Gigas Snake

Quête: "La mauvaise journée"

Le deuxième étage n'avait jamais été accueillant.
Finis les nombreux hameaux formant presque une ligne de la Ville de Départ à Tolbana pour dessiner le chemin menant à la zone labyrinthique, car la majorité, peu nombreuse, de la population se concentrait en un village aux alentours lugubres. Les plaines vertes et les arbres majestueux n'étaient plus, ayant laissé leur prospérité estivale à des confrères éternellement captifs de l'hiver. Les feuilles étaient rares, les plantes étaient sombres:le ciel ne se dégageait que rarement pour leur apporter sa lumière diurne et son sol semblait avoir été excessivement lessivé pour prodiguer les nutriments nécessaires.
Lorsque j'avais quitté le labyrinthe du premier étage avec les autres players ayant participé au raid contre le boss, du temps de la période Beta, mon avatar aux allures sereines avait frémi. Si j'avais d'abord mentalement applaudi les détails graphiques glissés dans le paysage, je n'avais pu m'empêcher de me demander pourquoi, après avoir pensé au design fantaisiste du premier palier, l'idée qui avait suivi dans leur esprit comme une continuité logique était une terre si désolée. J'avais d'abord vu Sword Art Online comme un monde de RPG classique, mais quelques jours après à peine, j'avais compris que l'on pouvait aussi y planter un décor plus inquiétant.

Certains d'ailleurs avaient profité du contexte pour faire circuler dans la communauté des histoires d'épouvante. La disparition de certains habitants des Safe Zones, l'apparition de fantômes ou démons du folklore, des bruits étranges lorsque tombait la nuit et, bien entendu, les morts inexpliquées de certains players isolés. Si j'avais d'emblée rejeté la dernière option irréaliste - même si la mort n'était alors qu'un malus forçant à respawn ailleurs avec une sensation de tournis désagréable - j'avais toujours pris ces dires pour des chimères, ou des quêtes exclusives. Et malgré quelques premières recherches en partant sur cette seconde pistes, je n'avais jamais eu la chance de confirmer ces rumeurs.
A l'exception du Gardien de l'étage qui ressemblait à une espèce de grand serpent à plumes.
Mais quand j'avais entendu la détresse du maire NPC qui s'inquiétait de la fuite des touristes - nous - et de l'amenuisement des denrées de sa communauté, j'avais sans mal pu me figurer son tourment.

Atterrissant à l'étage tout en contemplant l'horizon sinistre autour du donjon, je posai mon regard sur le politicien et marchai jusqu'à lui pour le saluer.

- Est-ce que tout va bien monsieur?

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Gigas Snake

Quête: "La mauvaise journée"

La première fois, la réponse lancée sur un ton acerbe m'avait fait reculer d'un pas. Les lèvres entrouvertes, je m'étais confondu en excuses avant de me rappeler que mon avatar était plus sûr de lui, et en y songeant, je m'étais redressé, le dos droit, pour écouter la fin du dialogue calmement. C'était d'ailleurs la première fois qu'un NPC m'avait happé de la sorte pour me délivrer une quête. Je n'avais pu m'empêcher de me demander si son discours eut été différent si je l'avais interpellé autrement, ce que je venais de tester encore différemment.
Mais rien à faire, cet homme était codé pour ne pas être vraiment sympa avec le player.

- OK.

Je validai la quête en refoulant un impérieux "comptez sur moi" prononcé d'une voix grave et digne de "Kirito 1.0". De toute façon il l'ignorait, mais j'allais être de retour dans peu de temps car si les monstres du palier inférieur n'étaient pas assez robustes pour me retenir, il allait en être de même pour leurs homologues d'ici. Tournant les yeux vers le sommet de la zone labyrinthique, j'offrais un sourire au maire poltron avant de quitter la Safe Zone.
Avec l'intention précise et minutieuse de répéter le même schéma: aller en ligne droite, éviter le plus de mobs possible, combattre les désireux d'en découdre. Tuer le Boss, et retourner en ville.
Par chance les premiers croisés parmi la faune locale étaient deux batraciens et une famille de Hedgehogs. Le couple n'était pas rapide, le trio peureux, et il m'avait suffi de courir sans avoir recours à ma compétence de [Sprint] pour les éviter.

