Ça n'en finissait pas... A l'horizon des dunes, quelques monstres qui paressaient au soleil, soit un décor identique à celui que je pouvais voir si je revenais sur mes pas ou si je me retournais. Il fallait bien garder en mémoire que le diamètre de ce palier ne dépassait pas 9 kilomètres environ pour ne pas désespérer; non, ce désert n'était pas interminable. Il semblait l'être, ce qui était une toute autre chose. Je levai lentement les yeux vers le ciel, poussais un soupir, et me remettais en marche en roulant des épaules d'un geste ralenti. Combien de joueurs en manque de soleil et de chaleur étaient venus se ressourcer à cet étage une fois débloqué et découvert par les premiers explorateurs? Tous ceux qui avaient eu un niveau suffisant pour y survivre, sans doute. Mais là, c'était passer d'un extrême à l'autre. Le printemps avait succédé à l'hiver depuis peu de temps alors qu'ici, c'était l'été tous les jours. J'avais du me rappeler plus d'une fois que la cape chaude que je portais sur le dos augmentait mes statistiques d'esquive pour ne pas être tenté de la retirer au bout de quelques minutes, puis au bout de quelques heures. Je voulais habituer mon corps à supporter mon équipement quelle que soit la température, mais là tout de même, c'était encore beaucoup lui demander...

C'était cette cape qui m'encombrait plus que le reste sous ce soleil ardent et qui me faisait remuer mes membres qui semblaient s'alourdir à cause de la chaleur: un autre détail de l'autre monde qui n'avait pas échappé au développeur, toujours en quête de réalisme - et en l'occurrence, de vraisemblable. Après tout il en avait été de même dans le froid, sous la neige, lorsque les doigts engourdis des combattants peinaient à garder serrées leurs armes et les faisaient trembler. Et l'un n'était pas plus confortable que l'autre pour se battre. Je soupirai encore sans même m'en rendre compte; et dire que j'étais venu ici en signe de dévouement à ma guilde, acceptant de partir en éclaireur à la recherche d'items et de drops rares que je pourrais rapporter... Au final je n'avais combattu que très peu de monstres, non pas parce qu'ils manquaient ici mais parce que je sentais ma motivation chuter chaque fois que je rengainais mon épée dans mon fourreau dorsal. C'était comme vouloir se battre par un vent violent qui ralentissait tous les mouvements et provoquait une fatigue précoce. Un autre détail reproduit de là-bas.

Au moins je ne pouvais reprocher l'agitation qui régnait ici ni la concurrence avec les autres joueurs pour l'appât du gain. Le seul bruit déclenché ici provenait des PNJ itinérants qui se promenaient aléatoirement avec un large sac de toile sur le dos. Finalement, les plus téméraires d'entre nous avaient fini par abandonner les températures caniculaires pour un temps plus clément, occupant les autres paliers de l'Aincrad. A cette pensée je n'avais pu m'empêcher d'esquisser un sourire ironique qui se dissipa avant même que mes pas ne cessent de marquer le sable: devant moi, des ruines. Enfin. Dans une attitude bien plus sérieuse je m'en approchais, refoulant un énième soupir, mais cette fois de soulagement.
Elles étaient inespérées, auraient tout aussi bien pu représenter un mirage dans mon esprit las de tout ce sable. Non, je les avais déjà aperçues la dernière fois que j'étais venu ici, c'était elles que je cherchais. Le bestiaire, ses récompenses et les trésors ne sont pas les mêmes sur une carte et dans ses donjons, en particulier lorsque le décor change radicalement - les références dans les jeux vidéo ne manqueraient pas pour confirmer la théorie. C'était bien là que je pouvais trouver quelques chose d'intéressant.

Mais je n'étais qu'à la hauteur des premières pierres lorsque j'entendis un râle rauque, sans aucun doute celui de l'un des nombreux Scorpions qui habitaient cet étage. Un deuxième, un troisième, une autre voix différente, un quatrième... Un joueur parmi eux? Non... Une joueuse. Si ma compétence [Écoute] m'avait probablement permis de la percevoir de plus loin, je n'avais pas attendu de le vérifier une seconde fois et d'estimer le nombre d'assaillants avant de me mettre à courir pour aller à sa rencontre, m'aidant de [Sprint] pour la rejoindre au plus vite.
Au final ils étaient trois contre elle. Comme je le redoutais elle était seule, un genou à terre, et surtout elle était désarmée. Sa jauge de vie affichait encore un vert rassurant, mais il se trouvait contrebalancé par ce détail moins plaisant: le sigle du poison. Je me remettais à courir pour intervenir, et mettais un terme à l'existence de celui qui lui faisait face qu'elle avait déjà largement attaqué avant ma venue. Le scorpion avait levé l'une de ses pinces au-dessus d'elle et se trouva stoppé en plein élan. Deux autres s'approchèrent et je laissais retomber ma lame le temps d'afficher mon interface pour en tirer une potion de soin que je lançais à la joueuse qui se trouvait derrière moi, sans les quitter du regard. Je n'avais pas d'antidote, mais au moins sa vie pouvait remonter le temps que le poison se dissipe.

- Je vais essayer de te faire gagner un peu de temps... Ca va aller?

Je tournais enfin les yeux pour m'assurer que la distance qui la séparait de son arme serait assez courte pour lui laisser le temps de se relever, boire le remède, la récupérer. Au mieux m'assister pour mettre un terme à l'affrontement, au pire lui permettre de s'enfuir.

Note pour la modération:

Derrière moi, je n'avais entendu qu'une succession de sons, mais ils étaient tous encourageants quant à l'état de la joueuse prise au piège entre les Scorpions. Ils s'étaient avancés l'un après l'autre, ce qui m'avait permis de ne pas risquer de coups lors d'attaques simultanées, et j'abattais les deux survivants; mais deux autres, sans aucun doute attirés par le bruit du fer, s'étaient approchés à leur tour. J'étais arrivé au bon moment; si cette fille n'avait pas perdu trop de PV, l'arrivée de ces deux nouveaux monstres auraient pu finir par signer son arrêt de mort à l'usure. Pendant ce laps de temps, elle avait avalé le remède, soulevé du sol son marteau et s'était remise sur pieds. Probablement avait-elle attendu de reprendre un peu ses esprits également: il lui restait maintenant à prendre la fuite ou à me rejoindre selon ce qu'elle avait décidé - si jamais elle avait hésité, ne fut-ce qu'une seconde. Il en restait désormais deux, et nous étions deux, le calcul était simple.

Je pensais deviner qu'elle avait décidé de rester; seulement au lieu de se tenir à mes côtés pour se battre, là où nous étions efficaces, elle s'était de nouveau élancée la première vers les Scorpions, et je la regardais filer sans la moindre hésitation, crier comme une enragée, et même tituber. Pendant quelques instants, j'étais resté sur place, comme figé, les lèvres entrouvertes. Si elle n'avait semblé être en danger quelques instants plus tôt, la scène aurait été des plus dérisoires et des plus comiques. La peur et le désir de vengeance contre ces monstres, sans aucun doute possible. Plissant les sourcils, je la suivais dans son assaut pour retenir l'une des deux créatures pendant qu'elle s'acharnait sur l'autre. Celle-ci leva une pince que je bloquais de mon épée, mais contre toute attente elle ne chercha pas à se libérer; au contraire, elle appuyait dessus de toutes ses forces, finissant par faire trembler mes jambes et mes bras sous l'impact. Alors que je commençais à sentir mes talons s'enfoncer dans le sable, je repoussais le scorpion dans un cri de colère et en profitant de cette seconde d'étourdissement de la bête, je lui assénais une entaille diagonale qui marqua son corps d'un trait rouge avant de le faire disparaître pour de bon. Le silence s'était de nouveau instauré dans le désert: près de moi, la joueuse avait déjà abattu son adversaire, et une fenêtre affichant son expérience identique à la mienne était apparue devant son visage.

- Moi qui pensais que nous étions peu nombreux à connaître cet endroit...

