- Je crois qu'on y est.

Il n'y avait en fait aucun doute possible. Avant de remonter jusqu'au vingt-cinquième palier, nous avions vérifié ensemble l'étage sur ma [Mirage Sphere] lorsque nous avions reçu cette même lettre. Et au milieu du bayou de base assez glauque, la forme d'une maison s'était profilée. J'étais certain que jusqu'ici, je ne l'avais jamais vue sur le radar holographique.

Je n'avais pas trop su quoi penser de cette demande qui lançait la quête, ni même de la réaction d'Ayura quand elle l'avait eue aussi. Elle m'avait simplement demandé si nous pouvions nous retrouver pour y aller ensemble et mon appartement où elle se trouvait de plus en plus régulièrement m'avait semblé être le point de rendez-vous évident. Mieux valait confirmer les dires et s'y préparer un minimum avant de se lancer. Après tout les events étaient connus pour avoir un degré de difficulté supérieur à la moyenne; or il se situait dans l'un des derniers étages débloqués. Le risque de danger n'était pas à écarter, j'avais préféré la mettre en garde - même si c'était un peu rhétorique.

Je levai les yeux pour analyser le manoir de sa base jusqu'à son toit, même si le soir annonçant inéluctablement une nuit profonde assombrissait déjà les environs. C'était une maison traditionnelle japonaise, au milieu d'un décor plus occidental: curieux mélange. Ce qu'ils avaient en commun? J'avais ma silencieuse petite idée sur le sujet, mais je m'étais gardé d'en faire part à ma coéquipière pour ne pas l'alerter inutilement. La bâtisse semblait dans un état correct de premier abord, mais je doutais d'avance qu'on puisse s'en faire un véritable avis à moins de pénétrer à l'intérieur. Difficile de dire à cette femme qui nous avait contactés que la maison était habitable simplement parce que les quatre murs et le toit tenaient en place! Il flottait dans l'air, plus qu'ailleurs, une odeur de bois humide; et pourtant nous étions dans une sorte de marécage.

Je lorgnai vers ma coéquipière qui semblait elle aussi en proie à des observations silencieuses. Certain que, de toute manière quel que soit le moment où je l'interpellerais j'allais la tirer de ses songes, je lui adressai un faible sourire pour lui donner un peu de courage.

- Prête à jeter un oeil à l'intérieur?

La vérité était que j'étais pressé de découvrir ce que recelait cette maison éphémère. Mais j'attendis tout de même la réponse positive d'Ayura avant d'avancer, monter les quatre marches du perron dont le bois crissa sous mes bottes, et poser une main sur le côté d'un paravent. Je n'avais pas voulu nous infiltrer par la porte principale mais par une annexe, certain que d'autres joueurs viendraient et que tous auraient cette même idée. Si on voulait apprendre quelque chose, mieux valait commencer par le faire dans le calme comme si nous n'étions que deux dans ce grand manoir. Mais de toute évidence, nous ne serions pas les seuls à avoir cette idée.

- Que de souvenir ! Une vraie maison hantée. La dernière fois que j'en ai vu une, c'était à la fête foraine il y a quatre ans, Kumiko ne voulait en aucun cas y entrer, mais je lui ai un peu forcé la main. Une belle expérience qui s'ouvre à moi, je suis en repos aujourd'hui. Profitons-en pour la visiter !

Il y a quelques heures à peine, je buvais un thé chez moi ~ enfin dans ma chambre de taverne ~ quand on a cogné à ma porte. En l'ouvrant, un PNJ coursier m'a remis une missive qui venait de la part d'une certaine Chieko ~ qui avait acheté un manoir ~ et qui me demandait d'aller inspecter une bâtisse nouvellement propriété de cette dernière. À première vue, le niveau de l'étage ne me posait aucuns problèmes, mais la demande explicite à ma personne me taraudait l'esprit. Pour en savoir plus, j'avais revêtit mon équipement et mon sabre et je m'étais dirigé vers le vingt-cinquième étage.