Arrivant aux abords du lac violacé, j'observai les environs et me concentrai sur les silhouettes apparentes. La bonne nouvelle, c'était qu'un paysage aussi désolé dans la première dizaine de la superficie totale de l'Aincrad avait été abandonné par les joueurs depuis longtemps. Par conséquent, les probabilités d'être l'un des derniers à arpenter la zone étaient élevées.
L'intérêt était double là-dedans. Je n'aurais pas à attendre le respawn de Hydra the Flying Snake, et...

Je scrutais la surface du lac en cherchant malgré tout un moyen de gagner du temps pour le traverser. Le longer forçait un détour jusque devant l'entrée, et les seules solutions pour ce faire incluaient [Nage] ou [Sprint].
... Non, en fait. Deux solutions avec la vitesse accélérée.
La première me parut saugrenue, et en jaugeant la couleur de l'eau empoisonnée, je m'imaginais tomber dedans et réfutais d'emblée l'idée. Pour la même raison, j'écartais la nage manuelle.
Pas le choix; quand on n'avait pas de nageoires...

Activant [Sprint], je fis un pas suivi d'un second, plus grand, et le troisième me propulsa. Tout en regardant le bord de l'eau pour m'assurer de ne pas tomber, je plissai les yeux pour essayer de percer à travers la surface tout en activant [Détection]. J'avais toujours eu un doute au sujet de ce large point d'eau, et espéré voir quelque chose au travers. Mais rien n'alerta ce sixième sens et, un peu déçu, j'atterrissais de l'autre côté.
Tout en faisant les premiers pas dans le labyrinthe, j'ajustai mon équipement pour, enfin, tirer mon épée .

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Gigas Snake

Quête: "La mauvaise journée"

Un bref regard en direction de l'horloge encastrée dans mon champ de vision m'indiqua que midi était déjà passée, et qu'à ce rythme j'allais pouvoir accéder à la chambre au sommet de la tour en temps et en heure. Rencontrer le gardien de l'étage supérieur d'ici la nuit me semblait aussi être une possibilité de plus en plus tangible. Si le Boss de l'étage me cédait aussi facilement que son homologue du premier palier, je pensais pouvoir être capable de me mesurer ainsi à trois monstres de leur acabit par jour.
Deux choses me le permettaient: mon niveau, et mes connaissances.

Comme beaucoup d'entre nous, j'avais désormais foulé chacun des plateaux de l'Aincrad, à l'exception des derniers accessibles. Mais à la différence de beaucoup d'entre nous, je connaissais désormais avec précision toute la première dizaine, puisqu'en fait je l'avais déjà traversée lorsque Kayaba avait fait parvenir son annonce à l'intégralité de la communauté.
Ce n'était donc pas la deuxième, mais la troisième fois que j'effectuai ce chemin devenu machinal. Et contrairement aux deux fois précédentes, j'aurais pu le faire les yeux fermés sans redouter le moindre danger.
En outre, si je me lançais dans cette excursion cadencée pour engranger des informations, c'était également pour m'entraîner en conditions réelles et sur le terrain, face à des ennemis toujours plus puissants. Si les premiers me semblaient désormais ridiculement faibles comparés aux monstres de la zone du trentième, ils n'en demeuraient pas moins uniques. D ce fait, plus je connaissais de patterns différents, plus je pouvais être en mesure de m'adapter en combat.

Le niveau ne ferait jamais toute l'identité d'un player, que ce soit sa force ou ses capacités.

J'allais poser le pied sur le sol quand [Ecoute] me permit d'entendre un sifflement venant de dessous terre, et j'immobilisai mon geste pour le décaler tout en me mettant en garde. Un premier Snake Mole regagna la surface en ondulant élégamment et je cherchai ses congénères du regard. Celui-là était accompagné de deux Flying Frogs et deux Horned Crows. Un souterrain, deux terrestres et deux aériens: ce genre de groupe étrangement mélangés étaient rares.
Sans surprise, les oiseaux, connus pour leur empressement dans le livret délivré par le Rat depuis la beta-test, chargèrent en premier. Je fauchai le premier sans avoir recours à un Sword Skill, et lorsque plongea le second à son tour, je tranchai l'air en deux et il disparut à son tour. Je scrutai les deux grenouilles puis le serpent tout en me remettant en garde tandis que les tessons volèrent en éclats.