Validant la notification pour l'effacer, j'adressai à cette fille un sourire en coin, soulagé de voir que sa jauge de vie était toujours dans le vert. Le sigle du poison avait disparu: elle était définitivement hors de danger. Inutile de lui dire que son état m'avait un peu inquiété, on ne se connaissait pas après tout. Que pouvais-je dire d'elle au premier abord? Qu'elle était probablement assez forte pour se débrouiller sur ce palier, tant qu'on ne la prenait pas en embuscade. Qu'elle devait être un peu plus âgée que moi, et qu'elle semblait être du genre impulsif, ce qui était à la fois un avantage et un inconvénient en combat. Si elle avait l'habitude de jouer à des RPG ou que Sword Art Online était sa toute première expérience? Difficile à déterminer; je ne l'avais pas vue se battre, trop occupé par mon propre assaillant.

Je tournais les yeux et fis quelques pas en direction de l'entrée des ruines: c'était par un escalier descendant qu'on y accédait, signe que ce donjon se situait en sous-sol, sous le sable qu'on parcourait sans relâche pour venir jusqu'ici. La dernière fois que je m'étais rendu ici, je n'avais pas pu m'approcher autant de ces vestiges, encore moins de faire un tour en éclaireur.

- C'est pour ces ruines que tu es venue jusqu'ici?

J'avais d'abord posé la question à voix haute avant de retourner les yeux vers elle, puis le reste du corps, pour lui faire face et la rejoindre, m'éloignant de l'entrée de quelques pas. Si j'avais l'intention de pénétrer à l'intérieur du donjon, et que c'était quelque chose qui me tardait maintenant que j'étais aussi près du but, je n'avais pas l'intention de partir avant de m'assurer qu'elle était en sécurité ici - la ville la plus près était à quelques kilomètres de là.

Note pour la modération:

Honnêtement, je n'attendais rien de cette fille. Un éventuel 'merci', mais il n'était même pas obligatoire: m'assurer qu'elle allait bien était suffisant. Si je l'avais dit à haute voix elle m'aurait jugé soit idiot, soit naïf, soit les deux à la fois. Je ne la connaissais pas, alors que m'importait sa vie? Là, la réponse était simple: une personne en moins sur ce jeu, et le pourcentage de réussite de la communauté déclinait. La moindre unité parmi les joueurs comptait, nous étions limités en nombre, et aucun risque d'avoir du renfort. Nous étions partis d'un taux de réussite maximal qui ne cessait de décroître - et des morts, encore maintenant, il devait y en avoir tous les jours. Avec le premier mois dévastateur, ses 2000 désespérés qui avaient mis fin à leurs jours, c'était un cinquième de ce taux que nous avions perdu. Je serrai les dents en laissant paraître un visage impassible, du moins autant que j'en étais capable.

Heureusement que je n'avais même pas attendu de remerciements je n'en avais pas eu. En fait, quelque part, elle m'avait fait naître le sentiment de l'avoir dérangée, alors que je lui avais peut-être sauvé la vie: c'était contradictoire, j'en avais bien conscience. Si elle avait cherché à me mettre un peu mal à l'aise, c'était réussi, et efficace. Coup critique. Je serrai davantage les mâchoires, l'air de rien, alors qu'elle me répondait de la voix la plus neutre possible en me regardant à peine. Je ne pouvais pas lui en tenir rigueur; je n'étais pas des plus sociables moi non plus, je l'admettais volontiers, même si je m'efforçais de faire des efforts là-dessus. Tout le monde n'avait pas cette démarche, c'était comme ça. Quoiqu'il en soit, j'étais resté sceptique face à sa remarque, sans savoir si elle disait vrai ou pas. Elle avait simplement instauré un silence implacable que je trouvais un peu dérangeant, mais elle semblait ne pas même s'en être rendue compte. Alors qu'il perdurait, je tournai les yeux en direction de l'allée sombre qui continuait devant nous sur quelques mètres, et je pensais à activer ma [Vision Nocturne] pour l'emprunter. Les quelques torches ça et là le long des murs ne suffisaient pas pour rester efficace en combat. Ensuite, place à l'exploration. Il y avait forcément de quoi faire dans ces ruines pour satisfaire mon esprit d'aventure.
Faisant disparaître la fenêtre violacée maintenant que j'avais activé ma compétence, seule source fiable de lumière, je tournai les yeux vers cette fille sans cacher ma surprise: elle s'en allait sans la moindre explication - elle ne m'en devait pas d'ailleurs - mais... Du mauvais côté, si elle tenait à visiter les environs elle aussi. Je la suivais du regard en silence alors qu'elle s'éloignait, pour finalement incliner la tête en la considérant encore. Elle était... Bizarre. Pas parce qu'elle avait sur le nez ces lunettes qui étaient inutiles dans ce monde: on avait tous une bonne vue, puisque le NerveGear n'était pas lié aux yeux mais au cerveau. Non, en fait... Elle me rappelait un peu moi. Moi et mon manque de savoir-faire avec les autres. On devait souffrir de la même maladie: celle d'être restés isolés pour préférer les jeux vidéo aux individus. La situation avait quelque chose de comique: la voilà qui s'éloignait encore, fidèle à une héroïne de shōnen au côté tsundere, qui traçait son chemin pour revenir dans l'arc suivant... Fin de chapitre, tombée de rideau pour elle.

... Ou pas. Sans perdre la face, elle revenait sur ses pas, une expression toujours aussi neutre pour ce que je pouvais en discerner derrière ses lunettes. Elle repassait devant moi et je la suivais encore des yeux, un peu hébété. A quoi jouait-elle? Maintenant, je commençais à penser que ce qui l'avait conduite ici n'était pas l'odeur des trésors, c'était un heureux hasard... Et l'absence d'un sens de l'orientation qui tenait la route. Je réprimais un sourire pour ne pas paraître moqueur - elle m'avait ouvertement demandé de ne pas l'être - alors qu'elle défilait devant moi de sa démarche toujours aussi assurée; au moins si elle s'était trompée, il suffisait de partir en sens inverse pour savoir qu'elle avait pris la bonne direction.

Un doigt tendu devant elle m'indiquait de la suivre, et sans savoir pourquoi, j'avais hésité avant de me décider. La dernière fois que j'étais intervenu, elle m'avait fait comprendre que j'étais une gêne pour elle. Si je l'accompagnais, ce serait pire, elle devait le savoir; oui, mais à deux, les risques étaient minimisés. Basculant la tête de droite à gauche pour chasser les doutes, je lui emboitai le pas en regardant les parois l'air de rien. Bon, ce n'était pas vraiment une alliance que j'avais imaginée en venant ici, mais celle-ci allait être pour le moins marquante. Les joueuses étaient rares dans ce monde, la majorité que j'avais pu croiser était dans des guildes parmi d'autres combattants... Alors des solitaires aussi singulières, si ce n'était une grande première, je pouvais les compter sur les doigts d'une main. En la voyant marcher devant moi, j'avais levé une main, hésitant à l'inviter ouvertement à former une équipe le temps d'explorer, mais je m'étais ravisé, la laissant retomber plus lentement.

Elle avait bondi puis reculé presque expressément - un obstacle, sans aucun doute possible. Alors que je penchai la tête pour regarder par-dessus son épaule, quatre silhouettes nous barraient la route. Malgré moi, un sourire se profila sur mes lèvres alors que mes doigts comprimèrent le manche de mon épée. Encore une fois, le calcul allait être simple; mais je n'avais pas l'intention de la gêner dans son périple, et à vrai dire, le score final m'importait peu.

- Après toi.

Je joignais une main tendue devant nous à ma proposition pour l'inviter à ouvrir les offensives, mais je partais juste après elle pour me ruer sur le monstre le plus à droite, ce qui était plutôt contradictoire. [Sprint] pour venir jusqu'à lui suivi de [Charge] pour lui porter un premier coup aussi brutal que possible, et me voilà au corps-à-corps avec ce bandit. Ensuite, je laisserai cette fille en abattre au moins deux et m'assurerai de tenir le dernier à distance pour ne pas la mettre en péril. Alors que je ne quittai plus mon adversaire des yeux, je notais de penser à lui proposer de prendre les devants et de nous servir d'éclaireur. Je n'avais pas vu ses yeux briller dans la pénombre, preuve que si elle possédait aussi la Vision Nocturne, elle ne l'avait pas activée.