Arrivé à ce dernier, l'air était nauséabond et l'aspect même de la ville n'inspirait guère confiance. Un endroit où il ne semble faire que nuit à tout moment, peuplé de marécage et de monstre ~ d'après moi aussi hideux que l'apparence même des lieux ~ en tout genre. En m'avançant sur le chemin ~ de brique noire, il n'y en a pas, mais c'est une version reprise d'un conte de mon enfance ~ en direction de la maison de cette madame Chieko, je me prends à admirer cette ambiance lugubre qui donnerait des frissons aux plus jeunes. Peut-être même à Kumiko et Kichi. Me rappeler d'eux en cet instant ne fait que redoubler mon ardeur et me fait accélérer le pas.

Je suis finalement devant la maison et j'aperçois un jeune couple qui semble eux aussi regarder la dite maison. Ce sont des joueurs tout comme moi aux vus de leur apparence et équipement. Décidé à explorer cette maison avant, je contourne l'entrée par la droite ~ sans trop faire attention à cacher ma présence ~ pour me diriger vers un des murs extérieurs de la maison. Au bord d'une fenêtre entrouverte, je grimpe et je m'infiltre dans cette dernière. La maison me semble bien silencieuse. Bon, après tout elle semblait aussi être abandonnée, donc autant pour moi s'il n'y a finalement rien ici. Je prends précautionneusement le temps de fermer la fenêtre et de la verrouiller et je m'avance dans la pièce trop sombre pour y voir quoi que ce soit.

Je me décide à utiliser ma vision nocturne pour mieux m'habituer à la pénombre. Ce que je vois me sidère...

- Tu… Crois ? Moi j’en suis sûre vu l’état de la maison… Tu sais quoi ? Rien qu’à la voir de l’extérieur je peux te dire qu’elle est hantée !

Si j’avais été seule, je n’aurais certainement pas participé à cet event. Déjà parce que le simple fait de se balader dans un étage assez haut sans coéquipier était particulièrement dangereux et puis… Parce que même si j’aimais les films d’horreur, il m’était impossible d’en regarder un seule dans la pénombre. Alors le vivre ! C’était tout à fait hors de question. C’était la raison principale qui m’avait poussée à proposer l’event à Kirito, outre le fait que j’aimais passer du temps avec lui, il était fort, et ça, c’était déjà rassurant. J’allais avoir besoin d’être rassurée. Devant cette grande bâtisse délabrée perdue au milieu d’un paysage pas net… Je me sentais déjà mal. Allais-je faire un arrêt cardiaque à l’intérieur ? J’avais entendu dire qu’il était possible de mourir de peur… Si c’était effectivement possible, alors j’allais risquer ma vie.

Malgré la terreur que m’inspiraient les fantômes, j’avais envie de le suivre. Non, je n’étais pas masochiste, ou peut-être un peu, juste un peu. Ce que je voulais, c’était arriver à combattre mes peurs et ainsi devenir toujours plus forte. S’en était un très bon exercice, pensais-je en avançant vers la maison.

- Oui, on n’a pas le…

Si je m’étais stoppée dans ma phrase, c’était parce que j’avais eu l’impression de voir quelqu’un un peu plus loin, l’espace de quelques secondes. Un frisson me traversa. Je n’avais pas eu le temps de déterminer s’il s’agissait d’un joueur ou… D’autre chose.

- Choix.

Déglutissant, je pris mon courage à une main, préférant poser l’autre sur la garde de ma rapière, et me mit en marche, dépassant mon ami. Sur le côté, j’avais repéré une entrée secondaire. Si d’autres joueurs étaient venus, sans doute allaient-ils passer par l'entrée principale. J’optais donc pour la réponse B.

- C’est parti…

J’inspirai profondément avant d'attraper la poignée poisseuse et faire coulisser le paravent. Celui-ci avait eu du mal à s'ouvrir, j'avais dû forcer un peu. Le paravent s'était probablement imbibé d'humidité, pensais-je en l'observant avant de continuer. En quelques pas, je me retrouvais à l’intérieur de la maison. Il y faisait très sombre, remarquais-je d’abord, et il y faisait froid. Le climat extérieur y était pour beaucoup, pensais-je en essayant de discerner la pièce dans laquelle nous étions entrés. Une odeur de renfermé mêlé à de la moisissure me piqua les narines si bien que j’avais failli éternuer. Les yeux un peu rouges, je me frottais le nez pour faire disparaître cette désagréable sensation.
Je me rendais bien compte que je n’y voyais pas assez bien avec mes simples yeux d’humains, alors j’activais ma compétence [Vision Nocturne], ce qui rendait l’endroit vaguement plus net.

