Palier 7, 15 avril, 6h00

De ma vie réelle, je n'avais jamais vu un aussi magnifique et coloré paysage. Les plantes qui s'ouvraient petit à petit, les quelques papillons qui voletaient tranquillement, les arbres et la verdure qui dansaient en phase avec les petites brises du matin : je voyais le tout devant ce lever de soleil spectaculaire ! J'avais l'impression d'être dans un film, d'avoir été transportée dans un pays qui n'était plus qu'à quelques mètres du soleil et qui, pourtant, gardait les températures agréables d'un doux mois d'avril. Je soupirai d'un coup de plaisir et de satisfaction devant les merveilles de ce monde épatant.

« Qu'c'est beau sa mère... »

Au final, j’avais bien fait de revenir ici, me levant assez tôt pour ne pas avoir à supporter les habitants dynamiques et complètement fêlés du village principal. La première fois que je m’étais téléportée dedans, j’avais été obligée de faire quelques pas de danse maladroits avec un PNJ aussi inconnu que trop entreprenant et fatigant !

« Je me demande si la fête se serait arrêtée si je lui avais défoncée sa tronche de pervers pété. »

En effet, plus j’y pensais, plus les habitants de l’étage me semblaient drogués. Peut-être que ce palier prônait la consommation d’alcool et de petites pilules rigolotes… Hmm… On pouvait en obtenir avec des quêtes peut-être ?! J’avais pas encore fait gaffe à ces dernières et de toute façon, j’avais la flemme d’en commencer une maintenant ou même de partir à leur recherche. Bien installée dans mon arbre choisi sans poire dangereuse, je me rappelai la demi-heure que j’avais mise pour le monter. Fallait dire que la première branche était carrément haute et que j’avais dû faire plusieurs tentatives de saut foireux pour l’atteindre ! Si j’avais eu un Big Foot pour me faire voler dans les airs, j’aurais pu grimper plus rapidement… Je baillai d’un coup, comme momentanément affectée par tout ce calme et cette beauté matinaux.

« Allez, deux heures de sieste… Ça va pas me tuer… »

Tout ça parce que t’as peur de descendre de l’arbre ! La ferme.



J’étais sur la dernière branche depuis plus de vingt minutes, tremblante. Deux mains et un pied sur cette dernière, ma deuxième jambe battait l’air dans tous les sens pour trouver un point d’appui sur le sol fleuri… Sans succès.

« BORDEL !!! POURQUOI JE SUIS AUSSI PETITE ?!!!! »

Mes bras étaient étirés au maximum et j’avais vraiment pas envie de laisser tomber ma première guibole… Je savais déjà que j’allais me fracasser la tronche par terre à cause d’un manque de force dans mes biceps si je faisais ça ! Mais avant que je n’eus pu me rappeler qu’on était dans un jeu et que seules les statistiques comptaient, je me reçus un bon gros mollard bien visqueux sur mon derrière. Le sigle du poison apparut et…

« SAAAAALE LÂÂÂÂÂCHE !! Je descends d'là et j’te jure qu’j’te crève !! »

… Vas-y, fais la première partie de ta menace, qu’on rigole ! Je remarquai que les bruits de fête du village se faisaient maintenant entendre… Heureusement que je m’étais assoupie car cette journée n’allait pas être de tout repos…

Finalement, j’entendis et je pus voir l’explosion de mon ennemie après quelques tentatives de descente de l’arbre. Je détestais l’admettre mais lâcher prise me faisait sérieusement flipper. D’autant plus que j’étais sûre et certaine qu’il y avait la moitié d’un mètre entre mes pieds minuscules et la terre ferme ! Bref, une fille s’était occupée de la plante lâche, l’empêchant de salir une nouvelle fois la partie du vêtement qui cachait mon majestueux fessier. Alors que j’allais me lâcher une fois pour toute, prenant une grande inspiration en me répétant que c’était pas grave si je me fracassais la tronche devant une inconnue, celle-ci m’en empêcha, me stoppant dans mon élan.

« Hey, salut, je t'ai sauvé l'oignon, t’as pas un antidote ? »

… J’étais même pas encore descendue qu’elle me demandait de la payer ?! Quelle sans gêne de mes deux ! Surtout que j’lui avais demandé que dalle à cette saloperie ! Pis, j’étais pas alchimiste et c’était pas face à un monstre d’aussi faible ampleur que j’allais mourir ! Mais attends... J'la connais cette voix, nan ?

« … Oups. »

Dans ma colère soudaine, j’avais bougé si brusquement, de sorte à la fusiller visiblement du regard, que ma jambe appuyée contre l’arbre avait fini par glisser, suivie de très près par mes deux mains, moites d’anxiété face à la chute. Finalement, mes fesses furent les premières à atteindre le sol fleuri puis ma colonne vertébrale et le dos de ma tête firent de même. Je ne fis même pas attention à ma jauge de vie, me rappelant la douleur horrible qu’on avait lorsqu’on dégringolait ainsi. Je me relevai aussitôt pour frotter puissamment et répétitivement mon fessier… Avant de me rappeler le mollard de l’autre monstre dégueulasse ainsi que la douleur inexistante en ce monde. Laissant m’échapper un juron avant d’essuyer mes doigts sur mon équipement, je levai la tête vers la cupide, la toisant vraiment méchamment.