Note pour la modération:

Il y avait un principe que beaucoup d'adeptes de jeux vidéo savaient, et ce quelque soit le type de jeu. Et ce, quelque soit le type d'adversaire - player comme CPU. La plus grande menace doit être la première éliminée, car elle représente un danger imminent: je devais être pour ces bandits la menace en question. Si cette fille avait rencontré les monstres d'abord, si c'était elle qui était partie la première à l'assaut, naturellement les pilleurs s'étaient jetés sur elle comme la misère sur le pauvre monde, à l'exception de celui que j'avais retenu. Mais quand j'avais constaté qu'elle avait déjà bien de quoi faire et qu'un coup d'épée avait fait disparaître le voleur contre qui j'avais croisé le fer, celui qui était à la traîne pour aller l'attaquer s'était retourné - j'étais devenu sa cible. Bien... Deux chacun, et un contre deux... Les offensives s'équilibraient. Je reculais d'un pas pour le laisser venir à moi, la pointe de mon arme frôlant le sol derrière moi.
D'une démarche un peu hésitante - on aurait un peu dit celle d'un mort-vivant en moins caricaturale - c'était à l'inverse de moi qu'il s'approchait, cimeterre en avant, me menaçant de sa lame. Je baissai un peu la tête, et quand son arme n'était plus qu'à un mètre de moi environ, je me jetai sur lui en le chargeant, cherchant à appuyer de tout mon poids pour rendre mon assaut plus efficace, et passai au travers de son corps. Je vacillai après avoir freiné mon élan, dans un équilibre incertain que je retrouvais en reposant le pied droit sur le sol. Et je m'empressai de chercher cette fille dans le couloir obscur.

Elle avait la manie étrange de s'adresser aux mobs et de commenter leurs attaques, je l'avais remarqué lorsque j'occupais les deux bandits l'un après l'autre; ce n'était pourtant pas parce qu'ils avaient un visage humain qu'ils allaient lui répondre... Certains joueurs réfléchissaient à voix haute, c'était ce que je supposais... Et qui était paradoxal. Le calme reste la meilleure source de concentration, c'était bien connu.
C'était une véritable boucherie qu'elle avait instauré contre son premier, puis son deuxième adversaire. Engageant un corps à corps direct, négligeant la défense au détriment de l'attaque, elle donnait des coups sans relâche - et avouons-le, plus rapidement que je ne l'aurais imaginé avec une arme lourde et imprécise telle qu'un marteau. Si bien que je m'étais surpris à l'observer au lieu de chercher à l'aider.: sa vie avait chuté en fin de vert, puis dans le orange, mais un coup supplémentaire de la part du monstre n'aurait pas signifié un danger de mort. Cependant, elle n'aurait pu supporter tout le chemin à ce rythme-là; je m'empressai de matérialiser une autre potion à ranger dans ma poche pour la lui proposer une fois le combat terminé. Au final, j'avais perdu de vue la joueuse quelques secondes, car j'avais effectué la manoeuvre en faisant volte-face pour ne pas risquer de l'éblouir ou de la déconcentrer avec la lumière violacée de mon interface. A peine avais-je récupéré la potion que je me retournais, percuté par quelque chose - elle. Elle et sa jauge un peu moins remplie encore que tout à l'heure. Je ne voyais plus qu'elle, et sans répondre, je plissai doucement les sourcils. Lui dire de se soigner aurait été rhétorique et superflu. Heureusement, elle avait de son côté récupéré de quoi se soigner. Premier soulagement, au moins un.

Cette fois je n'avais pas fait attention à notre environnement hostile, et sa mise en garde avait été un peu tardive. A sa remarque cependant, je m'empressai de me retourner aussi rapidement que possible pour parer le coup - qui atteignit mon avant-bras, non mon épée longue. Je serrai les dents; là-bas, cette douleur aurait été aiguë, insupportable. Un peu plus de force et j'aurais eu une entaille jusqu'à l'os. Mais dans ces corps dépourvus de chair et de squelette, seule la force primait. J'étais plus fort que lui. Heureusement que les blessures étaient légères, mon orgueil avait été des deux le plus affecté.
Désormais en colère, je pestai sèchement tout en le repoussant de quelques pas, et plaçais ma lame le long de mes omoplates, contre son fourreau.

- Dans des donjons comme celui-ci, il y a toujours une Safe Zone. Parfois c'est un renfoncement dans un couloir, parfois c'est une pièce.

Et d'un mouvement de tête - concrétisé par l'index de la main gauche tendue dans la bonne direction pour la rendre plus évidente - je lui montrai un lieu plus sûr. Les sécurités optimales telles que je venais de le mentionner étaient encore loin devant nous, nous étions à peine à l'entrée des ruines. Mais là, elle pouvait échapper à la vigilance des ennemis.

- Je m'occupe de celui-ci, ça devrait te laisser le temps de te soigner.

Sa détermination à traverser ce couloir et explorer cette zone semblait au plus haut, mais avait-elle pris assez de potion? Si elle se pensait capable de poursuivre, alors il fallait que je change la stratégie et que je la couvre. Je ne souhaitais pas d'une mort de plus sur la conscience, et certainement pas comme cela.
Je ne réalisais que trop tard à quel point j'avais pu paraître présomptueux et méprisant mais tant pis. Qu'importait-il le plus? Sa sécurité, en tout premier lieu.

Note pour la modération:

Mes conseils avaient été donnés, en fait ils avaient plutôt sonné comme une directive, pensais-je maintenant qu'autour de nous je ne voyais plus que le pilleur. Balayant en une seconde les potentiels remords pour m'être montré impératif avec cette joueuse que je ne connaissais pas, je m'apprêtai à le charger et mon épée dans ma main commença à miroiter de mauve. Je voulais l'avoir en un seul coup, comme les autres, mais je voulais cette fois l'échange plus rapide - le temps qu'elle se soigne, j'étais aussi là pour couvrir cette fille. Mais alors que je m'étais rué sur lui, alors que je regardais ses yeux troubles dans lesquels se reflétait la lueur de mon arme puis sa jauge de vie qui descendait rapidement, une autre arme s'interposa pour accélérer la chute. Mon attaque avait fait disparaître les quatre-cinquième des PV avant qu'on ne décide de s'interposer; et ce n'était pas moi qui portais le coup final.

- ... Hein?

Le corps de pixels explosa devant nous, mais je ne le regardais pas. Non, c'était la joueuse que j'observais: elle contemplait la notification apparue devant elle, impassible, une expression neutre derrière ses lunettes, sa jauge toujours à moitié remplie. Et s'il l'avait touchée? Elle aurait fini par se mettre sérieusement en danger. Elle avait fait preuve de ruse, il fallait bien l'admettre, même si c'était un peu difficile; ce n'était pas contre notre adversaire mais contre moi, et je m'étais bien fait avoir. Alors quoi, on était en compétition? Chacun pour soi? Je fronçais les sourcils en essayant de comprendre puis baissai les yeux en direction du sol, perplexe.
De son côté elle avait repris la route, mais cette fois le raisonnement de ses pas s'arrêta en chemin avant de reprendre - lorsque je m'étais décidé à la suivre. Aucun de nous n'avait pris la parole, aucun de nous ne devait être doué pour ça d'ailleurs. J'observais sa jauge de vie qui remontait progressivement après avoir bu le remède pour finalement venir à sa hauteur, ou presque. C'était à une grande salle intermédiaire que conduisait ce couloir terminant en impasse à l'exception d'une porte à droite et une à gauche, et alors que je m'arrêtai pour essayer de déterminer par où passer, le regard rivant d'une pièce à l'autre, la joueuse avait choisi d'elle-même et s'était approchée. Pour ouvrir l'une des portes.

- Att-!

