de pièces d'argent, du moins était-ce que j'avais cru. Plus je m'approchais et plus je percevais la finesse des grains qui m'amenèrent à me demander si cette texture était du sable que les créateurs avaient voulu rendre précieux, ou de véritables pièces réduites en poussière. Dans les deux cas, on devait toucher à la fin du dédale avec cette pièce luxueuse qui devait renferme un trésor - et un monstre plus fort pour le garder sans aucun doute.

Dans un grognement de réflexion, j'hésitai à sortir un cristal de téléportation et le glisser dans ma poche par précaution mais elles étaient trop peu nombreuses pour que je les utilise à la légère. Tant pis, on ne savait pas ce qui nous attendait à l'intérieur. Ravalant l'appréhension pour tenter d'avoir une voix aussi détendue que possible, prenant un air léger comme elle le faisait si bien, je rétorquais un sourire carnassier en dirigeant mon regard vers le fond de la pièce. Une fois à sa hauteur, je déposai les biscuits dans ses mains pour récupérer mon arme.

- 50, hein... Tu es une Voleuse, tu aurais pu réclamer plus.

Je foulais du pied l'antre et à peine avais-je eu le corps à l'intérieur que des yeux brillèrent d'une lueur aussi intense que le reflet du sol en or. Elle rugit d'un cri ni bestial ni humain, encore moins réaliste, et se redressa en fondant sur nous. Je n'avais aperçu l'un de ses semblables qu'une seule fois, au loin dans le désert. Mes sourcils se froncèrent et mon épée se plaça en garde.

- Tant qu'on ne sait rien de ce monstre... Ne touche pas au coffre.

Celui qui trônait contre l'angle gauche au fond de la pièce, et qui étincelait plus fort encore que son socle ensablé. J'avais rapidement tourné les yeux vers elle, hésitant à en profiter pour lui demander son nom - sans doute pour me rassurer, ou à cause d'une vague sensation de mauvais présage - mais j'espérais de tout mon être que mon regard insistant avait pu la convaincre de refouler sa nature de chasseuse de trésors. J'attendais désormais que le monstre vienne jusqu'à nous, en espérant qu'il soit seul. La porte ne s'était heureusement pas fermée, il était toujours possible de faire demi-tour et se réfugier dans la Safe Zone derrière nous. Enfin, tant que nous ne nous avancions pas trop profondément dans la salle du moins...

Le regard rivé sur le monstre qui se dessinait de plus en plus nettement, j'avais eu le malheur de vouloir prêter attention à la voix de Ritcha dans mon dos. Pire, à essayer de rassembler ces lettres, alors que le moment n'était pas le mieux choisi. Actuellement j'ignorais tout de cet adversaire, et surtout sa force et sa dangerosité. Et en comprenant l'allusion, un faible "Ma..." suivi d'un "Quoi!?" outré bien plus audible pour elle. Stupéfait j'avais tourné les yeux vers elle, bouche ouverte, mais mains serrées sur le manche de mon épée. Et dire qu'elle aurait pu être sympa pour une fois... Alors que je sentis la silhouette plus près que jamais devant moi, je me forçais à concentrer à nouveau mon attention vers cette chose. Pas le temps de penser à ça maintenant.

Dans un rugissement rauque, il leva son bras et j'employai [Charge] pour me jeter sur lui, épée en avant et désormais incrustée dans son thorax. Plus difficile de m'atteindre si je restai au corps à corps, pensais-je en scrutant ce qui lui servait de visage, bien qu'un peu désassemblé en quelques lambeaux. Le râle se fit plus fort et je tournai la lame dans la blessure avant de reculer, prêt à y retourner s'il chargeait. C'était étrange... Sa vie tomba drastiquement, à croire qu'il était moins fort qu'il n'y paraissait. En fait il ressemblait aux Bandits que l'on trouvait partout à cet étage - à quelques nuances près. Ils étaient même très similaires, sauf que l'un semblait être le stade de décomposition avancé de l'autre, en plus des accoutrements différents. Difficile de savoir sans chiffres et avec une avance de niveaux si les dégâts infligés étaient aussi identiques. Alors que je le regardai lui, tandis qu'il reprenait conscience, d'autres avaient spawn à différents spots de la pièces. Les mêmes.