« J't'ai rien demandé. Et chiale pas, ça te fera perdre que trente points de vie. Pis, t’avais qu’à v’nir ici en toute connaissance de cause et t’l’acheter avant ton antidote. Grognasse. »

Ces mots sifflés si rapidement et faiblement tels des murmures, je me détournai d’elle immédiatement et fis quelques pas pressés, énervée… Avant de m’arrêter d’un coup pour prendre mon Marte…
CHLAC !
Je tombai en avant sous la puissance du coup de fouet qui vint encore une fois démolir mes arrières. Mais qu’est-ce qu’elles avaient toutes à m’agresser ainsi ?! Qu’est-ce j’leur avais fait ?! J’utilisai Analyse pour mémoriser les statistiques du monstre apparu et le vis directement comme…

« Un moyen génial pour faire du SM. »

Ces mots-ci n’avaient pas été murmurés, ce qui était normal car ils m’avaient tout simplement échappée. Avec ses nombreuses lianes, ce monstre me faisait penser à cet animal plein de tentacules qui chopait les héroïnes de manga. Mais ses fouets étaient trop loin de moi, si bien que je n’eus qu’à faire un pas en arrière pour être totalement hors de sa portée. Lentement et d’un air blasé, je fixai l’autre meuf qui ne me disait... Rien. Avec sa poitrine généreuse et sa taille immense ainsi que son aide naturellement apportée… Hmm…

« Je suis sûre que la plante carnivore préférera la choper elle. »

Je faillis lui faire signe de passer devant si elle le souhaitait mais me ravisai. Si j'avais eu l'impression de reconnaître le son de sa voix, sa tronche me revenait pas du tout... Sans faire plus attention au monstre, je mis un index réfléchi sur ma bouche en la dévisageant encore plus, sans réussir à me rappeler.

« On se connaîtrait pas, par hasard ? »

Tu vas encore avoir droit à un refus ! La ferme.

J’avais regardé tranquillement la demoiselle se faire choper rapidement par le monstre, admirant la vitesse de vibration de ses seins après leur capture. Sans bouger, j’étais restée stoïque devant le spectacle avant de hausser les épaules, de m’emparer de mon arme et de m’apprêter à partir. Baah, même si je la connaiss…
BAM !
Nyeh ?! Tombée à la renverse à cause de la meuf, je me rendis compte que son corps magnifique était vachement lourd. Grosse vache ! Mais qui recrachait les aliments qu’il bouffait bordel ?! C’était grave dégueulasse ! De belles fleurs saupoudrées d’un peu de terre dans la bouche, j’avais l’impression que tout l’arrière de mon corps était couvert d’un sale liquide visqueux. J’avais laissé tomber mon arme sous le choc et je la regardais maintenant, dépitée. Allez, encore une journée de la chute aujourd’hui ?! Avant que je repoussasse son p’tit boule avec violence et irritation, la demoiselle se releva d’elle-même pour répondre – comme je l’avais prévu – négativement à ma question. Juste après avoir été vomie par une plante carnivore, normal. Désirez-vous un peu de thé, ma chère ? Bon bah… Pour revenir à sa réponse, j’avais clairement un problème de mémoire des visages ; et des voix maintenant ! Comme quoi, on retenait véritablement que ce qui nous intéressait. Si elle me donnait son niveau, ses statistiques et le nombre de cols remplissant sa bourse, j’étais persuadée de retenir toutes les informations ! Mais je n’eus pas vraiment le temps d’y penser sérieusement. Un des fruits que j’avais repérés et précédemment analysés était tombé vers nous, « menaçant » avec sa forme de poire. Qu’il était brave et téméraire ! Je récupérai succinctement mon Marteau.

« Je hais les poires. »

Sérieux, c’était hyper crade comme fruit ! Avec leur couleur mi verte mi jaune et leurs courbes bizarres, elles ressemblaient à des mauvaises copies des pommes. Sans compter leur goût qui était toujours trop fade et leur texture qui ressemblait à un repas prémâché de bébé ou de personne âgée dépendante ! Bref, ce fut donc sans pitié que j’envoyai le monstre aventurier valser dans les airs, le voyant exploser tout près du soleil. Aah… Ce soleil ! Et dire que je profitais tranquillement de ses rayons, y avait quelques minutes ! J’étais dégoûtée… J’aurais mieux fait de rester dans cet arbre jusqu’à ma mort ! Enfin, j’aurais sans doute vite été ennuyée par cette meuf mais bon. D’ailleurs, elle avait aussi détruit son monstre aux tentacules sadomasochistes et semblait même s’être mise d’accord sur une quelconque idée intérieure. Je haussais de nouveau les épaules en soupirant avant de m’étaler par terre et de fermer les yeux. J’étais tellement bien là-haut dans mon arbre trop cool !! Pourquoi le temps était-il passé, pourquoi fallait-il toujours que les emmerdeurs se réveillassent au bout d’un moment ?! Si tu veux pas qu’ils ouvrent les yeux, t’as qu’à les crever ! … Malheureusement, ça fonctionnait pas comme ça par ici : avec une belle potion magique, tout revenait. Je me remis droite d’un coup, m’asseyant en tailleur et reprenant finalement le dos voûté. J’avais de la terre sur le visage, que j’essuyai activement, et l’arrière de mon équipement était bel et bien plein de bave. Roulant sur le sol, je partageai tous ces fluides avec les jolies fleurs que j’avais failli avaler. Puis je me levai brusquement, décidée à bouger… Et me rappelant que j’avais pas répondu à la demoiselle.

« Je suis nulle avec les noms et les visages donc c’est carrément possible. Adieu. »

Je savais pas du tout de quoi lui parler et j’avais de toute façon pas envie de lui parler. J’avais déjà une copine bonne et superficielle, en avoir une deuxième ne m’intéressait pas. Je m’en allai alors dans une direction lambda... Avant de sortir la carte, de réfléchir trente secondes… Et de faire demi-tour pour me retrouver devant elle, blasée.