Trop tard. Une main tendue vers elle, le souffle retenu, je pouvais me détendre. Si on avait des agissements à l'opposé exact, elle n'était pas non plus complètement inconsciente et se contentait juste d'observer ce qu'il y avait de l'autre côté. Aucun danger imminent, et je m'approchai prudemment de la porte qu'elle venait de délaisser, prêt à l'ouvrir, une main posée sur la pierre fraîche et granuleuse. Avec [Crochetage], j'aurais pu ouvrir l'autre et m'emparer d'un trésor, pensais-je avant de la pousser pour l'ouvrir un peu plus...
... Mais elle avait [Crochetage]! C'était une voleuse! Un cliquetis métallique et je m'empressai de reculer pour observer cette fille à l'oeuvre, sans la quitter des yeux de toute la manoeuvre. Je m'étais seulement approché un peu plus près et penché en avant pour contempler la serrure et la petite jauge apparue devant cette fille. Être voleur avait du bon.

- Oh, good job!

J'avais moi-même perçu l'admiration dans ma voix, le sourire aux lèvres, mais aucune remarque de sa part n'y fit écho. Tant pis. A la place elle s'était éloignée de la porte tout juste déverrouillée pour... Me laisser passer. Une invitation? Je gardai mon sourire quelques instants avant de le faire disparaître pour de bon en repensant aux quelques minutes qui avaient précédé l'arrivée dans cette salle. La compétition qui s'était instaurée. Ce n'était pas de la politesse, elle se servait de moi comme bouclier. Ce type de salles était parfois gardé par un ou des monstres contre lesquels elle ne voulait pas se lancer. Finalement soit elle n'était pas si étrangère aux RPG, soit elle en avait déjà malheureusement fait les frais sur Sword Art Online. Feignant ne pas imaginer que j'étais là pour me prendre les coups à sa place, je poussai la porte avec autant de détachement et aussi peu d'appréhension que possible. Après tout, elle n'avait pas tout à fait tort; le PV disparu tout à l'heure n'était plus qu'un souvenir.

La pièce était sombre, mais pas assez pour ne pas distinguer en son centre le coffre qui trônait contre le mur du fond. Je regardai à droite, à gauche, dégainai mon épée pour laisser présager d'un adversaire... Et avançais jusqu'au milieu de la pièce avant de me retourner.

- La voie est libre.

Reprenant un air narquois, j'espérais quelque part qu'elle était déçue d'avoir voulu se jouer de moi. Enfin, en entrant dans son jeu, je n'avais qu'à m'approcher de ce coffre et l'ouvrir pour elle afin de signer cela comme une belle vengeance; mais ce coffre, j'étais bien forcé d'admettre que je n'aurais pu l'atteindre sans elle. Cherchant au mieux à garder une expression aussi impassible qu'elle, c'était à contre-coeur que je lui tendais une main ouverte en direction du coffre pour l'inciter à en récupérer le contenu. Mais je la regardais tout de même pour savoir ce que j'avais manqué, histoire de finir de m'achever.
Je demeurai au centre de la pièce, observant avec attention la porte par crainte qu'elle se verrouille en nous prenant au piège. Ca m'était arrivé une fois, dans un temple comme celui-ci, et j'en gardais un souvenir des plus amers. Rien. Pas même lorsque le battant s'était ouvert et que la notification s'était affichée devant la joueuse à lunettes. En silence, je regagnai la salle précédente pour approcher la seconde porte que j'ouvrais grand. Si je n'en avais rien dit, j'espérais bien récupérer le trésor suivant; après tout j'étais aussi là pour l'exploration, pas seulement en tant que garde du corps de Mademoiselle.

Le couloir suivant était un peu plus court, un peu plus étroit aussi; tout au bout on voyait deux nouvelles portes aux pièces probablement parallèles - un labyrinthe. Nous étions donc dans un labyrinthe, et ce choix allait sans doute se présenter à nous encore et encore. Pour preuve, trois nouveaux bandits nous avaient barré la route avant que l'on ne puisse accéder à ce hall. En roulant des yeux jusqu'à la joueuse, je me promettais d'en abattre deux et lui laisser le dernier; à défaut de pouvoir ouvrir les coffres si elle décidait d'instaurer une course au trésor à chaque porte déverrouillée, je pouvais au moins récupérer les drops et ne pas sortir complètement bredouille de cette excursion souterraine.

Note pour la modération:

- ... Huh?

Non, en fait j'avais très bien entendu ce qu'elle venait de dire - les deux choses qu'elle venait de dire, l'une après l'autre. La première était là la plus inattendue des deux: je la percevais comme cupide et profiteuse, un côté calculateur et intéressé indéniable en plus. Mais si elle disait vrai, bien que contrainte, elle avait accepté de me laisser ma part du trésor. Ce n'était pas forcément facile à admettre, mais on avait besoin l'un de l'autre pour avancer et être optimaux jusqu'au bout de ces ruines. Sans elle, je n'aurais probablement pas pu avoir accès à une porte sur deux, à en juger par le plan de ce donjon. Quand bien même l'aurais-je parcouru d'un bout à l'autre, j'aurais très bien pu ne récupérer sur mon passage que ce que j'aurais obtenu des monstres. Mais sans moi, je n'aurais pas été catégorique quant à ses chances de survie. Elle était ma clé et j'étais son bouclier.

La seconde, c'était justement me rappeler à l'ordre quant à mon rôle dans la team, et d'un naturel pour le moins déconcertant. L'un des Pilleurs abattit sa cimeterre sur ce qui aurait du être ma partenaire du moment, et je m'empressai de parer maintenant qu'elle avait filé, prenant un faible dégât suite à l'impact du fer rugissant contre le fer. Un autre vint loger son arme dans mon épaule mais je ne me laissais pas passivement attaquer plus longtemps et les balayais tous deux d'un coup d'épée porté en revers, entraînant dans le mouvement un tracé horizontal azuré. Je me tournais lentement vers le dernier et je bravai de mon arme la distance qui nous séparait, avant de river les yeux sur le côté: la joueuse avait pu fuir, au moins elle était en sécurité et à couvert à présent; avec un peu de chance, elle nous ouvrait la voie pour la ou les salles suivantes. Je l'apercevais enfin depuis le nouveau hall qu'elle venait d'atteindre.
Sans craindre le danger pour elle, je pouvais cesser de m'en faire et me concentrer sur ce type qui claquait des dents quand il avançais de son pas incertain. Il s'était rué le premier sur moi et j'étais allé à sa rencontre, notre échange s'étant soldé par passer chacun dans le dos de l'autre, et je plaçais mon épée contre mon épaule pour reprendre la route tandis que son corps se dissipait. Un dernier regard en arrière, et je faisais disparaître la notification de victoire pour rejoindre ma... coéquipière.

Je n'aurais pu prétendre que les deals de ce contrat me déplaisaient. Je parcourais des ruines, je pénétrais dans des salles secrètes où siégeaient des coffres inédits, et je me battais pour occuper les trajets dans les couloirs. Et même si la joueuse n'était pas plus bavarde que moi, il y avait cette présence qui remplissait l'espace vide prévu à cet effet. C'était une bonne journée.
Assurant les arrières de cette fille, elle avait déjà pu effectuer le travail de crochetage à mon arrivée et la porte de la pièce auparavant verrouillée était grande ouverte. Un regain d'énergie saisissant tout mon corps de pixels, je me mettais à sourire pour franchir les quelques mètres qui m'avaient permis de la rejoindre à l'intérieur. Elle était efficace dans son rôle, inutile d'en débattre. La joueuse se tenant là, le regard vers l'entrée, je comptai à mon tour les effectifs. Cinq coffres dans une salle aussi petite? Je plissai les sourcils, incertain.

- Je n'ai pas [Analyse], mais si c'est ton cas... Vas-y, je te laisse les ouvrir. Inutile de faire courir des risques inutiles.