Dans mon dos, un son de grattement provenant du mur me fit sursauter.


Je me retournai aussi vite que possible au contact étrange - mais trop tard. La langue du chameleon, à la peau jusqu'ici dissimulée, frappa net ma nuque et je n'eus que le temps de faire volte-face avant de tomber à genoux au sol. Une icône jaune apparut près de ma jauge de vie.
Serrant les dents, je vis le serpent plonger sur mon corps inerte, et à nouveau le caméléon, qui avait atterri près de mon épaule droite.


Fort heureusement, je devinais que ces monstres, même dans un angle mort, étaient en train de m'attaquer grâce au feedback sonore qui surgissait chaque fois que mes HP descendaient. C'était le seul moyen: les attaques étaient trop faibles pour apparaître distinctement et s'en suivait un laborieux assaut contre un pixel après l'autre.
S'ils tentaient vaillamment de m'achever, tout ce que j'espérais c'était que le chameleon ne me paralysât pas à nouveau pour ne pas perdre de temps.

Je ne m'étais pas encore remis sur pieds quand je contre-attaquai. Lorsque ma main fut capable de resserrer plus fermement la fusée de Lady of the Night, je redressai la tête pour trancher horizontalement devant moi. Le coude gauche appuyé sur le sol à ma réception, et me relevai pour voir qu'une batracienne avait disparu dans la riposte. Virant le regard à droite, je commençai par achever le caméléon puis à l'appel du nouveau sifflement, je faisais demi-tour pour couper net, alors qu'il avait bondi, le valeureux serpent qui avait survécu.

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Gigas Snake

Quête: "La mauvaise journée"

- Phew.

Je fis rouler mes épaules entre mes doigts après avoir rengainé, puisque les monstres de l'étage du donjon allaient mettre quelques minutes avant de reparaître. J'allais donc avoir le temps d'emprunter l'escalier jusqu'au suivant, où d'autres m'attendraient, et ainsi de suite.
C'était d'ailleurs un couple de serpents, puis trois Giant Dragonflies qui m'attendaient au sommet des marches. Je n'étais qu'à un tiers du parcours lorsque l'une des libellules se rua sur moi, cherchant à viser mon avatar à hauteur de visage. Elle était arrivée d'en face, j'avais donc eu tout le temps nécessaire pour assimiler son apparition, son assaut, et y répondre. J'avais levé la main pour trancher verticalement sur son passage. Et quand elle me dépassa, son corps s'immobilisa avant de laisser place à de la lumière.

Je me replaçai en garde et reculai d'un pas vers le mur pour regarder autour de moi, tout en faisant attention à garder une distance minimum pour ne pas me faire à nouveau avoir par un chameleon. En activant [Traque], je pus voir que les deux serpents formaient dans le sol des trajectoires ondulées qui semblaient aléatoires, mais une fois analysées en parallèles, elles semblaient suivre un pattern spécifique, quoi que complexe. Si je le trouvais déjà difficilement interprétable pour des créatures du deuxième palier, je pouvais d'ores et déjà m'inquiéter de leurs possibles confrères des étages supérieurs, en particulier ceux encore inaccessibles.

Fronçant les sourcils, je décidai d'achever d'abord les Giant Dragonflies afin de me garder le reste du temps pour essayer de mieux comprendre les tracés courbes jusqu'à l'assaut. Les insectes volaient en vrillant dans tous les sens, parfois dans le but de me charger, et les reléguer au second plan m'assurait que je serais dérangé. Redressant un peu la tête, je mis un pied en avant pour donner une impulsion à mon corps et mon épée trancha la première en diagonale descendante. La dernière arriva comme un boulet de canon, et sa vitesse demeurait impressionnante pour un mob de son niveau. Mais il suffisait de monter un peu cette statistique pour les trouver prévisible. Gardant ma position finale, ma lame remonta en sens inverse pour scinder en deux le corps ailé.