M'emboîtant le pas sans gêne, la demoiselle m'avait fait une proposition fort intéressante. Une récompense pour être garde du corps ? Des sous ? Des items ? Un équipement hors du commun ?! En regardant vite-fait sa jauge de vie presque à moitié vide (oui, j'étais d'un naturel pessimiste), je me dis qu'elle n'aurait pas grand-chose à me filer. Que foutait-elle ici sachant qu'un empoisonnement de niveau un pouvait facilement la mettre capoute (HRP : j'utilise cette expression IRL mais je sais pas comment elle s'écrit et mes recherches Google me font douter quant à son existence... Je vous en supplie, partenaire ou futur évaluateur, si vous la connaissez bien, faites-moi signe!) ? Elle était idiote, téméraire, suicidaire ou simplement les trois ? Hmm... Un coup d’œil sur sa poitrine généreuse me fit accepter la première hypothèse, bien qu'elle pût carrément être mixée avec la seconde. Quoique... Si elle me demandait ouvertement de l'aide, c'était qu'elle n'était pas si conne que ça, qu'elle savait qu'elle pourrait facilement crever seule ici et qu'elle le voulait pas et donc qu'elle jouait la prudence en demandant à une meuf trop cool et trop forte de lui porter secours. Hop!- on remonte un peu l'estime de soi, c'est gratuit, c'est rapide, c'est parfait!

« Une... Récompense ? Comme ? »

J'avais haussé un sourcil en m'approchant d'elle, mettant l'extrémité de mon marteau à terre. Visiblement intéressée, je pus peut-être cacher mes yeux brillant d'excitation et semblables à la monnaie courante de ce monde-ci grâce à mes lunettes ? J'étais vraiment curieuse en fait... Qu'est-ce qu'elle pourrait bien me filer ? Je me rappelai soudainement la petite fille que j'avais failli aider pour six cent cols. Celle-ci s'était finalement barrée comme une voleuse après m'avoir envoyé le fric sans aucune raison... A part avoir blablaté avec elle et avoir tenté de lui faire dépenser plus de sous que mes services ne valaient, j'avais fait que dalle. Surtout que j'avais menti sur mon pseudo, lui donnant d'abord celui de Yueko avant de me raviser et de finir par lui donner mon prénom de la réalité... Enfin, si je me souvenais bien ? C'était peut-être l'inverse ? Je me faisais pas du tout confiance concernant les noms... En fait, tout ce qui se rapportait à mes souvenirs d'une personne n'était pas jugé fiable par moi.

« ... Je veux bien t'accompagner n'importe où. Mais tu payes d'abord. »

Si ça avait marché avec une petite fille possédant trois synapses grand max, alors ça pouvait marcher avec cette meuf qui ne devait pas en posséder plus... T'es méchante, elle t'a aidée quand même! Aidée ? Quand est-ce que j'avais eu besoin de quelqu'un pour vivre ma vie ici hein ? Le problème des Mygales Géantes à part ! Je détestais assez dépendre des gens pour leur demander leur main. Leur main... Ouais, expression niaise naturellement sortie : 1. Vive le mariage ! J'avais pas déjà parlé de mariage avec quelqu'un d'ici moi ? Perdue dans mes pensées, en attendant la réponse concernant le moyen de paiement de la demoiselle, je commençai un débat intérieur. Le mariage ne servait à rien, à part à acheter une maison au plus bas prix et à débourser encore plus de fric pour faire la fête dans ma tête. Le mariage, c'était clairement pas fait pour moi... Je m'imaginai soudain, portant une longue robe blanche, mes cheveux attachés en un chignon fou composé de mèches rebelles, en train de me péter la tronche à cause de chaussures à talons trop girly. Allez, réveille-toi, on parle de pognon !! Parler de ça, c'est toujours intéressant! Ah ça... Je dirais jamais le contraire. Allez, grognasse, parlons affaire, et vite !  

Je... Ne peux pas... Résister...

« … Pff... Haha !! Ça aurait pu me venir à l'esprit en effet... »

Et dire que j'avais toujours voulu vivre honnêtement durant tout ce temps ! Cette meuf avait carrément raison, c'était une bonne stratégie, de demander d'abord le bien puis de se casser vite fait bien fait. Malheureusement, j'étais encore jeune et naïve, je possédais encore un peu d'innocence et de bienveillance. Sans compter que ce qu'elle attendait de moi me dérangeait pas vraiment : j'étais toujours partante pour me taper un étage et plein de monstres. Car après tout, mon but était d'atteindre le niveau le plus haut de tout l'Aincrad ainsi que de remplir entièrement la jauge de toutes mes compétences, le rôle qu'elle voulait que je jouasse (ah cette conjugaison!) m'y aiderait donc. Malgré tout, mes précédents sourire et amusement disparurent rapidement et je répondis d'un ton froid, la regardant fixement.

« Mais toi, tu y as déjà pensé, on dirait. Tu peux toujours attendre que je sois occupée avec des monstres puis partir comme une... Voleuse. Je veux une caution : cent cols, que je te rendrai après avoir obtenu la récompense secrète. A prendre ou à laisser. »

Eh oui grognasse!- tes dires s'étaient retournés contre toi. En tout cas, elle pouvait penser que j'étais hyper sympathique. Cent cols de caution pour toute une journée de protection : pas cher, pas cher ! Eh bien non. Si je me souvenais les quelques bouquins de manipulation, cette technique s'appelait « l'amorçage ». Éviter de dire quelques modalités pour mieux entuber. Cent cols de caution : une heure de service, pas plus. Et si elle payait pas l'heure suivante, je lui faisais peur avec mon long marteau compensateur de chibre rouge et je la rackettais. Pourquoi tant de méfiance et de préparation ?! Parce que j'avais l'impression qu'elle me cachait un truc et qu'elle était malhonnête. Sa voix me disait toujours quelque chose, pis...