Elle semblait aimer ça en plus - ouvrir les coffres. L'une des rares fois où elle avait souri jusqu'à présent, c'était quand elle tenait le couvercle de l'un d'eux entre les mains. Il était probable que certains de ceux-là soi-disant identiques étaient des leurres, c'était courant dans les donjons centrés sur la chasse au trésor. Encore un peu et cette fille recélait un côté sadique et allait nous ouvrir exprès les coffrets piégés pour 'm'occuper'. Non... Petit à petit je commençais à lui faire confiance pour cela. Quoique...

Note pour la modération:

 

Récapitulatif :

Plus drôle? Jusque-là, son humour était assez... Particulier. Enfin, je peux toujours parler; je ne compte pas le nombre de fois où je me suis retrouvé à penser une situation amusante, et qu'elle n'avait en fait créé que gêne ou colère. Là, cette fille semblait vouloir jouer avec le danger: mais nous n'étions plus vraiment dans un jeu, et si ouvrir un ou deux de ces coffres de manière aléatoire n'allait pas vraiment me mettre en péril, qu'en était-il pour elle? Je devais la protéger oui, mais pas me prendre absolument tous les pièges pour elle...
De façon aléatoire, vraiment?

Encore un peu sceptique, je m'avançais vers le deuxième coffre en partant de la gauche, soit le plus près de moi. Ils formaient un "W" tous ensemble et si vraiment l'un d'eux était piégé - voire plusieurs s'il y en avait, mais je n'en doutais plus vraiment - alors nous étions plus près de la sortie. Cependant, j'avais attendu avant d'ouvrir le coffre: cet élan de générosité ne lui ressemblait pas. On devait partager oui, elle l'avait dit d'elle-même, mais de là à m'en laisser davantage... Je me postai devant le trésor mais j'attendais qu'elle ouvre le coffre qu'elle avait choisi, l'arme déjà en main, prêt à réagir en cas d'attaque.
Rien.

Soit c'était une véritable chanceuse, soit... En hochant une fois la tête, un peu rassuré de voir qu'elle ne s'était pas mise en danger d'elle-même, je posai un genou au sol, les deux mains sur le couvercle, attendit un peu avant de le soulever doucement...
Des dents apparurent et me mordirent l'épaule dans un geste rapide et précis, alors que la surprise m'avait éjecté en arrière. Je retombais les fesses sur le sol, une main à plat près de moi, et trancha le bois factice aux pattes d'araignées alors qu'il avait bondi pour me sauter dessus. Encore un point de vie en moins - bon sang! Ceux-là avaient plus de vie que les autres monstres du palier! Les Mimics dans tous les jeux sont plus puissants, plus rapides ou plus agressifs, ceux de Sword Art Online ne dérogeaient pas à la règle. Celui-ci m'avait mordu la jambe alors que je m'étais remis sur pieds et je plantai rageusement son coffre de mon épée dans le sol pour l'achever. Les pattes d'arachnides remuèrent encore quelques instants avant de faire place à l'animation de polygones pixelisés. A mes côtés, ma partenaire devait jubiler.

Reprenons, soit elle avait beaucoup de chance et moi de malchance, soit... Frustré, je faisais la moue en m'approchant d'un autre coffre, mais cette fois le manche de mon épée ornementale plus serré entre mes doigts. "Je ne l'ouvrirai que de la main gauche, je m'attends à ce que ce soit un leurre lui aussi.", pensais-je avec obstination, avant de prétexter l'ouvrir. Bingo. Au moins cette fois j'avais pu porter le premier coup pour abasourdir mon adversaire le premier, et j'en profitai pour effectuer un mouvement identique en sens inverse pour l'abattre en plein vol. Une croix rouge et trouble s'était dessinée sur son corps avant qu'il ne disparaisse sous mes yeux, et que mon arme perde cet éclat jaune vif qu'elle venait de prendre pour effectuer le mouvement. La voleuse à côté de moi? Un second bon coffre d'ouvert. Je retenais un soupir consterné pour laisser place à un petit sourire - un faux sourire. Mon doigt venait de lui désigner le dernier des cinq coffres qu'il restait à ouvrir.

- Je t'en prie, ouvre-le. Tu as visiblement beaucoup plus de chance que moi et tu adores ça. J'insiste.

Je ne mettais plus cette situation sur le compte de la chance, évidemment. Elle avait du le comprendre très nettement dans le timbre hypocrite que je lui avais adressé. Une main appuyée sur ma ceinture, un sourire satisfait sur les lèvres toujours présent, je me tenais près d'elle. Le but n'était pas de la mettre en danger mais de la laisser goûter à la fureur du monstre mordant. J'allais la défendre ensuite.
Peut-être que je me faisais manipuler depuis le début, que c'était prémédité, et qu'elle s'attendait soit à ce que j'ouvre ces coffres-là, soit à ce que je lui laisse le dernier des trois qui étaient censés me revenir, soit les deux. S'il y avait une récompense là-dedans, alors elle se serait jouée de moi jusqu'au bout. Autrement, je tenais là une petite vengeance personnelle.

- Ne t'en fais pas, je te protégerai. Après tout tu me fais confiance, comme tout à l'heure.

Je me stoppai là. Inutile d'en faire des tonnes...

Note pour la modération:

Peut-être que j'allais lui faire courir des risques, précisément ce que j'avais voulu éviter, et peut-être que j'allais le regretter. Mais si nous étions une équipe - ou dans son esprit, j'avais plutôt l'impression d'occuper la place de valet - alors je ne devais pas être seul à nous mettre en danger et nous défendre.
Enfin, ça c'est ce que j'aurais aimé penser égoïstement. En la voyant s'approcher du coffre, j'avais conservé une pointe d'appréhension derrière mon sourire faux. Elle jouait la comédie, je le savais à 99%. Mais le pourcent restant me laissait demeurer inquiet. Elle n'était pas en danger de mort, j'étais là pour m'en assurer. Elle s'approchait de la malle restante et si je n'avais pas bougé sur l'instant, me voilà à la suivre et me placer de côté pour riposter si le coffre cherchait à l'attaquer. Ce qu'il avait fait.

Je me ruais sur lui dès que les points de vie chutèrent dans la jauge de cette fille, pour tenter de l'abattre rapidement et que le monstre se détourne de sa première cible. Ça avait marché: revoilà la preuve que le système privilégie l'élimination du plus gros danger pour ses habitants. La voleuse? Elle s'était mise en sécurité entre les deux coups que j'avais portés à la créature avant qu'elle ne se désintègre entre elle et moi. Je débloquais mon souffle en me redressant pour ranger mon arme. Cette fois, la pièce était vide de tout coffre, de tout trésor comme de toute menace. Ils n'allaient pas réapparaître avant que l'on quitte la salle.

Et je pensais qu'elle allait nous ouvrir la voie. Mais contre toute attente, sans l'intervention d'un Voleur dans l'équipe, nous aurions été dans une impasse. A moins qu'il n'y ait eu un autre chemin que nous n'avions pas vu? Je me retournais pour m'en assurer, sans succès. Elle aussi s'était heurtée à cette impasse - mais le Voleur, on l'avait. J'attendais à côté d'elle, observant la procédure de [Crochetage] avec plus de méfiance. On devait partager la récompense? Pour l'instant je n'avais pas encore touché au contenu d'un seul de ces coffres et je restais sur ma faim.
La porte déverrouillée, je passai devant cette fois. Oui, parce que...

- C'est peut-être une autre salle piégée.

A première vue, oui. Mais pas un danger immédiat prêt à nous attaquer comme des Pilleurs. Dans celle-ci trônait un coffre central, faiblement éclairé par une lumière qui semblait venir d'au-dessus, histoire de le rendre en évidence plus que nécessaire. Ce coffre contenait quelque chose de bien, de génial même, mais dès que l'un de nous l'ouvrirait les portes allaient se refermer et nous ensevelir dans le sable ou alors une horde de monstres allait pop devant nous - ou pire, autour de nous - et se jeter à notre rencontre. Mais il y avait quelque chose là-dedans. Quelque chose de bien. Et ce n'était pas la fin de la voie: au fond du hall, un autre couloir se profilait. Je devinais d'avance que nous attendraient deux portes apparemment scellées.