C’est vrai… Je ne l’ai pas beaucoup montée celle-ci…

- Je compte sur toi pour m’aider hein… J’y vois vraiment pas grand-chose… Et… C’est peut-être plus effrayant comme ça… Qu’est-ce que tu vois… Toi ?

Mes pauvres yeux pensaient discerner une sorte de petit salon. En tout cas, il y avait une table ronde vêtue d’une nappe blanche et des objets étaient posés dessus. Les murs semblaient sombres mais ce n’était peut-être pas le cas, je discernais trop mal les couleurs pour le déterminer. Les meubles semblaient couverts pour la plupart, sauf un fauteuil qui se trouvait près de moi.
Je fis quelques pas de plus, sentant la peur monter en moi. Je n’aimais pas cet endroit. Je n’aimais pas l’ambiance lourde qu’il y avait à l’intérieur. Comme une pression qui envahissait ma poitrine, m’empêchant presque de respirer correctement.

Ca doit être la moisissure qui me fait cet effet…

Comme la dernière fois que nous avions du pénétrer un endroit à première vue effrayant, je tapotai l'épaule d'Ayura pour lui insuffler un peu de courage et ouvris la marche. Pourtant, sans doute pour ne pas paraître apeurée à chaque sortie inhabituelle dans un environnement obscur, elle décida de me dépasser pour ouvrir la porte et je restai un peu en retrait, confiant. Son expression était inquiète, pourtant nous n'avions même pas encore mis un pied à l'intérieur. J'esquissai un sourire que je m'empressai de dissimuler; je n'avais pas l'habitude de la voir ainsi, je ne pouvais pas manquer l'occasion de lui faire une frayeur ou deux. Profitant du moment où elle décidai de faire translater le paravent dans son axe, j'actionnai [Écoute] et [Traque] pour les avoir en simultané une fois à l'intérieur. La première affinant mon ouïe, je pus entendre quelques vagues bruits de mouvement de l'autre côté des murs et du papier de riz. Le vent et des bruits de pas - un joueur probablement, il y avait donc déjà quelqu'un sur les lieux. J'entrai après ma coéquipière.

Je suivais prudemment Ayura dont les yeux changèrent une fois sa compétence [Vision Nocturne] activée et j’auscultai la pièce du regard en silence. J'aurais pu faire comme elle et me permettre de mieux voir dans le noir, mais j'avais préféré miser sur la recherche d'indices plutôt que sur ma protection optimale. Après tout nous avions été convoqués pour déterminer si l'endroit était habitable ou pas, j'étais donc parti du principe, surtout dans une maison aussi lugubre et abandonnée, que nous trouverions des empreintes et d'autres détails inhabituels. Le manoir était comme nous aurions pu nous l'imaginer depuis l'extérieur: délabré, sombre, imprégné d'humidité. Les draperies tombaient en lambeaux, le bois craquait, et le papier avait perdu presque tout son éclat. Deux cents années en arrière, elle aurait probablement été magnifique dans un style typiquement japonais.

- Pour l'instant, pas plus que toi... Oh, j'ai rien dit.

Je récupérai un masque posé sur un bureau délabré et me retournai vers elle, le tenant d'une main devant mon visage en prenant soin de conserver une distance à cause de l'odeur l'imprégnant. Quand je le retirai, je tentai au mieux d'avoir une expression similaire à la caricature - même si elle ne l'avait peut-être pas vu à cause du noir - avant de me mettre à rire.

- Détends-toi Ayura! Je ne vais pas te lâcher, reste sur tes gardes et tout se passera bien...

Son visage était blafard et crispé comme rarement, je voulais qu'elle ne prenne pas cette ambiance volontairement glauque comme un danger certain et imminent. Rester aux aguets était une chose, tant que l'appréhension ne déconcentrait pas. Sous la peur on peut avoir des gestes imprévisibles et irrationnels lorsqu'il faut au contraire garder son sang-froid. Elle ne devait pas avancer un pas après l'autre avec la terreur au ventre mais au contraire imaginer cet endroit comme n'importe quel autre décor de SAO.
J'avançai dans le grand salon en forme de L à la recherche d'un escalier, car de l'extérieur du manoir, à moins d'être sous un immense plafond, nous avions pu constater qu'il possédait un à deux étages. Je trouvai plus sage de commencer par monter pour redescendre ensuite, surtout si quelque chose se tramait au-dessus de nos têtes. Mais je m'immobilisai net, puis Ayura derrière moi lorsque j'arrêtai sa démarche d'un bras tendu.