« En fait, Tortilla ? Pourquoi ? »

C'était quoi ça, une marque de chips ? Un style de pâtes ? J'ai une tronche de chips?! Sans doute pas, mais il était clair que si quelqu'un avait tenté de me manger le visage quelques années auparavant, ça lui aurait apparu croustillant. Miam, miam, les petits boutons plein de pus ! En tout cas, y avait plus qu'à attendre. Si elle me donnait la caution, je la protégerais pendant une heure. Si elle se rétractait, je... Me perdrais avec cette saloperie de carte incompréhensible !

… Ouais, plus elle parlait plus elle était bizarre. Y avait un truc qu'elle voulait pas m'dire. Qu'est-ce qu'elle me cachait... ? Elle était en danger ? Elle avait des fan boys boobs lovers à ses trousses et désirait une meuf pour se faire passer pour homosexuelle ? Hmm... En tout cas, Tortilla était bien le nom d'un quelconque aliment de cuisine. Mais lequel?- mystère. Baah... Elle allait me payer donc j'allais devoir supporter tout ça et faire la gentille... Pour qu'elle pût payer la seconde puis la troisième puis la dixième heure avant de me filer la récompense. Sinon... Encore une qui avait fait aucun échange dans sa vie.

« Pas besoin de connaître le nom. Juste d'être à côté. »

La même phrase que l'autre gamine emmerdante quoi. « File-moi ton pseudo sinon, j'pourrais pas te donner les sous, blabla! » Eh nan grognasse, pas de prénom pour toi. Après tout, elle avait déjà choisi seule mon appellation alors elle pouvait aller se faire voir pour obtenir la vraie. Oui, je détestais les surnoms. Mais ici, j'avais vraiment pas envie de me retrouver avec un harceleur ou une enflure qui propagerait de mauvaises rumeurs sur ma modeste personne. En soupirant devant sa nouvelle méfiance, je m'approchai un tout petit peu d'elle en croisant les bras.

« Si j'avais voulu te faire faux bond, je t'aurais demandé plus... Non. Je t'aurais rackettée plutôt. Plus rapide. Plus efficace. Bref. »

Après tout, j'étais de ceux qui pensaient que, lorsqu'on avait vraiment envie de faire quelque chose, on le faisait, on avait besoin d'aucune permission ! Bon, le viol était à part, comme le meurtre... Mais concernant les vols (de baiser, de copain, de voiture, d'argent), tout était évidemment permis. En tout cas, j'avais été plus que sincère avec elle. Et comme chacun le savait, même si tout le monde était contre les mensonges, tous voyaient d'un mauvais œil l'honnêteté. On était vachement contradictoires, nous les humains. Bien sûr que pour être accepté, fallait omettre plein de choses ! Bref.

« Tu es une fan des boules du dragon alors. Tu t'es trompée de couleur et de longueur de cheveux si tu veux mon avis. »

Je ne pus lui faire plus de critiques : une nouvelle poire se jetait déjà corps et âme sur nous, sans doute celle de tout à l'heure qui s'était de nouveau matérialisée. Un coup de talon me propulsa – pas aussi vite que je le voulais mais bon, j'avais pas Sprint aussi – tout près du monstre qui fut stoppé dans son élan par mon Marteau. Ce dernier même qui s'abattit dans un bruit sourd sur ce que je considérais comme sa caboche de fruit copieur de la pomme. Comme son frère, un coup et il disparut. Je me retournai calmement vers la demoiselle.

« Tu me les envoies et on y va. »  

Je restai là, presque la main tendue, le haut de mon marteau toujours au sol. En fait, si elle le voulait, je pouvais même l'aider à farmer et à obtenir des drops... Mais pour ça, il faudrait me présenter plus de cols... Et me demander, surtout.

J'acceptai immédiatement l'échange proposé, légèrement ennuyée. Elle aimait les mangas, c'était un bon point mais... Va raconter ta vie ailleurs, j'm'en branle complètement ! En fait, depuis le début, j'avais appris qu'elle était de nature méfiante, un peu bête, qu'elle donnait des surnoms dégueulasses aux joueurs qu'elle rencontrait, je connaissais son pseudo, savais d'où il était tiré et maintenant, je savais même ce qu'elle pensait du personnage C-18. Mais bon, au moins une heure : je devrais la supporter au moins une heure. Soixante minutes avec une pouffe superficielle qui blablatait sans relâche, ça allait être plus long que la de, quoi [les mots ont été censurés car nous sommes sur un forum tout public. Ne nous en voulez pas : laissez parler votre imagination] !

« Dis, ça sent le piège ici, tu t'occupes des monstres et je m'approprie le coffre ? »

… Y avait un coffre tout près de moi et mon radar m'avait même pas prévenue ?! Purée, j'aurais eu que dix pas à faire pour le trouver quoi ! Mais... Ces mots me paraissaient familiers. Y avait pas une meuf trop conne que j'avais rencontrée et qui m'avait dit la même chose ? Je me rappelai ma pensée à sa remarque, « sans blague ! », et ce fut exactement les mêmes mots qui m'étaient venus à l'esprit à ce moment-ci. Je tombais que sur des débiles profondes ou quoi ? En parlant de ça... J'avais pas rencontré beaucoup de mecs ici. Normal, ils ont tous peur de toi. C'était surtout parce que les geeks n'abordaient pas les gens sans de bonnes raisons plutôt. Enfin, les seuls auxquels j'avais parlés avaient fini par se prendre mon arme dans la tronche aussi... Ah non, pas le premier. Mais il comptait pas : il était roux.

