Plouc, plouc.
Plouc, plouc.

« Hmm… Hmmm… ? »

Ce bruit d’eau qui coule, je vais le… ! Un œil fermé, l’autre à demi ouvert, je contemplais cette pièce que je reconnaissais pas, ne pouvant m’aider que d’un mince filet de lumière pour me repérer. Où j’étais ? J’avais pas envie de le découvrir, je voulais encore dormir. Et qu’est-ce que j’aimais faire ça… Remettre mes épaules nues refroidies car sorties des draps chauds sous ces derniers, c’était presque l’extase pour moi… Mais je savais que j’allais pas réussir à me rendormir, malgré le fait que je fus encore à moitié dans les vapes. Qu’est-ce qu’il était chiant mon cerveau pour ça !! Ce fut lorsque je marchai que je repris conscience de ma situation, les trous de mémoire que me procuraient tous les matins les joies du sommeil ayant été détruits par l’oreiller qui avait failli me faire tomber au lever. Je regardai l’heure avant de soupirer d’un coup, presque surprise. Ça faisait des lustres que je m’étais levée aussi tard ! Heureusement, j’arrivais toujours rapidement à reprendre mon rythme, mais c’était quand même rageant !! Après tout, l’avenir appartenait à ceux qui se levaient tôt. Tout ça à cause de cette…!

Plouc, plouc.
… Et le bruit de l’eau que j’entendais couler, c’était bien, et encore, l’autre grognasse. Depuis combien de temps était-elle réveillée ? Elle avait pas dû beaucoup crier pour que je me réveille si tard… Et elle prenait encore un bain ?! Elle avait dormi dedans, ça lui avait pas suffi ? Elle se prenait pour qui pour monopoliser comme ça la baignoire hein ?! C’était à mon tour maintenant ! Si on avait été dans la réalité, je me serais réveillée puante dans une sueur équivalente à une semaine de travail physique !! Dans un brouhaha plus qu’incroyable par rapport à celui de cette nuit (elle dormait plus, pourquoi je ferais gaffe ?), je remis les meubles à leur place, délivrant la porte de la salle de bain sans grand effort. J’ouvris cette dernière en trombe, et sans utiliser mes mains, faisant descendre la poignée avec mes orteils droits avant d’y mettre un puissant coup de pied.

« Bon matin. Dégage. »

J'avais été polie une fois, je pouvais donc être malpolie une fois. Pff, avec ses grands yeux clairs et ses boobs tout aussi larges, elle me saoulait grave. Elle était tout le contraire de moi pourtant, moi qui haïssais ce qui me ressemblait ! Mais elle était hyper arrogante malgré son petit niveau !! Elle devait tellement apprécier la règle de l’égalité morale… Enfin, je devais arrêter de m’énerver de si bonne heure. J’étais pas encore totalement réveillée, mes yeux étaient encore dans le flou et mes lunettes absentes sur mon nez ne pouvaient pas le cacher. Même si j’arrivais jamais à me recoucher après avoir repris conscience, je n’étais complètement en vie qu’après m’être pris de l’eau dans la tronche. Toute nue, sans aucune pudeur, je pénétrai la baignoire pleine d’eau et de savon en poussant violemment la demoiselle avec mes pieds. Ma voix était toujours calme et mon regard totalement blasé.

« Tu l’a eu toute la nuit, à moi maintenant. »

J’avais la place du malchanceux, le robinet juste dans mon dos, et on était hyper serrées : elle allait pas tarder à se casser, sans aucun doute. L’eau trop chaude failli faire péter mes neurones pixelisés, exactement comme dans la vraie vie, me rendant inapte à parler tant le plaisir était intense. Ainsi rouge pivoine par ce dernier, je décidai de pas attendre sa sortie et laissai ma tête tomber d’un coup dans l’eau, les yeux fermés. Si seulement je pouvais rester comme ça toute une éternité… Mais j’allais devoir laisser refroidir puis sécher l’eau sur mon visage pour pouvoir me réveiller… Après dix secondes à ne penser à rien d’autre qu’au délice de n’être plus rien qu’une boule bouillante sans but, je redressai la tête et, gardant les paupières closes, je parlai froidement et le plus fort possible.