- Attends.

Je m'étais adressé à elle à voix basse pour m'assurer qu'elle soit la seule à m'entendre. J'avais perçu les bruits de pas de la joueuse, et d'autres un peu plus loin devant nous. Ma main entourait maintenant mon épée, prête à dégainer.

- Qui est là?

Dans un autre contexte, je n'aurais pas demandé. Mais j'entendais sans voir, pas même une ombre ou une silhouette. Difficile de savoir si ce que j'avais entendu était ami ou ennemi, joueur ou habitant du système, humain ou monstre... Vivant ou mort.

Note pour la modération:

Un gâteau ? Qui a bien pu laisser un gâteau sur cette table ?

Son odeur était affluente et me rappelait les tartes aux citrons de ma mère. Incapable de résister à l'envie, au péché ultime, je pris une bouchée du gâteau. Impossible, impossible ! Immonde, immangeable, déglutissant, affreux, juste... juste le goût me paraissait indescriptible et je dû recracher ce dernier. Alors que je regardai dans un miroir, je me fis peur à moi-même en voyant mes deux yeux jaunes luisants dans le noir alors que je paraissait fantomatique dans la noirceur de la pièce. Surpris sur le coup, mais réfléchissant soudainement à une idée machiavéliquement effrayante, j'entendis des bruits de pas derrière, mais surtout des claquements de dents intenses. Je ne voulais pas me retourner maintenant alors j'attendis pour voir si les bruits allaient s'arrêter.

- Qui est là ?

Une voix masculine, un ado ? Mais les claquements ne provenaient de lui. Une autre personne derrière, peut-être... ? Respire fortement, expire fortement. Ne parle pas et ferme tes yeux. Retournes-toi et souris-leur. Je pris ma respiration, mon expiration, fermant mes yeux, je me retournai vers la direction de la voix. J'ouvris les yeux grandement, admirant un jeune garçon et une fille derrière lui. Je me demande s'ils sont gentils, mais ils ne feront pas de mal à un gentil fantôme, non ? Je leur offris mon plus beau sourire ~ sans m'apercevoir que le gâteau jaune contenait du colorant et que ce colorant donnait à mes dents... un joli sourire aussi jaune luisant que mes deux petits yeux fugaces.

- Welcome to the Haunted House. You will not leave here alive !

Note pour la modération:

Un long hurlement d'effroi suivit cet intermède quelque peu étrange, une forme brumeuse sembla sortir du mur et répondre également à la ferme injonction du joueur aux cheveux sombres. Le fantôme d'une jeune femme aux vêtement déchirés regardait vers le groupe de joueurs et hurla une nouvelle fois avant de foncer droit sur les joueurs, les traversant avec une sensation de froid parfaitement codée.


- Fuyez ! Fuyez avant qu'ils ne vous aient comme ils m'ont eues ! N'allez surtout pas dans le salon !


Le fantôme s'évanouit dans un dernier pleur venu d'outre-tombe, à proximité d'une lettre abandonnée sur le sol. Autour de vous, la maison se met à grincer avec ferveur et le vent plus fort se met à faire claquer les quelques portes en papier de riz encore dans leur encolure.

Puis un silence de mort tombe alors que votre objectif de quête se met à jour, laissant apparaître deux possibilités :

- Fuir la maison et ne plus y remettre les pieds jusqu'au lendemain

- Lire la lettre et découvrir qui est le fantôme qui vous intime de fuir.

Déterminée à en finir rapidement, j'observais du mieux possible la pièce dans laquelle nous étions entrés. Kirito n'avait pas les yeux jaunes, ce qui me faisait dire qu'il n'avait pas activé sa compétence. Je serais donc ses yeux, pensais-je en me tournant vers lui pour savoir ce qu'il avait trouvé. Quand je l'aperçut, un cri était resté bloqué dans ma gorge. J'avais été surprise. Dans la pénombre, l'expression qu'il avait prise était exactement celle du masque, et autant dire que celui-ci en avait une effrayante. J'avais pâli tandis que Kirito se mit à rire.