Revenant dans cette présente journée, j'avais regardé la meuf de travers avant de soupirer et de hausser discrètement les épaules. Un coffre trouvé aussi facilement, ça devait pas donner énormément de choses après tout. En tout cas, je pouvais dire ça par expérience, maintenant. Pis, c'était pas l'item qui m'intéressait mais l'ouverture de la boîte dorée. J'aimais tellement l'entendre grincer, j'aimais tellement dévoiler lentement son contenu !!  Mais je ne pus baver plus longtemps, un bruit d'ailes battues se fit entendre, en même temps qu'une masse aussi grosse qu'informe et verte s'approchât. Bizarre, la meuf s'était pourtant pas rapprochée de l'objet convoité ? Ce ne devait pas être les monstres du piège... Je ne perdis pas de temps et utilisai Analyse pour savoir s'il fallait être stratégique ou s'il n'y avait aucun danger : deuxième proposition !

Quelle que fut leur origine, je les laissai pas s'avancer plus. Je détestais les monstres volants... De toute mon âme !!! Mais l'autre grognasse avait décidé de se taper la grosse plante mobile (ça me faisait d'ailleurs penser à la voiture de BatMan) alors je me devais de défoncer les deux autres : elle m'avait payée. Sans surprise, et grâce à son corps immense, fallait l'dire, je réussis à défoncer le bidon jaune et noir de la première avant de me prendre les pattes aiguisées de la seconde. Ma joue rougie ne tarda pas à être bombée par un sourire vengeur satisfait car, toujours poussée dans son élan, mon arme était allée se ficher en plein sur la tronche de l'ennemie, la faisant disparaître en une pluie de pixels. Mon gagne-pain avait terminé aussi, plus difficilement, je le pensais, et elle n'était même pas allée vers le coffre ! Quelle marque de respect sa grand-mère !! Je m'approchai d'elle rapidement... Enfin, plutôt de la boîboîte.

« Tu peux avoir l'item mais... J'aimerais vraiment ouvrir le coffre... »

Mais on eut pas le temps de débattre : j'avais dû faire le pas de trop !!

« Laisse moi m'occuper d'eux. »

Je regardai même pas leur nombre.

… Elle comprenait rien ou quoi ?! J'lui avais de me les laisser !! Purée mais quelle chiasse débile de mes deux seins inexistants !! Elle m'avait payée pour que je fisse le garde du corps et elle osait ensuite me piquer mon travail ?! Surtout qu'elle allait sans doute crever face à ces trucs, bordel !! Dix monstres étaient apparus et, à cause de (ou grâce à?) sa connerie sans équivalent, j'avais pu tous les analyser un par un, sans réussir à mémoriser leurs statistiques... Que j'avais déjà en fait. Trois fruits carnivores, quatre guêpes géantes et trois plantes – que je n'aurais d'ailleurs pas remarquées sans Analyse – dont une de niveau deux. J'allais commencer par elle, je savais déjà à quel point elle était dangereuse, surtout qu'elle était assez loin des végétaux SM. Et dire que l'autre me demandait tranquillement de lui laisser le dernier coup pour avoir des items et de l'expérience en cachant le tout par un hypocrite « j'vais pas rester là sans rien faire hein ! » ! Mais ils étaient DIX là !! Ils étaient trop nombreux pour le moment pour que j'en laissasse un à un tier de sa vie. Pis putain, elle pouvait pas l'dire avant la grognasse ?!

Alors que la demoiselle se ruait comme une idiote sur les monstres, je ne pus la prévenir qu'une liane s'était déjà enroulée autour de son pied. Baah, elle apprendra à voler. J'esquivai de justesse un mollard lancé par le premier ennemi que je m'étais attribué pour abattre d'un coup de masse ses deux yeux globuleux qui se changèrent quasiment immédiatement en grains de poussière. Et de un. Malheureusement pour moi, les fruits et les guêpes avaient été très rapides et m'entouraient déjà, rendant mon corps écarlate. Genoux fléchis pour ne pas tomber sous leurs coups, je pris une succincte respiration avant de la bloquer et de tourner sur moi-même, bras armé tendu. La première guêpe géante mourut à l'impact mais les autres monstres ne furent que projetés à quelques mètres plus loin, les fruits petits et légers s'étant le plus éloignés. Je profitai de ce soudain espace pour détruire une seconde guêpe, mon arme tambourinant son dard après un coup rapide du talon sur le sol. Pas le temps de s'arrêter : les autres monstres projetés revenaient déjà, énervés ! Ma respiration toujours bloquée, je fis une nouvelle fois briller mon Marteau, plus que concentrée, avant de le laisser fracasser les pattes dangereuses et menaçantes du troisième insecte volant que je tuais. Je me pris la réplique acérée de la dernière guêpe avant de sentir les trois fruits me mordiller les mollets. C'était des sprinters ou quoi ?! Rappelle-toi ta phrase : petit mais puissant! Irritée, j'écrasai d'un geste sec le premier fruit agaçant, mon regard noir ignorant les pixels de son cadavre. Ah bêh, j'croyais ben qu'ma haine des poires était ressortie ! Me prenant l'attaque des autres en pleine... Poire, je n'eus même pas le temps de reprendre mes esprits que je sentis une force invisible m'attirer brutalement vers elle.