« Va falloir qu’on cause pour aujourd’hui. Où on va précisément, à quelle heure, que fait-on si on la retrouve pas et blabla. »

En vérité, j’avais pas du tout envie de bouger… Je voulais faire des énormes bulles de savon ou d’air et profiter de mon unique bain à fond… Mais faire ça, c'était un peu gamin, n'est-ce pas ?

Son sourire railleur à la vue de ma modeste poitrine n’avait pas échappé à mon attention. Ah, elle se la pétait la grognasse, avec son ventre plat et ses deux melons ? On verra bien dans quarante ans, si tu continues à t’foutre de ma gueule. Au concours des seins les plus proches du sol, elle serait la gagnante, et je serais la meuf au sourire moqueur. En tout cas, elle me semblait de plus en plus inutile : elle savait que dalle sur le lieu où se trouvait le Symbole Féminin de la Lâcheté en vrai ! Un étage, ok, mais j’étais la mieux placée pour savoir qu’on pouvait changer ses plans d’une minute à l’autre. Il m’arrivait souvent de piocher au hasard le palier du jour alors que j’avais prévu la semaine d’avant d’aller visiter un lieu précis ! Après tout, y avait qu’les imbéciles qui changeaient d’avis… Mais en même temps, la meuf dont je voulais me venger ne semblait pas être une lumière…

Je ne pus même pas engueuler celle que j’avais devant moi, elle s’était trop vite réfugiée sous l’eau tiède. J’avais tellement envie qu’elle se barre en vérité. Je voulais m’étaler de tout mon long dans cette baignoire plus longue que moi.

« Dis-moi, cette Sijeune tu as l'air de vouloir la retrouver toi aussi, je la cherche pour trahison et vol, mais toi qu’en est-il ? »

Oh ? Elle voulait en apprendre plus sur moi ? Bizarre… En tout cas, je pensais avoir déjà répondu sans le vouloir à cette question. Mais comme pas mal de trucs, j’avais dû l’omettre. Il se passait tellement de choses dans ma tête… J’avais toujours l’impression que tout le monde pouvait savoir ce qui s’y tramait. Il n’empêchait que c’était étrange qu’elle parle ainsi de sa frangine. Jamais je n’aurais dit « cette Daichi » en mentionnant ma petite sœur… J’avais toujours quelques soupçons, j’avais toujours l’impression qu’elle me cachait quelque chose. Mais ça pouvait être tellement n’importe quoi que je savais pas du tout sur quoi me poser.

« Disons qu’elle s’est servie de moi et m’a abandonnée à un moment assez critique et dangereux de ma vie. J’aimerais lui faire subir des expériences de conditionnement Pavlovien pour lui apprendre à être meilleure. C’est quand même dommage qu’on soit dans un monde sans douleur… »

Voilà, c’était assez vague pour ne pas me foutre la honte. Si je commençais à mentionner ma phobie intense des vers, j’allais finir… En train de dégueuler dans la baignoire. Même si, en vérité, c’était pas possible. J’avais quand même eu plein de haut-le-cœur et, bien que non douloureux, c’était pas agréable du tout. Les actions de la demoiselle me réveillèrent et je faillis bondir pour lui mordre, jusqu’à les arracher, ses salopiauds de tétons gonflés. Au lieu de cette violence, je soupirai et décidai de prendre une douche rapide : la vengeance primait sur le bon bain, pas vrai ?