- C'est quoi ça!?

Je reculai d'un pas, puis d'un autre pour avoir une vue d'ensemble. Le monstre fit un pas en avant et je le tranchai aussi vivement que possible pour appréhender les autres. Aucun d'entre eux ne se mouvait suffisamment vite dans cette grande pièce, et j'interrogeais celle qui me servait de coéquipière ici, si jamais elle distinguait quelque chose que je ne voyais pas de ma position. Elle avait pris la (sage) décision de rester près de l'entrée, et je me surprenais encore à croire qu'il y avait deux raisons à cela: d'abord ne pas perdre de vie, c'était une évidence. Et aussi empêcher que cette porte ne se referme, moi à l'intérieur... Ah, et ce coffre flamboyant avec, bien sûr. Tout s'expliquait.
Un nouveau rugissement retentit pour me signaler que l'un d'eux était bientôt à ma hauteur et je me plaçai en garde, réfléchissant à l'attaque à porter tant que j'en avais le temps. Celui-là avait encore trois compères, sans compter celui qui s'était déjà dissipé. A son tour il se tint prêt à se jeter sur moi et je fonçais comme la première fois, restant près de lui quitte à ce qu'il m'attaque. Voir la vie que j'avais fait perdre au précédent d'un coup m'avait un peu rassuré quant à ma survie. Ce qui ne rata pas: le Bandit se débattit pour se libérer de mon emprise et tandis que je reculai, je lui donnai un coup d'épée lorsqu'il me donna un coup de sabre dont la lame frôla mon manteau au niveau du bras. Si j'avais perdu des PV, la chute n'avait rien eu d'affolant car je ne fis pas attention au bruit ou au manquement dans la jauge. Je reculai d'un pas encore, m'approchant chaque fois un peu plus de la sortie.

- Ils sont moins forts qu'ils en ont l'air, si tu veux essayer de te glisser jusqu'au coffre et qu'on parte vite d'ici... Je peux te couvrir.

En regardant le plus loin possible dans la pièce, j'avais du mal à percevoir la présence ou non d'une porte encastrée dans l'un des murs. Elle signifierait plusieurs choses: soit que ce n'était pas la dernière salle, soit qu'elle serait un accès direct vers la sortie du donjon. Et s'il n'y en avait pas, qu'il faudrait retraverser tout le dédale pour espérer sortir...

Note pour la modération::

A vrai dire, j'étais bien trop focalisé sur ces monstres pour me préoccuper ouvertement de l'environnement qui nous entourait.
Pas parce que je n'étais pas capable de faire plusieurs choses à la fois; d'autant que perdre conscience du reste, c'est être en proie à des faux pas extérieurs - et, indirectement, être au bord de placer un premier pied dans la tombe. Paradoxalement, face à un adversaire, il ne faut penser qu'au combat et pourtant être conscient du terrain pour ne pas rencontrer ensuite de mauvaise surprise. Pour cela le mieux reste d'analyser l'endroit au plus vite avant la rencontre, le garder dans un coin de sa tête, et mettre régulièrement à jour cette image en prenant en compte sa position et celle de l'adversaire. Mais le cerveau ne fonctionne pas avec la même vivacité de calcul qu'un ordinateur, et c'est un exercice qu'il vaut mieux pratiquer couramment pour ne pas se faire avoir par la suite. C'est là l'un des facteurs qui justifie l'intérêt d'avoir plusieurs niveaux d'avance sur les monstres d'un palier, car cette avance se trouve vite compensée par la découverte immédiate de son environnement.
En conséquence, les plus avancés qui se démarquent sur Sword Art Online sont manifestement pour la majorité des joueurs assidus et aguerris; au même niveau les personnes qui pratiquent l'entraînement au combat dans la vie de tous les jours, moins nombreux mais tout aussi efficaces.