« … J'ai trop bougé. Je me suis approchée sans faire gaffe. »

J'm'étais faite avoir comme une bleue, comme l'autre idiote !! Mes pieds ligotés par la liane de la plante SM, j'appris aussi à voler quelques instants. Mais ayant toujours l'agro, un monstre volant et trois petits trucs dégueulasses à mes trousses, j'eus la joie de me prendre d'autres dégâts avant de finir dans la bouche de mon assaillante à l'allure pornographique. Heureusement que la taille des fruits n'avait pas suffi à les faire m'attaquer dans les airs... Et heureusement que je serrais toujours mon arme comme une tarée. En train d'être digérée, je me demandai alors et seulement, ce que foutait mon gagne-pain.

… Elle devait sans doute se tenir bien à l’abri derrière un arbre ou deux trois fleurs hautes. Je la voyais bien lâche, cette meuf aux allures de bimbo, elle avait le bon style. Et pourquoi ce mot trop moche me faisait à chaque fois penser à l’éléphant volant aux grandes oreilles hein ?! Seule la dernière syllabe des deux concordait ! Il me suffisait vraiment de peu pour catégoriser deux choses carrément pas comparables ensemble. Bimbo quoi !- qui utilise ce mot de nos jours ?! Bon… Je vais pas coucher là. J’avais une meuf avec un porte-monnaie à sauver quoi ! Aah, sans mes habitudes violentes avec mon arme, j’aurais sans doute pas pu sortir tranquillement de là. Confortablement assise en tailleur à l’intérieur de la grande plante aux sucs gastriques dangereux qui coloraient quotidiennement mon corps en rouge, je chargeai mon arme avant de porter un coup sec et brutal sur l’estomac visqueux à la luminosité nulle du monstre. Je n’eus pas besoin que ce dernier ouvrît la bouche pour en sortir : il explosa en une pluie de pixel et je pus me sentir tomber lentement jusqu’au sol. Mais pas le temps de laisser mon fessier l’embrasser, j’avais déjà tendue ma jambe droite pour me propulser… Contre un arbre.

« … Ben oui, t’as dû bouger pour t’asseoir, tu pensais vraiment qu’t’allais réapparaître juste en face des bestioles ?! »

Celles-ci n’avaient pas tardé à me sauter dessus dès ma sortie. Après tout, j’étais restée dans l’antre dégoulinant d’acide pendant dix secondes à tout péter, mes autres assaillants allaient pas m’oublier comme ça ! En soupirant silencieusement, j’avais pas perdu de temps non plus, me détournant de l’arbre pour y caler mon dos et répliquer d’un coup vertical du Marteau. La guêpe fut la première visée, mon arme montant pour exploser son dard dangereux et réduire le tout sous forme de poussière. Quant au dernier, je n’eus qu’à faire un pas rapide sur le côté pour esquiver son coup et laisser partir mon arme chargée, comme une balle de fusil, en plein sur sa tronche de… Poire. J’appréciai les paillettes dansant autour de moi en reprenant progressivement mon souffle.

Elle était où alors ? Ben, comme tu l’pensais : bien assise au milieu des pâquerettes. Je faillis presque sourire en remarquant une texture marron traîner sur ses lèvres parfaites : la meuf avait tout compris. Elle avait payée, elle était la reine, et elle n’avait qu’à sortir les chocolats pour le prouver à son entourage. Un peu plus, et j’allais me pencher vers elle, telle un majordome, et lui demander si elle désirait du thé ou ma main dans sa face. Un seul coup d’œil sur sa jauge m’avait permis de sentir une petite colère monter et de m’approcher d’elle d’un pas pressé pour m’emparer du haut de son vêtement pour la relever d’une main, l’autre étant toujours armée.

« La prochaine fois que tu suis pas mes ordres, je te tue. »

D’accord, je haïssais les gens… Mais en même temps, je faisais des études visant à les sauver de la mort : j’étais déjà contradictoire de base hein ! Mais c’était pas ça qui entrait en jeu ici : j’avais surtout des principes. Elle m’avait payée pour un job et ce job – comme tous ceux qu’on m’avait filés et qu’on me filerait – je le ferais à la perfection. Ici, il était de la protéger contre des monstres afin qu’elle les analysât et son comportement puéril, impulsif et débile aurait pu me faire échouer !!! Je détestais perdre et je haïssais ne pas faire les choses correctement. Remarquant qu’agripper ainsi des vêtements les aurait déchirés dans la réalité, je la lâchai d’un geste sec, la poussant vers l’arrière.

« T’as pas besoin d’être collée serrée à eux pour les analyser. Alors reste loin d’eux avec ta jauge presque vide d’idiote. Et si tu voulais t’exercer, tu pouvais le dire avant que dix monstres nous tombent dessus. »

Je me détournai d’elle et allai à grands pas vers le coffre que je réussis à ouvrir sans avoir à bidouiller ses loquets grâce à Crochetage. Bon Dieu… C’était incroyable comme j’aimais ouvrir des boîtes !!! Je regardai son item assez longtemps pour mémoriser son nom pendant deux secondes, assez rapidement pour l’oublier après une minute. Je l’avais déjà envoyé à l’autre débile mais je savais toujours pas si elle avait accepté l’échange. Sans me retourner, je demandai.

« Bon. On fait quoi, princesse ? »

Insistant à donf’ sur son pseudonyme (elle m’en avait filé un, pourquoi pas moi ?), je comptais sur cet effort pour qu’elle voulût bien continuer notre périple… Afin, bien sûr, de finir par gagner plus de cols à l’avenir. Une quinzaine de minutes était déjà passée, plus que trois quarts d’heure et je pourrais renouveler le contrat et gagner plus de blé.