« Au moins, j'ai pas de vergetures, moi. »

Lui lançai-je juste avant qu’elle ne referme la porte. Avoir des gros seins c’était bien, les avoir beaux, c’était mieux. Et les miens étaient beaux !!! Je restai à peine deux minutes à me savonner avant de m’équiper comme si je partais à la guerre… Non sans avoir détaillé du regard mon corps nu. J’étais belle quand même, même si j’avais un corps d’adolescente, hein, hein ? Au moins, j’aurai l’air d’avoir dix ans de moins quand elle aura l’air d’en avoir sept de plus. Mais pourquoi ça me perturbait comme ça hein ?! Je sortis de la salle de bain en secouant ma tête aux cheveux humides pour oublier tout ça, prête à quitter les lieux, manger rapidement et me battre au douzième étage.

Arrivée dans le pallier douze, je fus aux anges. J’adorais tellement cette ambiance, c’était si reposant et génial !... Mais c’était pas pétée par la sérénité que je devais être ce jour-ci en fait !! En me mettant à respirer rapidement, je repris ma combativité et retrouvai ma haine ainsi que mon marteau que je tournai entre mes doigts, menaçante. Où qu’elle était la grognasse, que j’allais la buter cette salopette hêh ?! Mais avant que j’aie pu lancer mon cri de guerre, mon ventre se permit de rugir avant moi en me laissant me plier en deux face à son boucan.

« Si je mange pas… »

Je laissai ma phrase en suspens en regardant de travers mon interlocutrice. Déjà qu’elle me menait partout partout, j’savais pas du tout où on était, en plus elle s’occupait même pas de mon bien-être ?! Je puais (tout était dans ma tête, certes), j’étais affamée et cette grognasse se contentait de regarder autour d’elle avec autant de dégoût que de satisfaction dans les yeux ?! Ce devait être la première fois qu’elle venait ici cela dit… Fallait qu’elle goûte ce truc dégueulasse que j’avais déniché ! Sans lui laisser le temps de dire quelque chose, je lui empruntai le poignet et la fis entrer dans un petit café juste à côté de la porte de sortie de la ville.

L’intérieur était aussi bleu que l’extérieur, si bien qu’on se demandait vraiment dans quelle partie on était. Là, je lui fis déguster le canelé à salive bleue de serpent propre à la ville, en lui assurant qu’il était à tester et en l’invitant pour qu’elle ait deux raisons de l’avaler. Puis je mangeai rapidement un mille-feuilles vert et jaune caca hyper sucré. Dans mes souvenirs, son gâteau avait un goût de fleur d’oranger mélangée à des patates trop cuites, le tout légèrement huileux. J’avais pour le coup, totalement détesté !! Comment pouvait-on faire un semi-gâteau comme ça ?! C’était une insulte envers tous les pâtissiers du monde !!

Il n’empêchait que nous n’avions pas le temps, je ne pus donc pas faire attention à sa tronche et à ses impressions sur le goût de ce machin tout mou, jugé horrible par ma personne. En récupérant cette fois un pan de sa veste, je l’obligeai à sortir de la ville sans toutefois oublier de marquer un temps d’arrêt… Pour me demander quelle direction prendre à la sortie du café. J’étais toujours aussi douée en orientation… ! Une fois sorties, je la lâchai et lui répétai, menaçante, sans cesser de trotter.

« Tu fais ce que je te dis de faire, pas de YOLO. On arrête pas de marcher et on fait gaffe où on marche. Dans mes souvenirs, y a des poissons qui attaquent pas tant qu’on s’approche pas de l’eau ; des taupes donc des trous ; et des serpents difficiles à r’marquer. »

Je fis une pause pour la regarder dans les yeux, la tête haute, le dos droit et les sourcils froncés.

« Tu passes devant. Je me rappelle plus du tout du visage de ta sœur alors… »

Pff, ça me faisait chier de l’admettre aussi clairement. Mais en vérité, c’était surtout pour savoir si elle allait envoyer des messages et bien obéir à mes ordres… Et aussi pour ne pas la mettre dans la mouise. Je la voyais tellement, naïve et débile qu’elle était, admirer comme une excitée de la vie un des nombreux groupes de fleurs bleues et tomber dans un trou. C’est pas ce qui t’est arrivé la dernière fois ça… ? Ah la ferme !