- Je suis... Parfaitement détendue.

Un rire nerveux avait accompagné ma réponse. Cette blague aurait pu être drôle, dans un autre contexte. L'idée qu'il y ait des fantômes ici me faisait déjà si peur que n'importe quoi semblait pouvoir me déstabiliser. Il avait raison, je devais me reprendre pour avancer.
Kirito sortit de la pièce semblant chercher quelque chose en particulier. Je l'avais suivi sans poser de questions, observant la nouvelle pièce dans laquelle nous étions arrivés. Il s'agissait d'un grand salon à la décoration ancienne. Comme pour l'autre pièce, celle-ci était pleine de poussière et sentait fort le renfermé. Un tableau était accroché au mur mais il faisait trop sombre pour que je puisse ce qui y était représenté. J'avais voulu avancer pour le voir de plus près, mais Kirito qui s'était immobilisé m'empêcha d'avancer. Je m'étais donc arrêtée, l'observant d'un regard interrogateur. Il semblait penser que quelqu'un était présent dans la maison. Ce que j'avais vu à l'extérieur n'était peut-être pas le fruit de mon imagination, ni un esprit, mais un joueur particulièrement rapide. Si c'était le cas, nous n'étions pas seuls ici.
J'avais observé droit devant nous comme mon ami le faisait, et une silhouette foncée était apparue. Elle avait de grands yeux jaunes et un sourire luminescent qui faisait froid dans le dos. Celle-ci nous accueillit avec des menaces avant de disparaître. Mon coeur manqua un battement.

- Qu'est-ce que...

Je n'avais pas eu le temps de poser ma question. Un hurlement se fit entendre tandis qu'une masse brumeuse semblait traverser le mur pour venir vers nous. Un second hurlement se fit entendre, si fort que mes mains virent protéger mes oreilles. La masse informe, une fois plus près, ressemblait à une femme, et celle-ci fonça sur nous tout en hurlant. Le mien s'était mêlé au sien. Une vague de froid m'avait envahit, si bien que mes jambes me lâchèrent. Les yeux fermés, les mains sur les oreilles, je m'étais retrouvée sur le sol humide, mes mollets entourant mon corps.
Autour de nous, tout se mit à trembler, et la menace de cette femme n'avait de cesse de tourner dans mon esprit. Mon coeur battait si vite que j'avais l'impression qu'il allait exploser et mon souffle se faisait parfaitement irrégulier. J'étais terrifiée.

Lentement, j'ouvris les yeux et vis une lettre au sol. Mes membres tremblaient tellement que je ne serais pas parvenue à l'atteindre, cependant, Kirito, lui, pourrait sans doute le faire, pensais-je.

- K... Kirito... P... Par terre...

Face à mon appel, le silence quasi absolu pendant quelques secondes. Puis, telle une vision cauchemardesque, un visage luminescent se dessina dans la pénombre, puis un sourire carnassier - ou peut-être était-ce parce que ses dents étaient illuminées que j'avais eu cette impression. D'un mouvement sec dénué de toute réflexion l'accompagnant, j'avais commencé à tirer mon épée de son fourreau. Mais l'instant d'après, un détail me ravisa tandis que l'individu nous faisait face. J'avais d'abord serré les dents et manqué d'avaler de travers lors de son apparition, et j'ignorai s'il avait eu l'intention délibérée de nous flanquer la frousse mais un détail lui avait échappé. Ouvrant la bouche pour lui répondre que je me serais volontiers laissé surprendre si son curseur vert au-dessus de sa tête ne l'avait pas trahi, une voix me coupa en plein élan; Ayura, qui avait commencé à parler, s'était tue immédiatement.