- Je vais l'ouvrir. Reste cachée contre un mur, je vais l'ouvrir.

Elle était encore dans le vert, mais je ne savais pas ce qui nous attendait. A vrai dire, la raison m'avait d'abord poussé, frustration d'explorateur mise de côté, à laisser ce coffre là où il était et renoncer à son contenu. Mais si je m'étais écouté, c'était elle qui se serait ruée pour aller l'ouvrir et elle se serait retrouvée sur le devant de la scène pour en assumer toutes les conséquences.
Je m'attendais d'ailleurs d'un instant à l'autre à ce qu'elle me dépasse pour aller étancher sa curiosité. Je me tenais prêt à la retenir s'il le fallait.

- Si tu y tiens, je te donnerai ce qu'il contient. Mais c'est moi qui vais le faire.

J'avais voulu le préciser avant qu'elle ne soit tentée de rétorquer. C'était bien la première fois que je me montrais aussi sérieux et impératif avec elle, je ne me le serais pas permis en d'autres circonstances. Me retournant vers elle pour la dévisager avec insistance, j'approchai lentement jusqu'à entrer dans la lumière, posai un genou au sol...

- Avance jusqu'au bout du couloir, je te rattraperai. S'il y a quelque chose, crie ou alors défends-toi.

Oui, je me prenais au jeu peut-être un peu trop sérieusement; cependant je ne pensais pas qu'elle avait obtenu une clé menant à la Beta-test et que des situations comme celle-ci, elle en avait connu beaucoup. Moi j'étais déjà 'mort' une fois pendant l'été de cette façon, avant de renaître à la Ville de Départ.
Soulevant délicatement le couvercle... C'était le sable qui avait répondu à mes interrogations dès que l'item avait pris place dans mon inventaire - provisoirement, car j'allais tenir parole. Les portes s'étaient fermées pour nous prendre au piège alors qu'il s'écoulait de fentes dans les murs et je me redressai, prêt à courir en cherchant des yeux la Voleuse. Malgré ses coups bas, je ne voulais pas partir sans elle. Pour le meilleur et pour le pire, on était maintenant une équipe.

Note pour la modération:

La joueuse n'était pas restée près du coffre alors que je l'ouvrais, conformément à ce que je venais de lui demander - de lui ordonner. Dans une salle comme celle-ci dénuée de dangers, mieux valait se disperser: elle serait là pour nous ouvrir la voie et y réchapper pendant que je lui faisais gagner du temps. Oui, sauf que là...
Je redressais vivement la tête. Ce qu'elle venait d'annoncer n'était pas prévu au programme... Les deux portes, des leurres!? On retrouvait là l'humour noir du créateur qui avait du estimer que ce donjon jusqu'alors n'avait pas suscité à ses explorateurs une dose de stress suffisante. La Voleuse m'avait appelé, courant d'un bout à l'autre de la pièce alors que je l'observais, plus surpris qu'ébahi. Dans d'autres circonstances, ses remarques m'auraient fait sourire; pour lui faire gagner un peu de temps je commençais à parcourir les murs du regard, cherchant parmi tout ce sable qui s'écoulait la trace d'un passage que l'on pouvait - et que l'on devait - emprunter. Rien. C'était comme un mur sableux qui se formait par-dessus la roche taillée. Je courais le long du mur pour m'en assurer, alors que les bruits de mes pas se retrouvaient désormais étouffés.
En essayant de calculer rapidement, j'estimais que la salle se retrouverait totalement ensablée jusqu'aux dernières pierres d'ici cinq minutes maximum. C'était un flot constant et si j'avais commencé par chercher une issue, désormais je jetai mon dévolu sur la trace d'un mécanisme pour le stopper. Rien non plus. Si je parvenais à rester calme, peu à peu je ne voyais plus qu'une seule solution pour s'extirper de ce piège...
S'accrocher à un mur, grimper le plus haut possible, et espérer que le sable n'augmenterait pas jusqu'au plafond. Le plafond...

Elle m'appelait encore et je m'empressai de la rejoindre en devinant qu'elle avait compris. Même mieux, qu'elle avait trouvé. Les pieds en équilibre sur les bords du coffre, elle tendait misérablement les bras pour espérer atteindre la surface supérieure de la pièce et je me postai à côté d'elle pour la soulever sur les épaules. Les quelques soixante à soixante-dix centimètres dont elle avait besoin étaient tout trouvés.
La dernière fois que j'ai pris quelqu'un ainsi, on m'en parle encore. C'était aussi une fille. Pour ne pas que l'histoire se répète encore malgré moi, et malgré la tension de la situation bien plus intense, je regardai le sable grimper le long de mes mollets, englobant le coffre sur son passage. Il venait de commencer à englober son contenu alors qu'il montait encore et je me contenais pour ne pas alerter ma coéquipière qui devait déjà se donner au maximum pour débloquer le piège. Aussi égoïste pouvait-elle être, elle se retrouvait actuellement aussi en danger que moi. Le sol de sable monta jusqu'à ma taille...
Le cliquetis annonça enfin une bonne nouvelle, et je répondais sans réfléchir à la main que l'on venait de me tendre. De l'autre côté de la porte j'exploitai à leur extrême mes paramètres de force pour la refermer derrière nous afin de ne pas ensabler cette nouvelle pièce qui devait plutôt nous servir de salle de repos. Et une fois le bruit sourd de la roche frottant à la paroi, je me laissai tomber lentement le long de la porte pour reprendre mon souffle et évacuer l'angoisse.

- Je... Merci.

Cette fille était égoïste, oui; mais elle aurait pu courir pour sauver sa vie et me laisser derrière elle une fois qu'elle n'eut plus besoin de moi. Ç’aurait été logique, inscrit dans son comportement habituel. Au lieu de cela, elle avait perdu du temps pour me venir en aide à son tour, et nous voilà tous deux sains et saufs, en sécurité. Je l'avais mal jugée. Aussi maladroitement que j'en aurais été capable, je tentai de lui témoigner un sourire; mais ce n'était pas ça qu'elle attendait, non. C'était peut-être pour cette même raison qu'elle m'avait porté secours. Je détenais encore quelque chose que j'avais promis lui revenir. Quelque part amusé par ce pragmatisme et cet intérêt poussé à l'extrême, je soupirai une bonne fois pour toutes avant de me relever pour observer la pièce. Elle semblait calme, était un peu plus décorée que la précédente par les fresques ornant les parois, pas le moindre coffre...

- Je crois que c'est dans une Safe Zone... Ce qui veut dire que nous sommes soit à la moitié, soit à la fin du donjon.

J'avais parcouru déjà plusieurs donjons, SAO comme tout autre RPG, pour finir par assimiler la logique des designers qui les concevaient. Un bras tendu devant moi, je désignais l'issue tout au fond de la pièce: si j'avais vu juste, tout le monde pouvait l'emprunter - mais de toute façon, sans voleur il aurait semblé impossible d'arriver jusqu'ici.

- Ce qui veut dire que derrière ces portes se trouve peut-être un Boss alternatif.

J'étais partagé entre l'envie d'avoir raison et de pouvoir faire face à quelque chose de puissant, ou pouvoir poursuivre cette exploration un peu plus longtemps et récupérer d'autres trésors. En parlant de trésors... Je me retournai vers la joueuse et affichai mon interface pour parcourir ma liste d'items.

- Au fait... Je te dois quelque chose.

Je validai la sélection pour proposer l'échange et lui remettre ce que le coffre m'avait rapporté, que je venais de découvrir en même temps qu'elle.

Note pour la modération:

Qu'est-ce qui clochait avec cette fille? A ce niveau-là ce n'était pas de la maladresse, elle était seulement... Comme ça. Rustre et assumée. Aussi bien que j'en avais été capable, j'avais préféré ignorer sa remarque sèche et prétexter ne pas l'entendre pour me focaliser sur cette pièce; elle me dérangeait, mieux valait ne pas le montrer. Au fond c'était elle qui avait raison: tous les joueurs n'étaient pas solidaires. Pour certains, comme elle, c'était du chacun pour ça. La loi du plus fort et du plus égoïste s'applique dans beaucoup de MMO; bienvenue dans le monde impitoyable de Sword Art Online. J'avais pris les devants alors qu'elle était encore au repos.