La traque du Symbole de la Lâcheté pouvait commencer !! MAIS...!! Mais attends, c'est pas elle là ?! J'attrapai ma coéquipière et nous allongeai sur le sol, laissant les fleurs nous dissimuler.

Quand elle m’eut dit que c’était la bonne personne, j’écarquillai les yeux avant de me reprendre en dévisageant la demoiselle. Elle mentait. C’était bien trop facile. Comment pouvait-on la trouver comme ça, d’un coup, juste en sortant de la ville ? Soit j’avais épuisé ma chance pour les huit ans à venir, soit elle se foutait de ma tronche depuis le début… Et je préférais vraiment la deuxième solution… Cela dit, c’était étrange qu’elle ne soit pas allée voir la joueuse ennemie directement, c’était sa sœur après tout. Elles semblaient hyper proches en plus. Quoique… Si ça avait été la mienne, j’aurais sans doute pas couru pour la prendre dans mes bras, lui faire des papouilles et lui dire qu’elle m’avait manquée et qu’on était à présent réunies pour arpenter le bon chemin ensemble. Non, je l’aurais engueulée et frappée pour qu’elle utilise pas un cristal de téléportation afin de me fuir.

Hum… En tout cas, cette meuf avait un curseur plus vert que mes lunettes et des seins plus gros que mes fesses. Avec cette dernière caractéristique, je pouvais qu’avoir le préjugé que c’était la bonne personne. La bonne personne qui, après avoir fait trois minutes de surplace, sans doute pour zieuter son inventaire, avait décidé de s’éloigner un peu plus de la safe zone. Il fallait la suivre ! En me retournant encore vers ma coéquipière du moment, je lui fis signe d’attendre un peu avant de murmurer.

« Bon, si t’es sûre que c’est bien elle, on va la suivre. On regardera si elle est bien seule puis on la… Cuisinera ? En tout cas, je compte bien la voler. Tu pourras en faire ce que tu veux après, la rendre gentille et niaise ou autre. »

Un coup d’œil et je me rendis compte que la cible était un peu trop loin de nous. Il fallait la rattraper… Mais en me retournant vers ma partenaire, je me rendis compte que quelque chose n’allait pas. La terre autour de nous commençait à craquer et…

« BOUGE ! »

Trop tard. Même si je l’avais poussée, elle n’avait pu que se prendre la terre en pleine face, le gros trou formé par les quatre Taupes nous ayant déjà avalées. Purée, dire que j’avais repensé à ces sales bêtes juste avant de sortir de la ville, quelles salopettes de mes deux ! Je me maudis d’avoir trop longtemps patienter au même endroit pour pas grand-chose, dégoûtée de m’être faite de nouveau avoir par ces monstres, comme une… Bleue (avoue qu’elle est bonne cette blague xD !).

En maltraitant encore ma partenaire, je l’obligeai à passer derrière moi et commençai le combat, marteau sorti. Sans pitié, je fis mon premier tour sur moi-même, bras tendu, pour écarter les bêtes nombreuses de ma protégée. J’en détruisis une d’un coup circulaire avant de me retourner pour en frapper une autre dans la truffe, sans manquer de rougir au passage. Heureusement, leurs attaques ne me faisaient rien et j’avais attiré toute leur attention. Ma nouvelle grosse paire de seins peut-être amie allait pouvoir les achever et récolter beaucoup de points d’expérience !

« SWITCH ! »

Allez ma grosse, bouge-moi toutes ces boules de lipides là ! Sans laisser le temps aux monstres bleus de reprendre leurs esprits, je frappai et frappai, et encaissai leurs coups en laissant à chaque fois une place pour la demoiselle, la laissant répliquer. Nous aurions bientôt terminé ici… En espérant que notre cible ne se soit pas évaporée…

Comme prévu, elle les avait tous éliminés sans perde un point de vie, mon corps visé et dur étant pris en chasse par ses assaillants.