Ce Bandit m'avait pris au dépourvu et je cherchais encore à le jauger. S'il n'avait pas la même apparence, les risques qu'il ait un pattern différent ou un buff supplémentaire étaient non-négligeables. Je redoutais qu'au moindre instant une autre arme apparaisse, que ses points de vie remontent dans sa jauge, qu'il tente de paralyser mon corps - et même qu'il explose, subissant de plein fouet les conséquences. Pourtant il ne semblait pas plus fort que les autres de l'étage, il possédait simplement un skin différent - du moins était-ce que je m'évertuais à croire alors que je m'étais précipité sur l'un d'entre eux par une [Charge] avant qu'il ne tente de m'attaquer le premier. Il disparut sous ma lame lorsque j'entendis un bruit et je me retournais.

Les lourdes portes battantes venaient de se refermer. Inquiet, je cherchais du coin de l'oeil ma partenaire et la trouvais à quatre pattes, marmonnant des mots - ou des râles? - que je ne comprenais pas d'ici. On aurait dit quelqu'un devenant subitement aveugle tant elle semblait prise au dépourvu; près d'elle, un Bandit claquait des mâchoires et je la voyais réagir par une avancée complètement aléatoire.

- Pas par ici!

Pourtant elle continuait d'aller à l'opposé du mur où se trouvait le coffre qu'elle convoitait pourtant quelques instants plus tôt. Décidé à la rejoindre, un autre humanoïde me saisit le bras en plein élan et je sursautai. Me stoppant net par la force des choses, je me retournais pour le voir lever le bras pour tenter de trancher le mien. Dans un cri de rage, je lui assénai un coup en diagonal puissant plus orchestré pour le repousser que pour le blesser. Il recula d'un pas et un coup d'épée dans le sens opposé le fit disparaître.
Cherchant à nouveau la Voleuse des yeux, je n'eus le temps que d'entendre un bruit sourd, un cri, puis plus rien. Elle avait disparu, et là où elle se trouvait quelques fractions de secondes auparavant était apparu un large gouffre parfaitement rectangulaire d'environ quatre mètres sur trois. Je décollai les lèvres et me précipitai vers lui dans un [Sprint] effréné, ignorant les monstres que j'avais manqué de faire tomber sur mon passage. A genoux devant la fosse, je m'apprêtai à l'appeler - mais encore une fois, nous ne nous étions pas échangés nos noms et je me contentais d'un "Ho hé!" crié à pleins poumons. Serrant les dents en jurant, j'analysai la position de mes ennemis: ils étaient loin de moi, mais près du coffre. Et un halo de lumière éclaira quelques coins de la pièce avant que quatre nouveaux apparaissent, et s'orientent naturellement dans ma direction dès qu'ils me repérèrent.

Dans le meilleur des scenarii, le coffre détenait un item inestimable; mais jamais ce ne serait un morceau de papier attestant qu'on avait fini le jeu de toute évidence. Dans un cas moyen, j'obtiendrais un objet utile par la suite, que j'oublierais peu après son utilisation, ou encore de l'argent que j'obtenais de toute façon en vendant ce qui m'était inutile. Et dans le pire cas, c'était un Mimic qui m'attaquerait avant même de me laisser le temps de l'appréhender...
"De toute évidence... Pas le choix. En espérant qu'elle ne me déteste pas pour ça."
J'avais choisis d'abandonner le coffre. Tout en me redressant, je levai la tête, dents fermement serrées sur ma lèvre inférieure pour me convaincre avant d'avoir peur. Je n'avais pas songé à ces différentes trames-là, tout simplement parce que je ne voulais pas y penser. Après j'allais regretter.

Et dès que je sentis un début d'angoisse commencer à naître, je sautai à pieds joints dans le piège, les yeux vers le fond. Je ne savais pas où atterrissait ce précipice - ni même s'il atterrissait quelque part. Mais à force d'avoir arpenté tous les premiers étages de l'Aincrad, je commençais peu à peu à en comprendre quelques bribes de mécanismes - et par cet intermédiaire, son Créateur. Si bien qu'un faible pourcentage en moi avait voulu croire qu'il n'aurait pas créé quelque chose d'aussi déloyal qu'un piège mortel dans une salle condamnée, occupée par des monstres, dans un endroit où mourir n'avait jamais été aussi concret. Et je m'étais raccroché à ce pourcentage-là pour me laisser tomber à la rencontre de ma coéquipière disparue.