... "Désolée" ?! Je m'étais finalement tournée vers elle pour la regarder de travers, mes sourcils froncés par sa stupidité. Même si je comptais lui répliquer immédiatement des trucs si secs qu'elle pourrait s'étouffer avec, je décidai de laisser parler son altesse pour lui faire croire que ses paroles étaient tout de même importantes. Si je lui donnais l'impression (réelle) que j'en avais rien à battre de sa tronche et que seul son pognon m'excitait, elle allait sans doute m'en vouloir et se casser avant la fin de l'heure. Le speech de princesse terminé, je m'approchai d'elle en soupirant avant de serrer le haut de mon vêtement, geste automatique que je faisais généralement pour ne pas buter quelqu'un.

"Je m'en fous complètement de tes excuses. Le blabla n'est fait que pour les idiots, ce sont des actes que j'attends."

Je me trouvai finalement plutôt gentille : j'avais pas vraiment été vulgaire et mes propos étaient emplis de logique et de cohérence. De toute façon, les pardons comme les déclarations valaient que dalle quand ils étaient prononcés aussi facilement pour moi. J'avais toujours eu énormément de mal à dire la vérité alors d'après ma personne, seuls les mensonges sortaient aussi rapidement d'une bouche pleine de bactéries. Sans perdre mon visage stoïque, je continuai en répondant à sa provocation d'une manière sèche.

"T'as l'air d'apprécier ton surnom, contrairement à moi. T'sais quand même qu'on peut pas faire bronzette ici ? Tu resteras blanche et moche comme deux fesses aplaties de geek. Concernant les butins, si tu me paies cinquante cols l'item, on peut s'arranger. Princesse."

Toujours parler business, ne jamais oublier ce sujet d'excellence ! En tout cas, le nouveau surnom attribué me convenait mieux que celui de chips. J'avais toujours adoré le mot "valet" et il constituait la meilleure carte dans un jeu de grand-mère dont j'avais oublié le nom. La belote non ? Pas sûre ; bref. J'aimais assez le concept de valet, enfin, plutôt l'interprétation personnelle que j'en avais. L'idée de servir quelqu'un pour toujours, seulement avec l'envie de le rendre heureux et de le protéger me plaisait... Même si ça m'arriverait sans aucun doute jamais. Est-ce qu'un jour je serais assez attachée à quelqu'un pour me dévouer corps et âme ? J'en doutais car pour l'instant, seul le fric m'avait motivée. D'ailleurs, j'imaginais très bien que les valets d'époque étaient payés pour ça et qu'ils devaient vivre dans des conditions merdiques, mais ma vision par rapport à ça avait sans doute été erronée dans le bon sens par des dessins animés. Tout ça pour dire que j'aimais les valets et que je trouvais la tonalité du mot douce, apaisante et cool. Ouais, j'allais loin pour de simples de lettres accolées.

"J'sais pas pour les monstres. Y a pas écrit "bestiaire" sur mon front. Tu veux rentrer remonter ta jauge abaissée par ta connerie de débile mentale faible et téméraire ?"

Ah. J'étais allée un peu loin dans l'insulte, elle était un poil trop longue. Si elle voulait vraiment fuir comme une lâche, je la ramènerais au village dynamique où elle me filerait ma récompense mystérieuse. Toujours fut-il que je lui avais beaucoup parlée pour une inconnue, ça me faisait bizarre. En même temps, c'était surtout des reproches qui étaient sortis de ma bouche alors... Ça comptait pas ? Peut-être que cet étage aux couleurs trop girly me rendait gentille et sociable ? Je soupirai en glissant mes mains dans mes poches après avoir calé mon marteau de sorte à ce qu'il se tînt bien droit. Princesse décidait, et son choix ne changerait pas grand chose à ma journée.

Wouah. J'avais fait rire quelqu'un en l'insultant, comment qu'j'étais badasse ! Enfin, elle devait sans aucun doute avoir un penchant masochiste, ça aidait et c'était tant mieux. Ça me rappelait ce superbe personnage trop craquant qui faisait des bruits tout mignons quand il arrivait à moins de dix pour cents de sa vie. Homer... J'avais fini par l'envoyer à la mort par accident, induite en erreur par mon désir d'entendre ses gémissements. Pourquooooi ?! Bref ! Pour revenir à l'autre : comment on appelait ça déjà ? Une fille... "entreprenante", c'était ça ? En tout cas, elle savait convaincre malgré ses paroles si directes. Car en repensant à mes dernières nuits, j'avais jamais dormi dans un hôtel : mes yeux d'avare me laissaient seulement entrevoir les auberges les moins chères du milieu dans lequel je me trouvais. Quant aux restaurants... J'y allais le moins souvent possible aussi. Oui. Malgré son insinuation assez dégueulasse, ses propositions étaient carrément tentantes ! Elle me payait ma journée de services et de présence, mon dîner, ma nuit et même mon autre jour de boulot : c'était pas génial ça ?! C'était tout bénéf' pour elle, mais je trouvais qu'elle y perdait carrément.