Il restait donc les deux Mole Snakes, qui avaient quitté le souterrain de concert pour bondir. J'avais eu un mouvement de recul qui m'approcha dangereusement du mur et qui me permit d'en esquiver un, tandis que l'autre planta ses crocs dans mon mollet. Mon inquiétude demeura cependant en direction de la paroi, et je me retournai pour m'assurer qu'un être dissimulé n'était pas à redouter. Mais une fois rassuré, je fis tourner mon épée dans ma main pour l'empoigner dans l'autre sens, la lame vers le sol pour piquer de la pointe le reptile qui lâcha sa prise avant de s'éclipser.
Le survivant prit un peu de distance une fois à nouveau sous terre pour revenir charger de plus belle, et je croisai les bras à quinze centimètres de distance. La pointe orientée vers le sol, j'attendis qu'il décolle pour trancher horizontalement.
De nouveau seul dans le calme apparent, je rengainai à nouveau pour accéder à l'étage supérieur.

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Gigas Snake

Quête: "La mauvaise journée"

A l'instar du premier palier, mon ascension dans les donjons avait un intérêt triple. L'entraînement contre des monstres singuliers en premier lieu, suivi de la collecte d'informations exclusives. Le troisième me demandait le recours d'un même skill étage après étage pour trouver des éléments inhabituels dans le dédale.
C'était ainsi qu'en haut des marches, je scrutais avec attention les parois, les plafonds et le sol, en quête du moindre renfoncement ou de la moindre anomalie environnementale. D'après mes estimations - basées sur le labyrinthe près de Tolbana ainsi que des spéculations qui me semblaient sensées - il fallait compter pouvoir tomber sur l'une d'elles au minimum une fois par dédale. Il était évident que des trésors - ou des pièges - furent plus fréquents dans des donjons, et les tours menant à l'étage supérieur étaient les principaux de chaque palier.

Celui de l'étage 2 se trouvait juste en haut du treizième escalier du bâtiment qui semblait dépasser les nuages.
Les sourcils froncés, je tournai instantanément la tête vers la gauche quand une étrange sensation me gagna. Le couloir était trop obscur pour en voir le fond, et après un bref regard à l'intention des monstres alentours qui ne m'avaient pas repéré, je décidai d'avancer. J'avais rengainé pour être capable, à tout moment, de tâter la pierre des murs pour espérer y déceler quelque chose. Mais ce qui m'attendait était en fait tout au bout, sur la paroi de droite. Après avoir scrupuleusement détaillé le décor à hauteur de visage, puis en levant les yeux, je posai un genou au sol et m'y appuyais pour regarder plus attentivement. Rasant le dallage, une petite ouverture rectangulaire d'environ quarante-centimètres de haut pour soixante de large se dessinait parmi les roches incrustées.

Pris d'un doute, je tentai de passer la main au travers et tapotai son sommet du bout des doigts. Puis je me penchai davantage pour essayer de voir au travers.


Ma moue s'accentua quand j'en venais à la conclusion que ce n'était pas mon cas, puisque j'étais certain de pouvoir m'y engouffrer. Soupirant par le nez, je m'allongeai sur le sol pour pouvoir ramper: l'appui sur mes coudes était difficilement envisageable sans me cogner la tête. Le mur devait être d'une épaisseur d'environ deux mètres, ce qui créait comme une sorte de couloir alternatif miniature que l'on ne pouvait traverser qu'en rasant le sol. Une fois capable de me remettre debout, je m'empressai d'épousseter mon manteau et de dégainer. La salle qui attendait de l'autre côté, au plafond à moins de deux mètres de haut, était parfaitement obscure à l'exception du petit passage. Je plissai les yeux et [Vision Nocturne] me permit de voir qu'elle ne possédait, en fait, qu'un coffre unique apposé en son centre.

Ce verdict ne me laissait pas tranquille. Primo, je n'avais pas été capable d'ouvrir le coffre du secret passage précédent. Secundo, cette pièce empestait le piège à plein nez. Si cette fois je parvenais à soulever le couvercle, elle pouvait soudain devenir interactive. Le problème, si je n'avais pas à redouter les monstres de la zone, était que dans un donjon - et a fortiori ses entrées cachées - les règles pouvaient différer. Ainsi, ce qui pouvait apparaître à la place était soit plus fort, soit en masse beaucoup, beaucoup plus nombreuse que les raids habituels de six monstres maximum. Le mob pouvait en somme ne même pas résider initialement à cet étage.