J'étais arrivé en criant, mais m'étais stoppé dès que l'impression de chute cessa et que mon dos rencontra le sable tendre et ardent. Sonné par la descente qui m'avait semblé plutôt rapide - environ d'une centaine de mètres, mais c'était très relatif - j'ouvrai les yeux pour chercher la petite silhouette à lunettes de la joueuse, sans oser bouger la tête le temps que cesse ce vertige désagréable. Elle était là, impossible de la louper dans ce désert aride et dénué de décor. Et je dois avouer qu'à l'instant-même où je l'avais vue, un sentiment profond de soulagement souleva tout mon être, même si je ne m'étais contenté que d'un sourire sincère pour en témoigner. Je venais de me jeter à sa poursuite sans savoir avec assurance que je n'allais pas mourir et qu'elle n'était pas morte avant moi; et je n'aurais eu aucun moyen de me prouver qu'elle était encore en vie de manière rationnelle. Nous n'avions pas fait équipe, je ne connaissais pas son nom, elle aurait pu disparaître sans que je ne m'en aperçoive.
N'était-ce pas là aussi un paradoxe? Moi qui ne voulais pas être responsable de la mort d'autrui, et ne pas me laisser affecter par ces pertes, mon être tout entier était divisé au point de tenir plus qu'à la vie de savoir si elle avait survécu.

- Attends... Je dois avoir une potion quelque part...

Naturellement, nos jauges n'étaient pas indemnes. Je sortais de mon inventaire une potion de plus haut lvl que je possédai pour ma coéquipière et en prenais une autre pour moi. Je la lui lançai avant de boire, et retombai à la renverse. Et en mon fort intérieur, j'espérai qu'elle avait oublié ce coffre et que je n'avais pas à expliquer que j'avais préféré partir à sa recherche en le laissant tomber. Elle semblait si irrationnelle que j'étais presque certain qu'elle n'aurait pas compris cette réaction.

Note pour la modération:

Le bras que je tendais devant moi s'était mis à trembler légèrement, comme s'il était pourvu d'une conscience et d'une appréhension propres. Je basculai légèrement la tête pour voir là, sur ce petit visage, derrière ces lunettes, des larmes couler sans retenue. Je serrai les dents derrière mes lèvres et ma mâchoire resta crispée; le seul réflexe que j'avais trouvé fut de me lever, certain que quoiqu'il arrive je serais plus apte à agir une fois sur pieds. Devais-je vraiment la consoler? Je l'avais imaginée me crier dessus et réfuter catégoriquement tout geste amical ou affectueux de ma part. Nous n'étions pas amis, alors pas d'affection à avoir. Pourtant cette fois je comprenais bien la raison... Elle avait failli mourir. Du moins c'était une probabilité faible, mais une malgré tout, et qui relevait d'autre chose que d'un monstre l'attaquant sauvagement. Elle était passée près de la mort... Combien de fois avant celle-ci? Je devinais qu'elles n'étaient pas nombreuses pour l'avoir mise dans un émoi pareil. Baissant légèrement la tête, j'attendais dans ce silence pesant que je trouvais insupportable, mais je ne trouvais rien à dire pour m'en libérer.

Elle bougea la première et je redressai aussitôt le regard. Aucun échange n'avait eu lieu, rien. Plus un son jusqu'à celui-ci, implacable, qui résonna une deuxième fois dans mon esprit, puis une troisième.

CLAC!

