Le 10 mai 2023

Une colline. Un champ. Natsu. Ma mère. Moi, assise sur une couverture surplombant cette colline. J’observais mon petit frère courir vers ce champ de fleurs multicolores et ma mère derrière lui essayant de le rattraper. Une légère brise agréable caressait ma joue en faisant voler quelques mèches de mes cheveux sur mon visage. L’herbe dansait autour de moi, les fleurs s’épanouissaient sous les rayons de soleil chaud, le vent jouait de la musique avec les feuilles des arbres, l’odeur de la nature remplissait mes poumons de joie. Je fermais les yeux en savourant cet instant de bonheur. Me laissant tomber doucement en arrière, je m’allongeais paisiblement et tout en gardant les yeux fermés, mon esprit était déjà en train de se laisser aller. J’ouvrais les yeux pour contempler le magnifique ciel bleu qui s’offrait à moi. La douceur de la couverture en contact avec tous les membres de mon corps, me laissait imaginer le coton des quelques nuages qui apportaient une touche de blanc dans cette mer au-dessus de moi. Comme j’en rêvais de vivre dans ce monde en hauteur !

A défaut de pouvoir les effleurer, j’associais les formes changeantes des boules de cotons à des objets s’y rapprochant. Tantôt un arbre, tantôt un nez, les nuages se firent de plus en plus nombreux. Leur couleur passa vite du blanc de la neige, au gris des souris, cachant ainsi le bleu du ciel. Je me relevais pour voir ma chère mère et mon adorable petit frère qui devaient jouer dans le champ en contre bas. Leurs rires résonnaient à mes oreilles comme une joyeuse musique. Mon regard parcourait l’horizon sans trouver les formes familières. Le champ était vide, les fleurs avaient cessé leur danse. Le vent se fit plus frais, me provocant un frisson dans tout le corps. Je me mis debout, la couverture sur mes épaules. Tout était si bizarre… Les oiseaux continuaient de chanter, en ignorant que le ciel s’assombrissait. Les éclats de rires se perdaient en un écho troublant. Je levais les yeux vers mon petit endroit de paradis devenu aussi sombre que la cendre d’une cheminée. A cet instant, le drap autour de mes épaules s’envola, les rires s’estompèrent en même temps que l’atmosphère s’alourdis.

Baissant la tête, je fus surprise de voir enfin mon petit frère au milieu du champ. Mon sourire retrouva sa place sur mon visage avant de s’envoler lorsque je compris que ma mère avait disparu. Un bruit assourdissant retentit, aussitôt la tête entre mes mains, je me recroquevillais sur moi-même me faisant aussi petite que possible. Cela devait être le tonnerre bien que je ne vis aucun éclair traverser le ciel. Je levais alors les yeux en direction de Natsu. Il me regardait fixement d’un air indifférent qui me glaça le sang. Les secondes me parurent des minutes, comme si le temps avait voulu graver cet instant dans ma mémoire. Lentement, il leva son bras et me pointa du doigt. Intriguée, je regardais derrière moi en cherchant ce qu’il m’indiquait, mais ne voyant rien, je redirigeais mes yeux vers lui. Mon petit frère avait baissé son bras et observait maintenant le ciel. Je voulais lui crier de me rejoindre mais aucun son ne sortit de ma gorge. En une fraction de seconde, la foudre illumina son corps en s’abattant sur lui, le faisant disparaître de mon champ de vision. Une sensation indescriptible parcourut mon être.

Comme tous les matins, je me réveillais dans un lit, dans un corps, dans un monde qui n’était pas le mien… Je me redressais un instant avant de me lever. Cela fait des mois qu’on est tous enfermés de ce jeu, mais je n’ai pas encore eu l’occasion de rêver, moi pour qui « cauchemar » rime avec « normalité ». Peut-être que ce n’est pas possible. Peut-être que tout est un rêve.

Encore une journée. Comme hier. Comme demain. Une routine dans laquelle je me suis enfermée et qui, malgré ce que l’on peut croire, me plaît. Je profitais de ce monde à ma façon, je n’avais pas la même notion du temps. L’impression d’être comme tout le monde ne me quittait pas, un codage, une accumulation de pixel, une simple connexion. Ah, la blague ! Comme si toi, tu étais normale. Tu crois que je suis dans la tête de tout le monde ?Je souriais à cette remarque, elle n’avait pas tort. Akayuri était de plus en plus présente, elle me soutenait et m’aidait lors des combats auxquels j’avais encore du mal à prendre part. Elle était mon reflet dans ce monde. C’est grâce à elle si je n’avais pas encore perdu la tête. Ou que je ne m’en rendais pas compte…

Déambulant dans les rues de Taft, la ville principale de ce 11ème palier, je cherchais quoi faire aujourd’hui sans avoir d’envie particulière. Les PNJ faisaient leur vie comme s’il n’y avait rien de plus normal. Nous aussi. En quelques mois, l’habitude de vivre parmi eux devient une évidence, la différence, c’est la conversation. La tête ailleurs je m’avançais dans des chemins qui m’étaient inconnus, sans même m’en rendre compte. Un cri lointain me sortit de mes pensées, quelqu’un m’appelait.

- Aka !

Ne connaissant pas grand monde ici, je me retournais balayant mon champ de vision du regard. J’hallucine. Je me secouais la tête pour reprendre mes esprits avant de retourner sur mes pas et retrouver un endroit plus fréquenté.

- Aka !