Ca, c'était flippant. Sortant du mur après une agitation soudaine provoquée par un vent mystérieux, une silhouette de femme aux vêtements en lambeaux traversa nos silhouettes respectives. Sans émettre le moindre son, parce que je n'en aurais pas été capable, j'avais pâli. Cette sensation était... Particulièrement étrange. Pour moi les fantômes tels que dépeints dans le folklore relèvent purement et simplement du mythe. Alors pourquoi avoir cherché un tel souci du détail lorsqu'elle passa au travers des avatars? J'avais soudain ressenti un froid intense et, l'instant d'après, plus rien que cette désagréable impression comme si elle était encore là. Le décor continua de se soulever puis, enfin, retour au calme. Je m'étais retenu de demander ce qu'il venait de se passer aux autres témoins car ils ne m'auraient probablement pas apporté plus de réponses que celles que j'avais. Surtout pas Ayura, qui continua de crier quelques instants après la disparition. C'était la reproduction d'un esprit pour aller de paire avec l'ambiance qu'on avait voulu donner à ce manoir. Crédible, il fallait l'admettre.

- ... Il faut aller dans le salon.

A la demande de ma partenaire, je ramassai la lettre tandis que l'objectif de quête s'adapta immédiatement. J'avais déjà tranché, la question ne s'était même pas posée pour moi. Gardant le papier dans la main, encore un peu effrayé par ce qui venait de se produire même si je faisais de mon mieux pour le cacher, je me tournai vers le type qui avait cherché à nous faire peur.

- Tu as l'intention de t'y rendre, toi aussi?

Si c'était le cas, j'allais lire la lettre dans la foulée pour nous tous. Je regardai ma misérable coéquipière à terre, ressemblant à une petite fille terrorisée, et fis au mieux pour ajouter de l'entrain dans ma voix pour la tirer de son effroi.

- Allez, courage Ayura! Tu es du voyage, et ça ne fait que commencer!

Maintenant que l'ambiance était, j'espérais, plus détendue, j'entamai la lecture de la lettre que je découvrais avec ma partenaire et notre nouveau coéquipier.

La calligraphie de la lettre est fine, aussi délicate que celle de l'invitation que vous avez reçu pour vous présenter au manoir. Son contenu lui, est beaucoup moins enjôleur et pourrait même en effrayer certains.

Mon tendre époux,

s'il vous reste quelqu'affections pour moi, ayez pitié et épargnez cette vie qui vous a été offerte. Je ne sais si ces mots pourront toucher votre coeur, mais ayez pitié, car c'est là la preuve d'une grande sagesse qui ne vous a jamais fait défaut. Si vous veniez a exécuter cette vie malgré tout, soyez assuré que je ne vous pourchasserai pas dans l'au-delà et me contenterait de protéger cette maison, comme mon devoir de fidèle épouse l'exige.

À vous pour toujours,

Chieko

La lettre est terminée par un dessin réalisé à l'encre noire, qui semble représenter un Geai de Lidth. Alors que votre lecture est terminée, un sinistre grincement émane du plancher et un rire sombre retentit à travers toute la maison.

- "Vous auriez dû fuir."

Good timing, casper ! C'était... surprenant. Bien modélisée, le cri était terrifiant à souhait, j'en ai même eu des frissons. Qui plus est, apparaître en plein visage alors que je me retourne, que de l'audace. J'espère bien recroiser ce fantôme plus tard.

À la réflexion près, je m'étais retourné après mon petit spectacle et je m'était retrouvé face à face avec une femme fantôme qui criait comme jamais, à devenir sourd. En plus, la fille derrière le garçon criait de plus belle. En reprenant un peu consistance, je remarque, dans le miroir, le petit sourire jaune citron que je possède... Guy, you are so freaking creepy ! Sincèrement, je n'ai même pas le temps de me retourner que le jeune homme m'adresse une parole :

- ... Il faut aller dans le salon. Tu as l'intention de t'y rendre, toi aussi ?

- Nous sommes déjà dans le salon, jeune homme. Tu ne vois pas les fauteuils et les tables ? Ni même le foyer ? Ah oui, tu n'as pas la vision nocturne... Mais je tenais à le préciser. Désolé encore pour un peu plus tôt, mauvaise manie, retour à l'enfance, nostalgie d'antan.

La petite fille semble encore assez traumatisée, en tout cas, je ne suis pas réellement fautif. Et ce garçon, il les porte bien les siennes. J'en connaît plus d'un qui se seraient chiés dessus.