Et je n'avais pas bougé, ni quitté ses yeux embrumés, comme si la laisser faire me semblait être la meilleure idée à avoir. Intérieurement je maudissais cette passivité dont je pouvais faire preuve dans ce genre de situations, et mon incapacité à pouvoir les gérer d'une main de maître. J'étais là au bon moment pour elle, voilà tout. Si elle devait se défouler pour encaisser ce qu'elle devait vivre... Alors qu'il en fût ainsi. Et si notre vie de l'autre côté avait aussi été représentée par une jauge s'interpolant du vert au rouge, j'y aurais laissé des points de vie; ici c'était impossible sans armes, seule mon estime s'en trouverait blessée. Mais le plus étrange,à défaut d'avoir imaginé ce geste, c'était que je le trouvais légitime. Comme si c'était de ma faute ou que j'avais cette fille à ma charge, que l'escorter signifiait aussi la protéger. Je ne comprenais pas pourquoi, ni en quoi, mais cette impression désagréable de malaise me hanta quelques temps encore. Même lorsqu'elle continua de déverser cette peur par ses poings qui s'abattaient l'un après l'autre tandis que j'attendais patiemment qu'elle se calme.
J'aurais voulu pouvoir pleurer comme elle, moi aussi, sans retenue. Mais voir toute cette peine et toute cette terreur aussi crues m'en avais dissipé l'envie, comme si elles étaient plus méritées pour elle et que je n'avais pas ce même droit. Je fermai les yeux, m'imaginant mon coeur battre - et quelque part, je crois que je l'entendais.

Le silence qui revint me confirma que nous avions atterri droit dans une Safe Zone, car les spawns de monstres étaient lointains. On ne discernait qu'une silhouette en patrouille de temps en temps, par-delà le creux d'une dune de sable. J'étais incapable de savoir le temps qu'il lui avait fallu pour se calmer: j'étais certain que cette scène me marquerait au fer rouge pour les expéditions à venir ou lorsque je serais devant le choix critique d'aider ou non un joueur en détresse. Et que malgré cette leçon de vie et cette peur inattendue lorsque j'avais décidé d'explorer l'endroit plus tôt le matin, j'avais fait le bon choix. Si c'était à refaire, je le ferai sans aucun doute.

- Si tu tiens vraiment à rentrer seule, alors... La zone la moins risquée est par ici. En continuant toujours tout droit il y a moyen que tu y sois dans moins de trois kilomètres.

Je tenais à lui parler de cette voix détachée dont j'avais déjà fait preuve, la raisonner en lui disant qu'elle avait couru à sa perte et le plus sage était de rentrer ensemble pour éviter toute attaque, mais elle m'avait épuisé - et un peu effrayé quelque part. Je ne savais pas comment lui dire cela sans risquer de la blesser, de la froisser et que cette tension se ravive de plus belle. Tout ce que je voulais c'était rentrer, oublier son chagrin et mon incapacité à la rassurer et à l'encourager. De toute les expériences faites en jeu, tout l'être qu'incarnait cette fille était de loin la plus difficile à appréhender, comme si je devais toujours calculer avec plusieurs coups d'avance quoi dire ou quoi faire. Tout était mal parti avec elle et tout se terminait mal. Et ce que je souhaitais, c'était être capable d'être indifférent et inatteignable. Je devais m'endurcir pour cela, peut-être pour pouvoir être capable d'agir si une telle situation se représentait.

Je tendais à nouveau devant moi la potion pour qu'elle la récupère, espérant intérieurement qu'elle revienne sur sa décision et ainsi ne pas avoir à la laisser là. Je ne voulais pas songer qu'après tout ceci elle meure; car si c'était le cas et qu'elle venait à disparaître sur le chemin du retour, suite à nos déboires, je ne pourrais jamais le savoir. J'ignorais son nom, mais je me devais de le lui demander si on venait à se recroiser. Si seulement j'étais capable de lui reparler...

Pseudo :Kirito
Nombre de messages : 23
Cols gagnés : 3519
Cols dépensés : /
Objets utilisés :
Biscuits
Potion de soin Lv 1 x1
Potion de soin Lv 3 x2
Objets obtenus :
Venin de Scorpion [Rang B] x5
Chitine de Scorpion [Rang A] x5
Sang de fennec [Rang B]x1
Poils de fennecs [Rang B] x5
Sandales de Sinbad x1
Trésor Ancien [Rang S] x1
Compétences gagnant des points :
Écoute +1
Sprint +2
Épée à une main +2
Charge +2
Vision Nocturne +1
Armure + 2
Niveau début du rp :53
Niveau(x) gagné(s) :+2
Réputation : - 2 ¤2
Remarques : /