Cette fois-ci je ne rêvais pas. C’est certain, une voix grave, celle d’un homme sûrement. J’accélérais le pas, tournant la tête à chaque croisement pour savoir d’où venait cette voix. Que me voulait cette personne ? Pourquoi ne pas se montrer ? L’angoisse me prit le ventre et mon cœur s’accéléra. Je me stoppais. Il était là. Grand, les épaules carrées, sa morphologie ne posait pas de doute sur sa force. Je me plaquais contre un mur, derrière des caisses de marchandises et j’activais Dissimulation. Il se tenait dos à moi, un peu plus loin dans cette ruelle sombre. Il y avait quelque chose à ses pieds, ou plutôt quelqu’un. Mon corps se relâcha après avoir compris. Il se baissa, ramassa le petit être et le prit dans ses bras tendrement. Aka-chan. L’homme appelait simplement son enfant. Quelle idiote. Je tournais les talons et continuais ma route. Il ne ressemble pas à un PNJ. Je me répondais naturellement que c’est normal, car ça n’en n’est pas un. Alors pourquoi il a un gosse ? Un froid glacial me parcourut le dos. Je réfléchissais en un instant. Un bébé ne peut pas venir de notre monde, le joueur aurait reçu un message d’alerte pour harcèlement s’il touchait un PNJ et le déplaçait. Mais il n’était pas comme les autres PNJ, il m’avait l’air plus humain. Je ne comprenais pas. Doucement je me tournais pour le voir. Disparu.

Je marchais vite entre les rues sans savoir où j’allais. T’as vraiment un problème. C’est la folie peut-être. Un alors un rêve. Une lumière éblouissante m’aveugla un instant, avant de voir apparaître les plaines de ce palier qui entourait la ville. Comme si je m’étais réveillée. Fermer les yeux, s’apaiser, relâcher toute la tension, se faire piquer la joue… Hein ?! En une Acrobatie, je m’étais éloignée de mon assaillant et j’équipais mon arme dans la foulée. Un moineau venait se sacrifier pour finir dans ma casserole et ses copains débarquaient derrière lui en popant comme des moutons. Deux petits coups dans son petit corps et il éclata. Mh… Au menu du jour : Brochettes de moineaux accompagnées de légumes.

Récap':

Récap':

Aide Modé !:

drops:

Les voix qui entouraient la place d’une ambiance chaleureuse s’estompaient peu à peu tandis que je m’éloignais dans les ruelles plus étroites de la ville de Taft. Une pensée qui traversait mon esprit me fit sourire. Il était vraiment plus simple de faire ses courses dans ce monde, surtout le fait de ne pas avoir à s’encombrer de lourds sacs en plastique prêts à lâcher sous le poids de notre butin. Cette sensation de légèreté alors que nos « poches » sont pleines, était vraiment plaisante. D’ailleurs il fallait réfléchir à deux choses : Où aller et quoi préparer. Certes mon inventaire était rempli, mais mon estomac criait famine, enfin façon de parler.

Sans savoir d’où, une bourrasque de vent ébouriffa mes cheveux et souleva ma jupe bien que mes mains empêchaient quiconque d’en profiter. Les joues rougies, je regardais autour de moi au cas où quelqu’un m’avais vu ou vu autre chose, mais rien. Pas un chat. Pas un PNJ. Pas un joueur. Une sensation de solitude pesante contrairement à mon habitude. Un froid glacial me parcourt le corps comme un mauvais présage. Je levais les yeux au ciel pour apercevoir les nuages gris, mais bizarrement le plafond était d’un bleu resplendissant. Je devenais folle ? Tu ne t’en rends compte que maintenant ? La tête entre mes mains, je me fis la plus petite possible. Je n’en pouvais plus. Ce jeu était en train de me rendre dingue. J’essayai alors de faire le vide dans mon esprit si embrumé, ne penser  à rien, se détendre, lâcher prise… C’est ce dont j’avais besoin. Petit à petit, comme si on m’envoyait un message, l’air se fit plus chaud, le vent cessa complètement et un groupe de trois joueurs passa dans la rue en riant comme si c’était la seule chose à faire dans ce monde. Se trouver un but. L’atmosphère et mon esprit plus calme, je repris ma route jusqu’à trouver une cuisine.

Arrivée devant, je payais les 50cols d’utilisation pour une heure. Cela va être suffisant pour préparer mon butin du jour. Je me sentais bien mieux. Derrière les fourneaux un sourire éclairait mon visage sans penser à tout ce qui se passait ces derniers temps. J’attrapais hâtivement un tablier, avant de l’enfiler et de me craquer les doigts pour me les échauffer. En déplaçant légèrement la main, j’ouvris mon menu et sélectionnai 5 viandes de moineaux et les 5 carottes achetées récemment. A l’attaque ! Je pris un des couteaux mis à notre disposition et le fit tourner entre mes doigts. En un geste, pointa la viande et mes légumes afin qu’ils se coupent miraculeusement en trois parts égales chacun. L’arme du crime reposée, je m’emparai de piques en bois et disposa la viande et les carottes à intervalles réguliers afin de faire 5 brochettes généreuses. J’enfournai le tout, paramétra la cuisson et retira mon tablier. Mon estomac gargouilla en même temps. Je m’assis à une des tables qui arpentait la salle et sortis de mon inventaire une part de bûche de noël, reçu il y a un bon moment lors d’une quête il me semble. Quand je cuisinais, toutes mes phases de « folies » disparaissaient. Alors pourquoi je ne cuisinerais pas plus souvent ? Il me fallait un but, alors pourquoi ne pas essayer de devenir la meilleure cuisinière de SAO ? Vendre mes productions à des joueurs qui vont au front, faire de mon mieux pour aider les plus forts à être meilleurs, aider les plus faibles à trouver leur voie comme moi pour sortir de ce jeu, ou plutôt de cette folie, ensemble. Ding ! Le four dégageait une odeur délicieuse alors que je retirais mon plat et déposais mes brochettes dans mon inventaire. Je n’avais pas beaucoup de relations, mais qu’importe, la nourriture rassemble les gens !

Récap':