Acceptant l'échange en me toisant de façon évidente - c'en était presque caricatural - je fronçais les sourcils en refermant mon interface et arborai une moue contrariée. Elle aurait seulement pu me remercier, ç'aurait été suffisant... Non, elle n'était pas de ce genre-là. Cette fois je refoulai un soupir consterné: au moins je le savais, si j'étais honnête, ce n'était pas son cas. La moitié des gains? Je l'attendais encore, mais je ne me faisais déjà plus d'espoirs. Elle allait garder l'ensemble et s'était jouée de moi. C'était comme ça... J'allais me montrer méfiant avec elle à l'avenir. Enfin, si je la recroisais.

Elle venait de me dépasser à son tour, ouvrant l'issue de la pièce: retour au désert qui couvre le Palier 13. Je gardai une expression pensive, maintenant que l'une de mes deux théories se confirmait. C'était là la fin du donjon. Décevant. Si elle était satisfaite, pas moi. Je ne voulais pas m'en arrêter là. Regardant rapidement l'heure inscrite dans mon champ de vision, je n'avais mimé aucun mouvement indiquant que j'allais sortir. Non, je n'avais pas l'intention de quitter cet endroit.

-Je vais faire demi-tour et y retourner. Je n'ai pas encore trouvé de trésor à me mettre sous la dent et c'est un peu frustrant de repartir d'ici les mains vides...

Je mimai un sourire gêné, et me retournai pour observer la porte que j'avais refermée quelques instants plus tôt. De toute façon si je voulais revenir sur nos pas, c'était le seul accès possible. Je regardai de nouveau l'heure pour estimer approximativement le temps qui s'était écoulé depuis que nous étions entrés en Safe Zone - et en déterminer le temps qu'il faudrait à la pièce voisine pour se réinitialiser. Mon sourire devint un peu plus grand tandis que je plantai mon regard dans celui de ma partenaire. Je le percevais plus nettement qu'elle ne devait l'imaginer derrière ses lunettes.

- J'ai compris que les remerciements c'est pas ton truc, mais... Merci pour tout.

Moi-même j'aurais été incapable de dire si j'étais plus amer ou sincère. Ma candeur, elle, était fausse. En laissant la voleuse sur ces entrefaites, je faisais demi-tour pour de bon afin de me rapprocher de la porte et je posai une main dessus. Elle était toujours scellée. Alors que je tentai de la déverrouiller manuellement, je constatai avec désarroi que je l'avais fermée avec plus de force que nécessaire et que pour la rouvrir... J'allais encore devoir la forcer. Posant un pied en hauteur dans son encadrement, je tirai en rassemblant toute mon énergie pour espérer la faire bouger. Une faible fente se dessina et je regardai au travers: le sable était toujours là mais il y en avait moins, comme s'il s'était écoulé de lui-même par des sillons imaginaires. J'avais vu juste: bientôt la pièce allait être complètement remise à zéro pour de potentiels nouveaux aventuriers.
Obnubilé par l'idée de repasser les portes en vérifiant les possibilités offertes aux joueurs une à une, reprenant le donjon à contre-sens dans son intégralité s'il le fallait, j'en oubliais la voleuse qui m'avait accompagné. D'un autre côté, j'espérais ne pas avoir à compter encore sur un voleur pour ouvrir les portes restées closes. Pourtant, en lui témoignant toute ma franchise, j'espérais quelque part lui avoir au moins fait éprouver un peu de remord - si elle était capable d'éprouver quelque chose de semblable. Pas pour moi, mais la prochaine fois qu'elle aurait l'intention de se servir de quelqu'un pour satisfaire ses propres fins. Pour moi nos chemins se séparaient là: je ne voulais pas retourner en ville tant que je n'avais pas étanché ma soif d'explorateur. Et désormais, je ne devais plus rien à personne.

Derrière moi, j'avais pu entendre le ricanement moquer de la Voleuse, et j'en devinais sans trop de mal la raison. avait-elle seulement les paramètres de force nécessaires à l'ouverture de cette porte, avant d'arborer cet air narquois dont j'étais la cible. Je n'avais rien répondu, préféré feindre de l'ignorer, mais mes mâchoires s'étaient crispées: oh, c'est vrai. On devait partager les récompenses et faire moitié-moitié, avait-elle soufflé à demi-mot? J'attendais encore ma part du gain. Elle pouvait se moquer oui, et pour une fois je m'étais surpris à me trouver gentil - un peu trop. Après tout rien ne m'aurait empêché de l'attaquer et de la forcer à me donner ce qu'elle me devait, si ce n'était absolument tout ce qu'elle possédait, et la laisser là pour m'éloigner. Elle s'était servie de moi, mais si je me retournais contre elle? Ça n'aurait été là que la monnaie de sa pièce. Et à la place, je préférais rester là, seul, pour repartir à la recherche de ces coffres sur le contenu desquels je pourrais enfin mettre la main.

Cependant, je n'arrivais pas à lui en vouloir davantage. Si je l'avais remerciée c'était parce qu'en entrant dans ce temple, les trésors n'avaient pas été mon objectif premier: c'était l'exploration, le tracé sur ma carte qui m'avaient motivé et je n'aurais pas été capable d'aller aussi loin sans elle, qui m'avait ouvert les portes et les issues. Et puis malgré tout, on avait quand même passé un bon moment dans ces ruines, au-delà des quelques péripéties bravées. Je n'avais pas eu de journée aussi remplie depuis longtemps. Haussant à peine les épaules, je redoublais d'énergie pour forcer l'ouverture de cette trappe. Sans succès. En renonçant pour de bon, je m'asseyais à côté, les bras croisés, et surveillai de temps en temps l'heure pour attendre sa réinitialisation et y retourner. Je n'avais plus décroché un mot; des fois qu'elle en vienne encore à se moquer...

La prochaine fois que je tentai de soulever la trappe, elle céda avec une facilité déconcertante. Regardant à travers, je voyais que le sable qui encombrait la pièce avait disparu, et j'activai [Écoute] pour vérifier qu'il n'y avait pas d'autre groupe qui s'était engagé dans l'aventure. Aussi loin qu'elle me percevait d'entendre, non. Adressant un dernier regard à la Voleuse, sans la moindre hésitation, je me jetai au travers et atterrissais près du coffre. Ce n'était pourtant pas lui que je regardai cette fois, mais les deux portes jumelles au fond de la pièce et sans redouter l'apparition de monstres, je m'en approchais pour essayer de les ouvrir l'une après l'autre. Celle de gauche était scellée, celle de droite avait cédé pour faire place à une salle impasse, qui ne possédait pas le moindre trésor.
Avec [Crochetage], il était donc possible d'aller plus loin.

C'était là le cas de figure devant lequel j'aurais préféré ne pas me trouver. Je voulais faire demi-tour et reprendre à zéro pour ne pas partir d'ici les mains vides, mais... Mon âme d'aventurier était de nouveau assoiffée, maintenant que j'avais pris conscience que nous n'étions pas au bout de ces ruines.

- Merde...

Personne ne venant, je n'avais pas vraiment le choix: j'espérais que cette fille ne m'avait pas entendu. Je revenais jusqu'à la trappe et sautai pour m'accrocher au rebord, laissant seulement la tête dépasser pour la regarder se concentrer sur sa [Méditation].

- Euh... Il y a encore une zone qu'on n'a pas pu explorer, tu te souviens?

Roulant des yeux sans feindre la moindre hypocrisie, je redoutais qu'elle en vienne à me rire encore au nez. Elle avait eu besoin de moi pour survivre? C'était un peu difficile à admettre, ma fierté se prenait une claque à chaque fois, mais j'avais besoin d'elle pour avancer.