Une inquiétude me gagna, mais je la balayais rapidement. Certes SAO était un monde dangereux. Il n'était pas rare que les salles piégées puissent être mortelles. Mais j'avais récemment contribué à la défaite du gardien du trentième étage; pourquoi instaurer un adversaire de même acabit ici, seul, à un étage si bas dans Aincrad? Après un premier étage fatal pour un pourcentage non négligeable de players, placer un autre piège si près aurait été fondamentalement injuste et cruel. Et même si c'était difficile à admettre, le système de Sword Art Online était impartial et implacablement objectif. Ni chaleureux ni barbare.


A ma grande surprise, j'acceptais de faire confiance à Kayaba sur ce coup-là. Avec son développement rien n'était laissé au hasard: bien que difficile, rien n'était impossible. Donc quel que fût l'adversité placée ici, les players devaient en théorie être capables de la battre. Une salle à l'environnement piégé, dont les murs se ferment ou que l'eau imprègne les lieux n'était pas non plus à exclure. Je roulai des yeux pour deviner, derrière moi, la petite sortie qu'il serait difficile d'emprunter en hâte si les choses se gâtaient.
Et après une longue hésitation, je tranchai net, perturbant le calme implacable du lieu.

- Advienne que pourra.

Haussant les épaules en approchant, je destinai une pensée à Ayura quant à mon insouciance qu'elle m'aurait manifestement reproché . J'invoquai malgré tout mon interface pour glisser dans ma poche un cristal de téléportation et m'arrêtai à quelques centimètres du centre de la pièce. La fusée de Lady of the Night fermement serrée dans ma main, je reposai le genou au sol pour déverrouiller le coffre.

La résistance fut faible avant qu'il cédât. Mais aussitôt, les parois s'illuminèrent d'une lumière rouge inquiétante.

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Gigas Snake

Quête: "La mauvaise journée"

Je n'eus qu'à peine le temps de me redresser que des monstres firent leur apparition dans la pièce. Des jumelles Giant Dragonflies me ruèrent de concert et j'appliquai une méthode précédente, l'épée fauchant la première du cortège, suivie de la deuxième en diagonal. Elles n'étaient pas apparues seules, et avec elles s'étaient matérialisés deux Flying Frogs approchant pour chercher à m'intimider. Plaçant ma lame sombre à l'horizontale, j'activai Horizontal pour les trancher toutes deux sans résistance.
Mais dans mon dos, un petit bruit sourd résonna et je fis un bond en avant pour me retourner dès que j'en fis capable.
Deux Chameleons longeaient le mur, et à en juger par celui qui venait de ravaler sa langue, j'avais esquivé le coup de justesse.

- Me refaites pas ce coup-là!

C'était probablement parce que je m'étais fait avoir la première fois que j'avais pu avoir la présence d'esprit de m'éloigner avant de faire volte-face. Mon réflexe aurait été plus naturel de me retourner directement, si je n'avais été paralysé dans une salle précédente.
La bête étouffa un cri de surprise plutôt mignon, comme si elle cherchait à m'attendrir, mais je plantai le métal dans la roche sans faiblir et l'embrochai, puis son comparse qui tenta de prendre de la distance sans en avoir l'occasion avant de s'évaporer.
C'était sans surprise que cette salle était piégée. Au début du jeu, où cet étage avait normalement un intérêt bien supérieur à être arpenté, mieux aurait valu ne pas y être seul. Le tétanisant présent dans la salive des caméléons rendait l'entreprise dangereuse si on manquait de chance. Il suffisait d'être plaqué au sol, à la merci des autres mobs, pour voir sa jauge basculer dangereusement vers le jaune, puis le rouge.

En songeant que des gens avaient même pu perdre la vie dans des circonstances pareilles, en pensant obtenir du simple loot, je retournai vers le coffre et m'empressai de l'ouvrir pour ne pas m'éterniser.



- Le jeu n'en vaut pas la chandelle.

Je soupirai tout en me redressant pour ranger les items dans mon inventaire. Sans parler de mon retour tardif ici, même au moment où la dangerosité de l'étage ne semblait pas obsolète pour une grande majorité, c'était risible de risquer sa vie pour si peu.
Et c'était également ce qui pouvait faire la beauté de la recherche... Dans un contexte moins mortel que ne l'était Sword Art Online.
De retour dans le labyrinthe, je constatai qu'aucun monstre n'avait respawn et jetant un bref coup d'oeil à l'heure, je décidai de foncer en ligne droite jusqu'à la chambre du Boss. J'avais prévu d'enchaîner encore un monstre de sa trempe dans la journée, et se détourner du chemin linéaire pour découvrir les annexes était un temps à prendre en considération.

Une fois face aux lourdes portes, je posai les deux mains dessus et me penchai en avant pour les pousser vers l'intérieur de la pièce.

Gigas Snake

Quête: "La mauvaise journée"

Ce combat aurait pu être dangereux.

Il n'était pas question du maître des lieux uniquement, moins encore de notre écart de niveau évident désormais. Les Bosses de chaque étage possédaient un territoire à l'image de cette chambre où tout leur potentiel pouvait se dévoiler.
C'était ici que reposait le plus gros du danger.
La bataille du trentième étage s'était déroulée dans une fournaise suffocante: tout autour d'une parcelle circulaire dallée régnait du magma incandescent, et le moindre faux pas pouvait nous y précipiter sans vergogne. De fait, les choses auraient pu s'en arrêter là, mais plus l'affrontement s'éternisait, plus les dalles occupées par les conquérants chutaient. Quand les HP de Volcanos chutèrent sous la barre des cinquante pourcents, les liens fixant la passerelle rompirent, et sa stabilité fut mise à l'épreuve.
Mais lui, robuste grâce à sa constitution de lave durcie, était à l'aise dans ce domaine. Le contact de ce même magma le régénérait et son corps lourd demeura sur ses appuis centraux pour ne pas être affecté par la perte d'équilibre.

S'il avait été question de mener un tel assaut ici, où les flaques de poison s'éparpillaient sur le sol pour le couvrir sur près de vingt pourcents de sa surface totale, nous aurions eu au moins autant de fil à retordre contre le serpent plumeté. Leur disposition semblait être aléatoire, car elle variait d'un passage à l'autre dans cette salle.
Alors que sa silhouette se profila en décollant du sol de fines particules, je scrutai son antre aussi vite que possible pour repérer les pièges foncés. Puis, j'activai [Analyse] pour récupérer le plus d'informations possible avant que ne démarre l'affrontement.

Celui-ci ne dura qu'une ou deux secondes.

- Rhaah!

Avant de le laisser porter le premier coup, je fondis sur lui à toute vitesse en évitant les surfaces empoisonnées piégeant le sol. Ma vélocité accélérée par [Sprint] me permit de le rejoindre presque en ligne droite, mais je comptais aussi sur les nombreux points placés dans le skill pour me permettre de les effleurer seulement car trop rapide pour m'y éterniser.


C'était sur cette pensée que je l'atteignis.
Le corps ne résista pas davantage.




J'arrivais au village un peu plus tard que je ne l'avais estimé, et je commençai à douter d'être capable de pouvoir tenir le rythme cadencé que je m'étais imposé. J'avais l'intention de profiter des premiers étages, aux gardiens devenus fragiles pour mes compétences, pour rentrer tôt et passer du temps avec ma partenaire déprimée. Si elle me le demandait, j'arrêterais aussitôt cette allure et changerais ma ligne de conduite quant à cette ascension: si je voulais garantir à mon employeur l'exclusivité des informations, tester mes capacités et découvrir par moi-même ce qui nous attendait dans la suite d'Aincrad, je devrais sans doute poursuivre mon périple bien plus haut.
C'étaient les étages récemment débloqués, que je n'avais pas encore pu voir, que je visais.


- Voilà ce qu'il vous fallait. Vous serez tranquille, désormais.

Je remettais au NPC l'item récupéré sur le serpent, et une fois sa ligne de dialogue conclue, je lui adressais un signe de main avant de me tourner vers la tour labyrinthique qui grimpait jusqu'au palier suivant.
Ma prochaine destination.