Est-ce que je devais trouver ça louche ? Hum... Mais c'était ça son cadeau surprise, si j'avais bien compris ? Elle avait quand même bien joué. D'abord mieux me connaître, me faire rire avec sa stupidité et enfin taper fort, là où le mot "argent" prenait tout son sens ! Elle... Me plaisait en fait. Elle devait être friquée aussi, ça jouait beaucoup, surtout avec moi. Bref, concernant ses quarante cols l'item, j'étais plutôt pour : comme pensé précédemment, elle perdait tout au change et je gagnais tout, ce serait dégueulasse de la faire payer un peu plus, surtout qu'il était sûr que quelques items ne figuraient pas à ce prix. En plus, j'adorais le douzième étage, il était vraiment génial, magnifique et agréable. Fallait me dépêcher de répondre en tout cas ! Avec un peu de malchance, elle allait revenir sur ses décisions, comme cette petite fille hyper chiante que j'avais dû supporter pas mal de fois. Mais alors que j'allais ouvrir rapidement la bouche pour lui dire d'une voix suave que j'acceptais son offre alléchante de lui permettre une nuit en ma compagnie, elle en rajouta une couche.

Je mis quand même deux minutes avant de me rappeler et de retrouver ma rage perdue. Le pseudo sorti m'avait d'abord rien dit, comme la description physique brève. Pis la raison de sa recherche me fit tilt, me renvoyant au visage tous les minuscules problèmes que j'avais eu avec des joueurs par le passé... Et le GRAND problème que j'avais eu avec cette bonasse grognasse de mes deux, cette saloperie de reine de la lâcheté, cette enflure de traîtresse insouciante et imbue d'elle-même de mon...

"On va s'la faire cette salopette toute pourrie."

Un regard déterminé et un rictus dégueulasse venaient de bouleverser mon visage et ma prise du marteau s'était serrée. Mais je me repris bien vite, regardant l'heure, me rendant compte qu'il était tout d'même hyper tôt... A peine onze heures quoi.

"Tu veux faire quoi en attendant demain ? On a le choix : soit on continue ici et je t'aide à pexer mais il nous faudra trouver des ennemis seuls. Soit on rentre, tu m'invites et on se fait un déjeuner en... Tête-à-tête..."

J'appuyai sur le dernier mot pour lui rappeler son insinuation précédente de façon subtile.

"... Et on peut même se faire le douzième étage et y rester pour la nuit pour rechercher l'autre grognasse demain. Soit on se sépare et on se retrouve ce soir. J'imagine que tu veux pas trop ça. Car je garderai tes sous jusque-là."

La proposition la plus cool niveau qualité était la seconde. La proposition la plus cool niveau prix était la troisième. Mais celle-ci était aussi la plus dangereuse : étant nulle en orientation, j'allais avoir du mal à la retrouver. Surtout que j'étais sûre que malgré mon reluquage, j'allais rapidement oublier ce visage...

Haha, Princesse était tellement sensuelle avec ses mots doux ! Et comme un homme en manque, je me fis pas prier. En tout cas, son surnom me faisait tellement penser à un prénom pour chien... Ah mais oui !- c'est le nom du clebs dans ce film d'horreur avec un crocodile qui me fait trop flipper !!! Il lui arrivait quoi au clébard déjà ? Il survivait, si je me souvenais bien, avec le beau-gosse et sa petite-copine trop wouahou. Bon ben... Fallait trouver deux crétins pour refaire la scène de fin. Soudainement motivée, je commençai à partir dans un sens lambda avant de m'arrêter d'un coup. Ça voulait dire que j'allais devoir rester des heures et des heures avec elle sans voir la clarté d'un col ?! Est-ce que le restaurant et la nuit dans un hôtel super cool avec lit à eau chauffant valaient le coup de s'asseoir sur onze moins vingt-quatre – treize fois cent – mille trois cent cols ?! Et est-ce que ma vengeance future suffisait à oublier les cols du lendemain ?! J'étais mitigée et désespérée, qu'est-ce que je devais faire, qu'est-ce que je devais dire ?! J'avais accepté avant de bien préciser les termes du contrat !

C'était à cause de cette bouffonne de grognasse de lâche de mes deux !! Elle m'avait fait agir de façon inconsciente et impulsive juste avec son souvenir, fallait la faire payer !!! J'étais remontée à bloc et prête à défoncer tout et n'importe quoi à ce moment précis. Si bien que j'entendis à peine la moitié la première phrase de ma collègue provisoire. La deuxième par contre, me fit tilt. Pourquoi Princesse parlait-elle comme ça ? Moi qui pensais qu'elle était un minimum éduquée, elle sortait finalement des gros mots facilement. Prenant un regard suspicieux, croisant les bras et m'approchant de la demoiselle, je remarquai qu'elle semblait soudainement perdue et déboussolée, regardant tout autour de nous pour chercher je ne savais quoi. Elle aussi avait un problème avec l'orientation ? Mon regard se fit encore plus méfiant. Finalement, elle reprit confiance en elle et m'indiqua la bonne direction. Je ne bougeai pas.

"Comment tu as eu les informations au sujet de... La fille qu'on doit trouver ?"

J'avais déjà oublié le nom de ma future victime quoi... En tout cas, Princesse avait dit que cette meuf devrait se trouver au douzième étage demain. Pourquoi parlait-elle de l'assassiner après le repas alors ? Et pis, "buter", le verbe n'était-il pas un peu fort ? Je la pensais vraiment plus raffinée. Est-ce qu'elle comptait vraiment aller loin dans la vengeance ? Ou se foutait-elle simplement de moi, m'amenant tranquillement dans un piège, étant de mèche avec cette salopette aux cheveux bleus ? En tout cas, elle me cachait quelque chose et je savais pas quoi. Je décidai tout de même de ne pas trop réveiller ses soupçons en commençant à marcher lentement, doucement, choisissant de parler sur mon ton de la conversation... Attendant sa réponse malgré mon envie d'aller exploser le fruit de l'arbre d'en face. Enfin, d'après ma proposition précédente, je devais retenir mes coups pour lui laisser les points d'expérience...