- J'avais prévu de faire équipe seul, mais j'ai l'impression que je vais me perdre dans son manoir. Mon sens de l'orientation est pas tip top, comment vous dire... ? Attendez un instant.

Je sors de la pièce par l'entrée d'à côté et je continue à marcher en direction d'une autre pièce, mais quand j'entre dans celle-ci, je me retrouve face à face avec le jeune garçon et la petite fille.

- Salut, hum... j'ai fait un tour complet, non ? Attends, je reviens.

Je m'en retourne par la porte par laquelle je suis entré et je me décide à monter les escaliers. Toutefois, j'en arrive à une porte entrebâillée, que je me force à ouvrir à la volée. En regardant autour de moi et j'aperçois, de nouveau, le petit couple qui semblent... ne pas comprendre ce que j'essaie de faire.

- Pourtant, je montais les escaliers, il y a quelques instants. Enfin bon, je ne crois même pas pouvoir trouver la porte d'entrée du manoir avec mon orientation à cinq balles. Donc, je pense qu'une alliance serait de mise pour tous, ne croyez-vous pas ?

Easy boy, la maison paraissait tellement plus petite de l'extérieur... Hum ? Un gâteau ! Il a l'air très bon...

Je m'empresse de prendre une bouchée avant de tout recracher au sol avec une moue de dégoût :

- Pourquoi j'ai une impression de déjà-vécu ?

Encore au sol, j'observais mes mains tremblantes sans vraiment écouter ce qu'ils se racontaient. Puis, je pris une grande inspiration, me répétant intérieurement que ce n'était qu'un jeu, un event, pas de vrais fantômes, mais un désir du concepteur d'obtenir des réactions comme la mienne. C'était réussi, il pouvait être fier! Enfin, je reprenais un peu de consistance, et Kirito, qui tentait de m'en donner davantage, me fit rire car il s'y prenait comme un manche. Me dire que ce n'était que le début n'était peut-être pas l'idée du siècle, mais au moins il y avait mit du coeur, et c'était le plus important. Doucement, je m'étais redressée pour observer le garçon qui m'avait fait peur la première fois avec son sourire Tchernobyl et ses yeux jaunes.

La femme avait hurlé qu'il ne fallait pas se rendre dans le salon... Ce qui n'était pas de chance pour nous, car nous nous y trouvions. Ou peut-être au contraire que nous avions de la chance, et que nous devions y trouver quelque chose. Peut-être fallait-il fouiller la pièce, comme dans un escape game? le garçon me tira de mes songes. Il souhaitait faire équipe avec nous... Et pour je ne sais quelle raison, il se mit à partir et revenir dans la pièce, l'air complètement perdu. Si son sens de l'orientation était en faute, alors mieux valait qu'on reste avec lui, autrement il resterait bloqué ici à manger... Des gâteaux visiblement très désagréables en bouche au vu de son expression après l'avoir goûté.

- Moi ça ne me pose pas de problème. Bon... Voyons, que dit la lettre ?

Je m'étais penchée pour la lire tandis qu'elle se trouvait encore dans les mains de Kirito tandis qu'il la lisait à voix haute pour nous en même temps. Celle que nous avions vue un peu plus tôt ? Je fronçais les sourcils. Son mari n'avait pas dû l'écouter, il avait dû prendre la vie qu'elle avait tenté de sauver et... Maintenant, comme promis, elle venait hanter la maison. J'allais proposer aux garçons de commencer à fouiller la pièce pour trouver des indices mais tout d'un coup, le parquet se mit à grincer dans un sinistre son, et un rire se fit entendre, c'était comme s'il venait de très loin et qu'il était proche à la fois. Dans un geste instinctif, j'avais attrapé le bras de Kirito pour me blottir contre lui avant de les regarder tous les deux. Même si j'avais peur, je ne devais pas agir en enfant, aucun d'eux ne le faisait.

- B... Bien. Elle nous a dit de ne pas venir ici... Hein... Alors il doit y avoir quelque chose à trouver dans cette pièce. On a qu'à... Commencer à fouiller... Qu'est-ce que vous en dites... ?

Je m'efforçais de sourire, et cela devait se voir sur mon visage. Cependant, si je ne me forçais pas, je resterais prostrée dans un coin et terrifiée. Ne souhaitant pas ressembler à une petite fille sans courage, je faisais tout mon possible pour prendre sur moi. Et c'était dur.

J'avais froncé les sourcils à la remarque du joueur. J'avais la [Vision Nocturne], ne pas l'activer était un pur choix. Le geste de lever la main pour afficher mon interface et l'équiper m'avait fortement démangé, mais je m'étais - partiellement - ravisé. J'allais le faire une fois qu'il aurait le dos tourné. Visiblement peu de choses l'effrayaient: il n'avait pas même sourcillé quand ce sombre cri avait retenti, tandis qu'Ayura s'était réfugiée près de moi. Et bien vite, chassant le vestige de peur comme une brise fraîche, elle se mit à rire contre toute attente. Je pensais qu'elle râlerait, gémirait de peur, pas qu'elle parviendrait à se détendre à ce point dans une atmosphère aussi glauque. Levant les yeux vers elle pour lui adresser un sourire en coin, j'avais ensuite observé le troisième d'entre nous, qui venait, après avoir contesté son sens de l'orientation, de quitter la pièce. Pour revenir l'instant d'après, et repartir à nouveau. Sans vraiment comprendre le sens de son numéro - une démonstration, probablement - j'avais haussé les épaules en roulant des yeux vers Ayura peu avant son retour. Au moins il était de bonne foi.

J'avais ouvert les lèvres pour lui proposer de former une équipe officiellement, via le système, mais je me ravisai en le voyant croquer dans le gâteau et grimacer l'instant d'après. Ebahi, je m'étonnais que les mots que j'entendis quitter mes lèvres n'étaient pas du tout ceux que j'avais voulu prononcer.

- ... Il a quel goût? Ah, pardon... La lettre.

J'avais baissé les yeux en observant longuement le bas de la page. Un oiseau était dessiné à l'encre dans un style très raffiné, et après l'avoir contemplé, j'avais tendu le papier visible face à mes deux partenaires. Pour moi il était évident que si nous devions chercher quelque chose, c'était cet oiseau. Je redressai la tête pour le chercher sur les motifs du papier de riz, sur un kimono ou encore gravé sur un meuble. En espérant qu'ils n'aient pas poussé le mauvais goût au point de devoir chercher le cadavre de ce pauvre animal.

- Est-ce que... Par hasard...

Nous devions chercher un indice dans la pièce: par chance, j'avais activé [Traque], une compétence qui permet de suivre les pistes. Levant la feuille à hauteur de visage, je la regardai comme si je tentai de voir au travers. Parfois je plissai les yeux pour tenter de passer le dessin en surbrillance, d'autres fois je les fermai pour tenter de me le représenter mentalement puis les ouvrai à nouveau. Et je me déplaçai, des fois qu'un meuble me cache la vision. Toutes mes tentatives se soldèrent malheureusement sur un échec, et dans un long soupir, j'activai [Vision Nocturne] à la place.

- Ca aurait pu fonctionner..., grommelai-je d'une voix contrainte.

La pièce, une fois illuminée par la nyctalopie du système, gagnait encore en noirceur - au sens figuré. Je percevais plus nettement les détails lugubres que les développeurs avaient eu l'esprit de placer. Il devait en être de même pour le reste du manoir.

- Quoiqu'il en soit, ce dessin n'est pas là par hasard. C'est ce motif qu'on doit trouver, j'en suis presque certain.

Par défaut, je répétai les mêmes explorations dans le décor en partant d'un mur que je longeai. J'avais d'abord eu l'intuition qu'il apparaîtrait sur un mur, mais au fil du temps, je songeai de plus en plus à le trouver gravé sur un meuble, quelque part.

Note pour la modération:

La source de lumière créée par votre camarade est plus que bienvenue, bien qu'elle projette des ombres inquiétantes sur le plafond et certains murs.

Elle permettra aux plus avisés de distingué un énorme meule ressemblant à un buffet qui n'est ni couché, ni éventré, ni même abîmé contrairement à beaucoup d'autres, comme si le temps n'avait pas eu d'emprise sur lui...


Cependant, vous constatez rapidement que malgré le feu brûlant dans l'âtre, aucune chaleur ne s'en dégage et qu'il fait même de plus en plus froid dans la pièce jusqu'à ce que vos respirations (erratiques ?) créent de la buée...

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