Note pour la modération:

Je n'étais pas resté plus longtemps agrippé aux bords de la trappe, les pieds flottant au-dessus du sol, à partir du moment où je l'avais vue se lever et faire quelques pas. Une démarche royale, un port altier, un soupir feignant le détachement: Princesse avait daigné accepter la demande implicite de son serviteur. Quelle bonté d'âme... Je la voyais où l'entendait de snober mentalement et agitai faiblement la tête de droite à gauche, l'air consterné. Je m'étais déjà tourné vers les deux portes au fond de la salle, celles que j'avais tenté d'ouvrir avec un succès mitigé. Les mains appuyées sur la taille pour en dégager mon manteau, j'essayais d'imaginer le type de pièce que l'on aurait derrière nous.
Et ma partenaire venait de s'écrouler lamentablement dans le coffre derrière moi, je me retournai et me forçai à ne pas rire - j'aurais eu toutes les raisons du monde pour le faire, entre son apparence tout de suite plus ridicule et pour marquer une petite vengeance, mais elle me l'aurait probablement renvoyée au centuple le moment venu. Et elle était du genre à bien saisir les opportunités. Mais... Il n'y avait pas de raisons que je sois le seul ici à me couvrir de ridicule devant l'autre!

Se relevant avec autant de fierté qu'elle en était capable après ce fail, je la suivais en silence alors qu'elle n'avait pas non plus osé le briser. Peur de perdre la face, probablement; Miss Parfaite avait une certaine estime d'elle-même. L'observant ouvrir la porte qui m'avait résisté, celle-ci finit par céder sous les doigts délicats de la voleuse qui sait crocheter les serrures, et s'ouvrir devant nous. J'allais tendre une main pour lui proposer de passer devant quand elle avait dépassé mon offre.

- Sympa...

Je haussai les sourcils, l'air vexé, soupirai lourdement pour m'assurer qu'elle l'entende et passai le premier. Oui parce que des fois qu'un autre monstre pop juste sous notre nez, c'était évident qu'il était pour moi! Et cette jauge de vie retournée dans un joli vert presque plein de ma coéquipière? Détail... Elle était là pour récolter et moi pour m'assurer qu'elle le ferait bien, après tout.
C'étaient donc deux scorpions qui se promenaient dans cette salle cette fois plus large que longue, et où reposait un coffre dans le coin gauche face à nous. Un rapide regard vers la droite, et on pouvait constater qu'un autre longeait le mur qui soutenait l'entrée par laquelle on venait d'arriver. Chacun des deux monstres gardait un trésor, et aucun ne semblait nous avoir remarqué. Je récupérai tranquillement mon arme de mon dos en me tournant vers la Voleuse.

- Bon... Un chacun cette fois? Ils sont trop éloignés, j'aurais du mal à les avoir efficacement.

C'était bien des monstres dont je parlais, mais ma remarque s'appliquait aussi aux coffres. Laisse-m'en au moins un, s'il te plaît... Le cas échéant, c'était à moi de prendre les devants. Cette fois, je la laissai cependant partir la première pour arpenter la pièce plus en détails, à l'encontre de sa demande de me laisser passer devant, et je me jetai mon dévolu sur le coin opposé laissé à l'abandon. Elle avait du tout comme moi remarquer que cette fois, à moins qu'il n'y ait une porte cachée, il n'y avait qu'une seule issue, au centre du mur à droite. Sans me faire trop d'illusions, je m'attendais à ce qu'il faille encore crocheter sa serrure.

Alors que je me jetai vers le Scorpion qui se promenait tranquillement autour du coffre tel un gardien d'un trésor d'ordre royal, ma partenaire avait filé sur ma droite pour se rabattre sur celui que je lui avais laissé. Le plus près, soit celui qu'elle aurait eu le plus de chances par surprise, soit celui qui n'aurait pas eu le temps en retour de la voir arriver jusqu'à lui. Mon - très prochainement - adversaire m'avait d'ailleurs repéré alors que je filai droit sur lui, et 'courut' - si on peut apparenter cela à de la course - pour venir à ma rencontre dans une succession de bruits de pattes précipités. Et soit dit en passant, il allait bien plus vite que je n'aurais pu le soupçonner. Abattant son dard devant lui, j'avais du faire un saut sur le côté, réception un peu incertaine sur un pied, pour l'esquiver alors qu'il l'avait jeté avec force. Il frappa le sable de la pièce et je passai derrière lui en le longeant pour m'approcher du coffre qu'il surveillait. Des fois que ma partenaire se décide à l'ouvrir alors que je combattais son gardien...
Maintenant dans son dos, j'avais tout pour moi. Le trésor, la surprise, la vitesse le temps qu'il se retourne, la force avant tout. Mon épée avait brillé dans ma main et je levai mon bras.

Je me stoppai pour regarder la notification apparue de nulle part, et le dard qui avait frôlé l'hologramme pour se planter dans le sommet de mon bras et y injecté une dose de poison qui avait ajouté une icône à ma jauge de vie. Un échange, une mise en garde. C'était paradoxal en résumant ainsi la situation mais ma coéquipière se rangeait enfin de mon côté. Je redressai la tête dans sa direction et m'empressai d'accepter sans réfléchir pour finalement esquiver le second coup en manquant de me mettre moi-même à terre. Il était passé un peu trop près et un second PV chuta, d'autres allant suivre après le venin qui coulait dans mon avatar. Cette fois je ne relevai mon bras une nouvelle fois que pour transpercer de toute sa longueur le corps de l'animal. Celui-ci convulsa et disparut. Je restai assis quelques instants par terre, soupirant de soulagement. Malgré le poison je n'allais pas être en danger mortel, je le savais, mais entendre ce bruit de chute de vie n'avait jamais rien d'agréable.

J'avais du me forcer à ne pas remercier la Voleuse, et je l'avais fait quand même. Parce qu'elle n'aimait pas ça, évidemment. Je n'étais plus à un trait d'humour raté avec elle plus qu'avec n'importe qui. Elle allait probablement protester, grogner, bouder, qu'importait: je mettais enfin la main sur le premier contenu d'un coffre. Et elle m'épargnai un Mimic qui reposait dans un second.
En me relevant, je la rejoignais près de la porte qu'elle tentait désormais d'ouvrir et restai silencieux pendant le processus. Nous n'avons pas ça, nous, tous ceux qui se sont refusés à l'artisanat d'une manière ou d'une autre. Je crois que cette jauge de travail me fascinera toujours: pour moi le [Crochetage] était de toutes la plus utile et la plus classe à regarder.
La porte céda, mais impossible de savoir ce qui nous attendait. J'avais activé la [Vision Nocturne] mais contre toute attente, je ne voyais rien. En adressant un regard à la joueuse, je passai un bras au travers du seuil pour savoir si ma main allait rencontrer un obstacle: quelque chose de froid et de granuleux.

- Un mur de pierre? Ici?

Je tapotai la roche sableuse et regardai quelle distance nous séparait d'elle, à vue d'oeil en observant mon bras. Ah, si je m'attendais à une situation comme celle-ci... Pour m'assurer d'avoir compris, je rangeai mon épée, fis un pas et me mis de côté. Je passai avec peu de marge, ma partenaire n'allait avoir aucun mal à se frayer un chemin dans le dédale. Je reculai d'un pas.

- On peut avancer à droite ou à gauche. Je ne sais pas pourquoi mais... J'ai l'impression que c'est un labyrinthe dans un labyrinthe.

Je souriais malgré moi: cette touche d'originalité avait de quoi pimenter l'exploration du temple déjà loin d'être triste. Avant de m'engager cependant, j'attendais que la Voleuse se décide la première: on était une équipe, mieux vaut le rappeler...

- Tu auras plus de place que moi parce que tu es plus petite. Soit tu passes devant et je nous guide avec la [Vision Nocturne], soit je passe le premier, soit on se sépare.

Je n'avais pas vraiment fait attention que la franchise de la première partie aurait pu avoir quelque chose de particulièrement vexant mais quand bien même, je ne m'étais pas moqué d'elle moi, au moins.

Note pour la modération: