La journée avait, finalement, été bonne. Le début n'avait certes été pas folichon, mais les choses s’étaient améliorées alors que le soleil montait puis redescendait dans le ciel. Grâce à sa réputation grandissante, il était plus facile pour elle de faire des affaires. La publication de la carte de l’étage 4 dans le carnet général avait été un premier pas qu’elle avait bien calculé, son intégration chez les Lames un bienfait inattendu, et enfin la victoire contre le boss du vingtième une publicité plaisante. Enfin plaisante que quand on aimait vers son nom affiché à gauche à droite, ce qui n’était pas le cas de la jeune femme. Mais comme cela lui permettait de renflouer un peu les caisses, elle n’allait pas jusqu’à s’en plaindre. Par contre, cela faisait que pour éviter tout désagrément, elle rabattait la capuche de sa cape quand elle voulait exulter aux sujets de ses affaires du jour en sirotant une boisson. Bon, certes, portée une cape avec le blason de sa guilde n'était pas le meilleur moyen de passer inaperçue, mais quand on prenait soin de s’asseoir dos au mur, cela ne se voyait pas.

Bref, devoir se débrouiller pour pouvoir boire seule, sans compagnie, ce n’était pas non plus ce qu’elle préférait, mais finalement, cela donnait un défi agréable à ses soirées. Et comme elle s’asseyait à l'écart, cela lui permettait d’entraîner “Écoute” à moindre coût. Bien que, il fallait bien avouer que dans la taverne où elle avait décidé de s’enraciner pour la soirée, ce n’était pas très nécessaire pour l’instant. Elle était occupée par une bande d’ours-humains soiffard et bâfreur dont le volume sonore était bien plus élevé que la moyenne. Toutefois, cela n’avait pas décidé la jeune femme à désactiver son skill, et, comme pour empêcher leur discussion de raisonner dans sa tête, elle s’était mise à chantonner tout bas, en continuer à siroter et à réfléchir.

Bien sûr plus là soirée avançait et plus le groupe à côté arrivait sur des idées qui ne méritaient pas ce nom-là. Quand elle les entendit dire qu’ils souhaitaient affronter le monstre level 72 dû deuxième étage, il ne manqua pas grand chose pour que l’Informatrice laisse échapper un gloussement. Mais dans ce brouhaha, elle avait entendu autre chose qui lui avait permit de garder son calme.

Tournant son regard vers l’endroit d’où s’était échappé la voix, elle trouva rapidement sa propriétaire. Ses yeux restèrent fixés sur la jeune femme quelque instants, alors que son cerveau, laissa remonter quelques souvenirs des derniers jours. Elle n’était pas attendue à voir une des personnes ayant triomphé du boss du vingtième trainer dans une taverne du dix neuvième, mais après tout, comme elle-même y était pourquoi pas.

Se levant souplement, elle se dirigea donc vers la jeune femme. Sa remarque avait intrigué l’informatrice qui avait envie d’une connaître la raison. Alors qu’elle franchissait les quelques mètres qui la séparait de la table, elle se força à un travail de mémoire pour retrouvée le nom de de sa future interlocutrice. Et comme, elle était obstinée et déterminée, elle s’assit à la table de cette dernière sans aucune forme de politesse. Mais dès qu’elle fut installée sur sa chaise, elle la salua d’une voix calme.

“Bonsoir Ritcha.”

Laissant planer un silence pour permettre à la jeune femme de l’identifier, elle finit par enchaîner sur le même ton.

“Je pensais être la seule à considérer cette rumeur sur le mob niveau 72 comme une mauvaise blague.”

À partir de là, elle se contenta d’observer dans le plus grand calme les réactions de sa voisine laissant son regard ambré faire le travail.

"J'ai rien dit de tel."

Pourquoi son interlocutrice s’appliquait à murmurer dans tout ce brouhaha ? Souhaitait-elle coller un mal de tête à l’Informatrice ? Dans tous les cas, elle n’avait pas grand chose à répondre à cela. L'affirmation, d’un point de vue purement sémantique, était vraie. Après, la logique la poussait à penser que soit on traitait la bande d’à côté d’imbécile, immédiatement, soit à cause de leur dire, et comme ils parlaient de la fameuse rumeur, le lien lui paraissait logique. Toutefois, elle devait admettre que tout le monde n’agissait pas de façon logique, c’était même, la plupart du temps tout le contraire, il suffisait de regarder la table voisine pour s’en persuader, et elle avait peut-être commis un petit impair. À côté de cela, la jeune femme s’était délectée de la réaction de son interlocutrice qui visiblement ne l’avait pas reconnue, du tout. En tout cas, elle n’avait pas donné l’impression d’avoir un petit début de piste sur l’identité de la jeune femme, on n'a pas les yeux en forme de soucoupe quand on a une idée de qui s’adresse à soi. Grâce à cela, Ethana, bien que pas spécialement amoureuse de la discrétion et de la surprise, était plutôt satisfaite de son entrée.

"Mais il est vrai que certaines choses m'ont laissée perplexe à ce sujet. Si tu évalues le tout comme une connerie, j'imagine que tu vois de quoi je parle."

Comme première réaction, la Lame eut un léger haussement d’épaule. En effet, si on regardait le tout, son un point de vue logique, et bien cette histoire de mob niveau 72 ne tenaient pas, mais alors vraiment. Elle se laissa quelque secondes pour arranger ses pensées et son raisonnement avant de répondre. Il s’agissait d’un dire assez pour paraître logique, mais pas trop histoire que Ritcha ne puisse pas lui répondre “Ouais, je pense tout pareil”. Après avoir pris une courte inspiration, elle prit la parole sur le même ton que son interlocutrice, parce que bon hein…

“Il y a trop de points dans cette histoire de mob qui ne tiennent pas. L’étage 2 étant un des étages les plus fréquentés. Donc, soit d’autres sources auraient rapporté la présence de cette créature, soit, il n’est visible qu’en pêchant...Mais pour ça, il faudrait un niveau de pêche ultra élevé, et il est improbable que quelqu’un le possède. Quand bien même, si notre désinformateur était le meilleur pêcheur du jeu, pourquoi ne pas signer de son pseudo, pour un peu de prestige...Et surtout comme est-il sorti vivant de sa rencontre ?”

Elle hésita un instant, fallait-il qu'elle ajoute qu'un niveau du game-design cela serait stupide de faire apparaître une telle créature si tôt dans un jeu pareil ? D'autant plus qu'il n'était pas compliqué de programmer l'apparition d'un monstre à endroit précis en se basant sur d'autre élément, par exemple faire apparaître le fameux monstre après avoir battu le boss du soixantième pour être intéressant, mais pas aussi tôt dans le jeu. D'autant plus qu'il fallait l'admettre, SAO était dure, mais n'était pas mesquin, si le but avait été de tous les tuer, il aurait suffit de leur balancer des créatures au niveau maximum dès le début du jeu. Comme cela n'avait pas été le cas, la pertinence de l'apparition d'un mob d'aussi haut niveau sur un pallier aussi bas, aussi tôt dans le jeu était nul. Mais au lieu d'ajouter tout cela, elle fit mine de réfléchir avant d'ajouter calmement :

“Cela soulèverait aussi d'autres questions sur le game design du jeu et sa logique, mais enfin bon, je suis pas là pour causer boulot. Néanmoins, je serais curieuse de connaître les points qui t'ont laissé perplexe.”

Elle avait laissé échapper le mot boulot sans s'en rendre compte, et il lui avait fallu tout son calme et son sang-froid pour finir son intervention sans laisser paraître sa bourde. Peut-être que son interlocutrice ne relèverait pas, enfin du moins, elle l'espérait.

La remarque de son interlocutrice était intelligente, et Ethana se l’était déjà posée. Si la fausse information pouvait être démontée avec soit un brin de jugeote, ou des observations faciles, que pouvait gagner la personne ayant émis cette fausse information à le faire. Certes, protéger quelque chose pouvait être un objectif, mais l’informatrice n’y croyait pas trop. Cela avait peut-être eu pour effet d’éloigner certains joueurs craignant de croiser la route du mob, mais cela en avait sans doute attiré d’autre, afin de vérifier si l’info était vraie, voir des inconscients qui souhaitait abattre le monstre pour leurs glorioles personnelles. Comme les occupants de la table voisine qui continuait à faire autant de bruit, bien que cela soit sur un sujet différent. Du coup, l’hypothèse première ne marchait pas, et le mystère s’était épaissi. Elle-même n’avait pas mené une enquête poussée et précis sur la question, elle avait suffisamment d’autre chose à faire, et bien qu’elle ait eut des discussions à gauche à droite sur le sujet, rien de concluant n’en était sorti.

“Si le but de cette fausse information est de protéger quelque chose, alors en plus d’avoir inventé un mensonge grossier, la personne l’ayant diffusée est un imbécile.”

Et voilà, un bon jugement péremptoire, bien lourd et gratuit, comme elle n'avait pas l’habitude d’en faire. Mais enfin, quand même, il y avait plein d’autre méthode pour protéger quelque chose, que de diffuser une fausse information qui susciterait la curiosité. À y réfléchir s’étant sans doute la chose la plus stupide à faire. D’un autre côté, on pouvait compter sur l’humain pour être stupide relativement souvent et elle ajouta à sa remarque, dans un soupir.

“Ou il compte sur le fait que les gens soient idiots, ce qui globalement n’est pas un mauvais plan…”

Alors que ses méninges tournaient pour essayer de résoudre une équation, sa paranoïa revient légèrement, et une autre supposition lui éclata à l’esprit. Peut-être s’agissait-il d’un piège. Elle savait que des pk en avait après les lames, et particulièrement après leur meneur, quel meilleur moyen de l’attirer où ils le souhaitaient que de faire croire à l'existence d’un monstre qui constituerait un vrai défi pour lui. Puis monter une embuscade et l’éliminer.

“Ou alors c’est un piège. Ou une stratégie compliquée pour servir un but précis. Genre rendre inutilisable et pas fiable le carnet d’information…”

Elle laissa longuement la phrase en suspend, hésita à la continuer en observant Ritcha d’un air songeur. Elle ne connaissait pas la jeune femme et lire ses réactions n’étaient, du coup, pas forcément facile. De plus, ce qu’elle s’apprêtait à dire, avait le pouvoir d’indigner pas mal de monde. Enfaite, tous les joueurs “ bien-pensants” de l’Aincrad, sans doute. Et beaucoup des joueurs œuvrant sur le front, faisaient partie de ses joueurs-là. Sauf ceux, plus rare, qui agissait par intérêt personnel. M’enfin, tant pis, en étant informatrice, elle passait déjà pour une personne dans la générosité et la moralité était douteuse, autant voir comment l’autre réagirait.

“En toute honnêteté, je ne vais pas m’en plaindre. Que ce Poulet Fumé continue à mettre des informations douteuses dans ce qui est accessible à tous. Cela rendra les informations fiables d’autant plus précieuses et chères, et ça, c’est bon pour mes affaires.”

Et elle était pour l’instant la seule à avoir mis une information fiable sous son vrai nom dans le carnet, ce qui avait été un bon investissement. Bien que ses réflexions n'étaient pas terminée, elle décida qu’elle pouvait se montrer polie et agréable, après avoir visiblement mis pas super à l’aise son interlocutrice. Se rappelant du gargouillement épouvantable qu’elle avait entendu, elle parla à nouveau, d’une voix plus chaleureuse.

“Tu as faim ? Si tu le désires, je peux t’offrir le repas, cela sera plus amusant que de passer la soirée seule.”

Et cela lui donnerait d’explorer un peu la psyché de la jeune femme, ce qui l’intéressait toujours à titre personnel, d’autant plus quand cela concernant quelqu’un qu’elle serait peut-être amenée à côtoyer de nouveau dans le cadre mortel des combats de boss. De plus, son expérience lui avait appris que peu de gens refusait des repas gratuits et que cela était un excellent moyen pour les amener à parler.

L’acceptation rapide de Ritcha arracha un sourire en coin à l’Informatrice et elle fit de son mieux pour le transformer en un sourire chaleureux. Les gens étaient toujours achetables avec de la nourriture quand ils avaient faim. C’était une grande loi de la nature. Et vu la vitesse à laquelle elle se leva pour interpeller le serveur, elle devait avoir vraiment très faim. Ou très peur qu’Ethana retire sa proposition. Dans tous les cas, la méthode employée fut pour le moins efficace. Bien que s’attendant à ce que Ritcha commande une quantité indécente de nourriture, elle aurait fait la même chose pour profiter au maximum, elle la regarda quand même plusieurs secondes avec des yeux ronds comme des soucoupes en entendant ce qu’elle commandait. Était-ce seulement mangeable ?

Enfin, si c’était ce qu’elle voulait, l’Informatrice ne voyant pas de raison d’interférer. Elle s’interrogea quand même quelque instant sur la volonté de la jeune femme à mangé une assiette représentant un visage aux cheveux longs. Était-ce là une tentative de lui faire passer un message quelconque ? Elle n’aurait su le dire et décida de ne pas trop tenté d'interpréter, et surtout de ne pas prendre sa voisine de table pour une cannibale.

Après les yeux en forme de soucoupes, Ethana eut une nouvelle faille dans son impassibilité quand elle entendit les remarques que Ritcha faisait à voix base. En effet, elle eut tout les peines du monde à retenir en éclat de rire et son sourire se tordit légèrement avant de s’élargir. D’une logique de pure programmation, ce qu’elle disait n’était pas dénué de sens..Mais pour ça, il aurait fallu qu’un joueur puisse se transformer en zombi, ce qui n’était pas le cas d’après les connaissances de l’Informatrice.

“Oh. Tu manges aussi en fait ?”

En tressautant légèrement, comme l’image sur un écran qui venait de sortir de veille, Ethana sorti de ses pensées et hocha positivement de la tête. Elle n’avait pas encore mangé ce soir, et il fallait qu’elle le fasse, quand même, même si son estomac ne semblait pas très motivé à l’idée. Après une courte hésitation, elle s’adressa calmement à la serveuse.

“Est-ce que vous avez des desserts ?”

Quitte à se forcer à manger autant prendre quelque chose de sucrer. Après avoir eu le droit à l’énumération de ce qui pouvait l’intéresser, elle choisi celui qui devait le plus ressembler à un fondant au chocolat, avec une boule de glace d’un parfum qu’elle ne connaissait pas et dont elle espérait que cela ressemblerait à la vanille. Entendant mentalement des remontrances que lui faisait sa mère quand elle était enfant “Akina, les sucreries ne sont pas un repas”. Mais enfin quand même, elle était adulte maintenant et bien loin du monde réel. Elle avait bien le droit de se faire plaisir.

“Je n’ai pas très faim alors je vais me contenter de cela.”

La mine de l’Informatrice s’était un brin renfermée, espérant ne pas subir un jugement péremptoire de la part de son interlocutrice. Ohh et puis zut, elle avait intérêt à être agréable, elle lui offrait à manger quand même. Pour chasser sa culpabilité liée à son repas exclusivement sucré, elle décida d’attaquer le premier sujet de conversation qui lui venait en tête.

“Tu t’amuses parfois à essayé de trouver les failles du système ici ? Tu es arrivé à quelque chose de concluant ?”

Chassez le naturel, il revient au galop, et la soif d’information et de savoir d’Ethana était assez inextinguible. Ayant de nouveau un mince sourire, elle fixa Ritcha en attente d’une réponse.

Ethana :

L’esprit de l’informatrice était préparé à bien des choses, mais certainement pas à cela. Qu’on élude complètement sa question ne lui plaisait déjà pas, mais c’est la logorrhée qui suivit qui l’acheva. Beaucoup beaucoup, trop de mots. Vraiment, est-ce que ça allait s’arrêter un jour ? Et puis, elle était obligée de rester concentrer pour retenir une expression d’étonnement profond, puis d’ennuis. Sincèrement, comment on pouvait tenir un tel monologue en parlant exclusivement de nourriture ? Ce n'était clairement pas humain comme performance, et, Ethana se surprit à regarder à nouveau le curseur de la personne lui faisant face, pour constater que définitivement, ce n’était pas un PNJ, et bel et bien, une joueuse. Son cerveau pédalant dans la semoule formée des phrases de sa voisine de table, il lui fallut quelques secondes pour comprendre qu’on lui posait une question.

“Je..Euh….Non..Je n’ai…”

Waouhh quel magnifique exemple d’éloquence ! Il ne manquerait plus que ses neurones coulent par ses oreilles et la scène pourrait sembler réaliste. Néanmoins, la serveuse venait d’arriver avec le plat de sa voisine et son propre dessert. Regardant le fondant au chocolat (allez savoir à quoi il était vraiment dans ce monde de fou), lui apporta une lueur d’espoir bienvenue. Elle doutait, soudainement, pouvoir faire face aux conséquences de son invitation. Et était encore moins sûre de réussir à récupérer une information valable.

Fort heureusement l’odeur de cacao chatouillant ses narines lui inspirait courage et détermination, et elle s'arracha à cette inhalation seulement lorsqu’elle entendit sa voisine parler de photo. Ses yeux curieux se posèrent sur l’assiette en question. L’informatrice eut un doute sur les goûts en matière d’art visuel de la jeune femme qui lui faisait face, mais préféra rester silencieuse. Il valait mieux éviter d’alimenter son moulin à paroles si elle voulait s’en sortir avec toute sa santé mentale.

Quand la fourchette se tendit vers elle, elle eut un imperceptible sursaut, s’apprêtant même à saisir son arme, avant que son inconscient, lui ressorte une partie du monologue de la folle de nourriture, lui faisant comprendre qu’elle voulait lui laisser la première bouchée. Et il était apparemment trop tard pour refuser. Son idiote de peau rougit légèrement. D’un autre côté, il fallait la comprendre, personne ne lui avait tendu une fourchette de cette façon depuis son enfance, et elle avait l’impression qu’elles auraient dû être bien plus intimes pour qu’un tel mouvement soit acceptable. Cependant, elle ouvrit délicatement les lèvres pour venir manger la nourriture.

Les ingrédients n’avaient rien de rassurer, et elle s’apprêtait à être dégoûtée dès que cela toucherait son palais. À son grand étonnement, il n’en fut rien. Au contraire ! Même si le goût était tout simplement indescriptible, c’était incroyablement bon. Toutes les saveurs se mélangeaient à la perfection pour créer une symphonie délicieuse dans sa bouche. Elle se surprit à fermer les yeux pour mieux apprécier le tout. Puis, quand elle finit par avaler après avoir longue mastiquer, elle rouvrit des yeux brillants.

“C’est….C’est trop bon !”

Son regard étincelant passa des yeux de son interlocutrice à son assiette, et même si elle n’avait pas faim, elle ne dut qu’à sa retenue habituelle de ne pas réclamer une autre fourchette. Reprenant son souffle, elle se concentra sur son dessert, espérant secrètement qu’il serait aussi prodigieux que l’autre, mais elle se devait de parler à Ritcha d’abord.

“Tu crois que tous leurs plats sont d’un aussi grand art ? Nous parce que là...Un tel mélange de saveur, une telle virtuosité dans le dosage...Et cette consistance, bon Dieu... Comment ils font ça ? Je veux savoir ! Je le saurais ! Même si cela me prend des jours ! J’en fais le serment !”

Elle s’emportait, mais elle ne s’en rendait même pas compte. Son goût venait de subir un traumatisme en mangeant quelque chose d’aussi prodigieux.

“Je reviendrais ici et mangerais tout leur plat s’il le faut ! Mais je trouverais !”

Et voilà que son air entêté se montrait aussi...Elle remarque que plusieurs personnes les fixaient, il faut dire qu’elle s’était à moitié relevée et avait tapé du poing sur la table pour montrer sa détermination. Discrètement, elle se rassit.

“Aller goûte !!!”

Sa voix n'avait été qu'un murmure, mais elle s'était faite autoritaire et pressante tant elle voulait voir la réaction de la jeune femme.

Alors que son interlocutrice parlait, l’Informatrice fut soudainement prise d’un haut-le-coeur. Un goût horrible avait commencé à se répandre dans sa bouche de façon imprévisible. Dans la réalité, elle aurait  sans doute vomi sur-le-champ, heureusement pour elle, SAO était plus clément sur ce point. Néanmoins, sa politesse naturelle tentait de lui faire oublier ce goût ignoble pour prêter autant d’attention à la jeune femme qui lui parlait que cette dernière en avait eu pour elle. Elle avait fait de son mieux, vraiment, et elle avait vaguement essayé de tendre le bras pour empêcher l’autre de manger à nouveau. Le fait étant qu’elle n’osait pour l’instant pas ouvrir la bouche de peur que l’arrière-goût soit aussi son haleine.

Normalement, ce genre de chose finit toujours par se dissiper assez vite, mais là, rien à faire, c’était horrible. Elle avait l’impression que ça collait à son palais et que jamais ça n’allait partir. Et le goût en lui-même en était indescriptible tellement il était atroce...C’était tout bonnement pire que la pire chose qu’elle ait jamais mangée. Fermant les yeux, elle tenta encore de renflouer cette sensation par la seule force de son esprit. Après tout, ce monde n’était pas réel, alors bon, peut-être qu’elle pouvait persuader son corps d’arrêter de ressentir ça...Mais non, ça restait...C’était même pire.

Au fur et à mesure que ça augmentait, son cerveau se mit en quête désespérée d’un moyen d’inverser la tendance...Et ce fut quand son regard doré se baissa devant elle qu’elle trouve une première tentative de solution. Son gâteau allait la sauver, elle en était sûre ! Sans la moindre hésitation, elle brandit sa cueilleuse d’un air conquérant et décidé et la plongea dans son fondant pour en prélever une bouchée qu’elle porta avec empressement jusqu’à sa bouche.

Un soulagement intense et une satisfaction tout aussi forte la gagnèrent quand le goût de chocolat se diffusa dans ses papilles et qu’elle se détendait. Finissant de manger le morceau, elle savoura le fait d’avoir chassé l’arrière-goût autant que celui de trouver ce goût sucré qui lui manquait tant. Puis, quand enfin, elle se concentra sur le monde qui l’entourait, elle vit la tête que tirait Ritcha...Inquiétant.

Alors, n’écoutant que son courage, l’Informatrice brandit une nouvelle fois son épée, portant un deuxième coup au dessert avant de la diriger droit vers la bouche de la jeune femme. Sans prendre soin de lui demander son autorisation, elle la força à prendre la nourriture en bouche avec un air décidé, puis enfin, se laissa tomber dans sa chaise.

Elle allait prendre la parole quand son ouïe l’avertit d’une chose...Le silence anormal qui régnait dans la salle. Puis elle observa l’assemblée et vit que tout le monde regardait dans leur direction. Évidemment, les gens s’en rendirent compte et quelques discussions reprirent accompagnées de quelques chuchotements et regards dérobés. Ce ne fut que là, le calme retrouvé, qu’elle se rendit compte qu’elle venait d’échanger, pas un, mais deux baisers indirects avec sa compagne du moment, et que son visage s’empourpra légèrement. Prenant une longue inspiration, elle reprit la parole, posant ses coudes sur la table et sa tête dans ses mains, alors qu’elle développait une réflexion.

“Désolée de ma brusquerie...Mais le dessert semble chasser le goût horrible du plat et je ne pouvais pas laisser quelqu’un endurer ça...C’était...Inhumain… Néanmoins, ça indique que le plat est peut-être sauvable...Ou en tout cas pas condamner à nous faire souffrir après chaque bouchée...Il faudra tester...Peut-être qu’en mangeant les deux en même temps ?...Non pas les deux en même temps, le goût vient après...En alternant simplement ? Cela gâcherait l’immersion du premier plat ?.....Pourquoi diable faut-il qu’il soit si bon et si horrible ? Il y a peut-être d’autres goûts que le chocolat qui calme l’arrière-goût ?”

Si ça se trouve, elles étaient en passe de découvrir un secret culinaire du jeu. Néanmoins, pour l’instant, elle voulait surtout trouver un moyen pour que le magnifique plat puisse être mangé sans devenir une montagne russe entre le paradis et l’enfer gustatif.

Peu à peu, sa réflexion la mena sur une autre piste et elle fit signe à la serveuse. Et lui demanda d’apporter une boisson fraiche si possible légèrement citronnée. Enfin, elle replongea son regard sur Ritcha.

“Voilà le plan, si on peut faire partir le goût en buvant, ça sera plus agréable...Et au pire, le gâteau au chocolat servira de roue de secours...Si tu as d’autres idées de boisson à tester, n’hésite pas.”

La seule chose qui restait à déterminer était la personne qui allait effectuer le test, et l’Informatrice n’avait aucune envie de se proposer, alors elle espérait que son interlocutrice serait plus aventureuse et se proposerait d’elle-même.

Quand son interlocutrice se leva, le plat en main, Ethana lui lança un regard surpris et légèrement déçu, son instinct l’empêcha de prononcer tout haut quelque chose du genre “Meuhh...Mes idées de tests…..” histoire de ne pas perdre de sa dignité. Alors qu’elle s’appliquait à garder son air sérieux et sûr d’elle, le discours que Ritcha adresse à l’assemblée la déstabilisa aussi. Il n’y avait pas à dire, cela puait le plan foireux. M’enfin, c’était un moyen de pouvoir observer l’effet de la nourriture l’esprit calme et sans risquer ses papilles, c’était déjà cela. Elle en attendant se contenta de finir son fondant, savourant le goût du chocolat à sa juste valeur après une telle déconfiture gustative.
 
Alors que sa compagne de repas revenait s’asseoir avec son sourire sadique, l’Informatrice failli lui rétorqua qu’on ne mourra pas d’un mauvais goût, aussi atroce fût-il, mais la serveuse l’interrompit pour lui servir sa citronnade. Prévenante, elle paya immédiatement, sentant qu’une rixe était susceptible d’arriver. Puis, sirotant sa boisson, elle se mit à contempler la salle. Là où sa voisine semblait se réjouir du malheur prochain de leurs cobayes involontaires, elle préférait afficher son air analytique et ses yeux ambrés scrutaient avec attention le moindre détail.
 
Évidemment, il avait fallu quelques minutes pour que quelqu’un se décide à aller goûter le plat, ce dernier avait jeté un oeil dans leur direction et Ethana s'était appliqué à lui adresser un sourire encourageant et reconnaissant, pour qu’il continue à croire à l’histoire comme quoi elles n’avaient plus faim. C’était en effet un de gaillard qui discutait d’aller combattre le boss mystérieux (et illusoire, d’après la Lame).
 
Alors qu’il amenait pour la première fois une fourchette à sa bouche, elle vit l’extase culinaire qu’elle-même avait connue sur ses traits, puis il commença à s’empiffrer, semblant ajouter de la nourriture plus vite qu’il ne l’avalait. Un de ses amis voyant la réaction de sa camarde finit par le rejoindre pour goûter à son tour, et à eux deux, ils eurent tôt fait de finir l’assiette. Alors qu’ils avalaient les dernières miettes, ils se dirigèrent vers la table des deux jeunes femmes avant que leur trait commence à être déformé par le dégoût.
 
“Euh...Très chère, on devrait peut-être partir...Leur réaction pourrait être imprévisible…”
 
Elle avait murmuré pour n’alerter personne d’autre. Néanmoins, alors que les deux malheureux pliaient sous le goût atroce du plat, leurs autres compagnons commencèrent à laisser leurs yeux aller de leurs amis aux deux femmes, un air de plus en plus méfiant, et quand les deux testeurs commencèrent à se plier en deux en se tenant le ventre, ils se levèrent d’un seul homme.
 
“Vous...Vous les avez empoisonnés !”
 
Une fois encore, il fallait empêcher l’apparence de flancher et de répondre un truc pathétique du genre “Meuuhh...Non...Ce n’est pas vrai..” qui aurait été du plus mauvais goût. Au lieu de ça, Ethana repoussa sa chaise et se leva, se tenant aussi droite et sûre d’elle qu’elle le pouvait.
 
“Ne soyez pas ridicule, ce plat nous a été servi par la serveuse, et nous en avons mangé les deux.”
 
Les regards soupçonneux se tournèrent vers la serveuse, alors que les deux gaillards, empêtrer dans le mauvais goût, suppliaient pour avoir de l’eau. Profitant de leur distraction, la Lame attrapa son interlocutrice par la manche pour l’entrainer vers la porte, mieux valait réduire la distance avec celle-ci en cas de besoin.
 
Buvant enfin quelque chose, les deux malheureux retrouvèrent leur couleur alors que le goût horrible devait cesser d’avoir de l’effet. Néanmoins, il restait à savoir quelle forme allait prendre leur réaction et celle de la sympathique, quoique sadique, Ritcha.

Staff :