« Il faut se dépêcher et la rattra… »

Un pied et une main sur le mur de terre formé par les Taupes, j’avais murmuré avant de jeter un coup d’œil à ma partenaire. Alors que je m’apprêtais à sauter, je dus cesser tout mouvement pour contempler l’écoulement de ses larmes salées. On ne pouvait mentir sur ses émotions ici. Alors… pourquoi qu’elle chialait celle-là ?

« J'ai des trucs à te dire... Beaucoup de trucs. »

… Sans blague ? Avec un soupir, je reposai mon pied sur le sol et croisai les bras en changeant mon regard surpris en regard blasé. Bon, qu’est-ce qu’elle allait dire, qu’est-ce qu’elle était alors ? Une meuf faible que des PK avait fait chanter pour amener une pauvre jeune fille dans leurs griffes ? Une mythomane qui en avait conscience ? La personne même qui m’avait laissée en proie à des vers dégoûtants ? Non, non, elle veut te dire ce qu’elle n’est pas. Quelle chiasse, elle allait tourner autour du pot… Comment faire pour abréger ? Car oui, j’étais déjà au courant de plein de choses sur elle : mon cerveau imaginatif et prémonitoire m’avait tout dit ! Elle n’était pas belle à l’intérieur ? Je le savais. Ses seins étaient faux ? Je le savais. Elle n’était pas une fille mais un garçon à la naissance ? Je le savais. Elle n’était pas riche ? J’avais déjà vérifié. Mais j’étais au summum de la curiosité, si bien que j’avais la bouche ouverte et que toute mon attention était prise par l’hésitation de la demoiselle. Alors, alors, alors, tu n’es pas quoi, tu n’es pas quoi ?!

« Je ne suis pas… Une princesse... »

…
…
…
Je me répétais mais : sans blague ? Comme dans un manga ou un animé, je m’étais prise une grosse claque imaginaire dans la tronche qui avait failli me faire basculer en avant. Purée, je savais qu’elle allait tourner autour du pot ! Mais alors que j’étais prête à lui enfoncer mon poing dans son sale bide tout plat de pétasse, elle me stoppa dans mon élan à deux petits pas d’elle. Je l’écoutai avec sérieux sans broncher, mon cerveau analysant ses phrases à toute vitesse. Le pseudo qu’elle m’avait balancé me disait rien du tout – ce qui était totalement normal dans mon cas – et je commençai à me faire plein de films concernant la personne qui l’avait choisi. Alors comme ça elle avait perdu sa pote et la cherchait désespérément. J’imaginais qu’elle avait déjà vérifié si elle était vivante sur la pierre du premier étage et que son investigation l’avait menée à une guilde de PK. Mais…

« Ton histoire ne tient pas. »

Je regardai et analysai sa réaction avant de reprendre.

« Qui est la voleuse que nous cherchons, dans ton baratin ? J’imagine que tu m’as menti et que ce n’est pas celle que nous venons de voir. Tu savais mes intentions à son propos et tu as bien voulu me laisser la frapper tout à l’heure ? En sachant tout ceci, la personne qui se rapproche des PK ici, ce n’est pas toi ? Qu’est-ce que tu comptais gagner dans cet acte gratuit ? »

Avec mon ton froid, je continuai en gardant mon regard blasé.

« Ensuite, pourquoi ne pas m’avoir expliqué tout de suite ton problème ? Tu as bien vu que mon curseur n’était pas orange. De plus, il y a une guilde de mercenaires faite pour te protéger à cet étage et contre les PK, tu n’as pas besoin de moi. »

En levant mon arme dans sa direction, je fronçai les sourcils pour lui dévoiler mon visage sérieusement énervé. Marre de ces conneries.

« Je vais te dire ce que je pense. Soit ce monde t’a rendue folle et te fait perdre le fil de tes histoires de mythomane. Soit tu es une PK qui s’est perdue dans tous ses mensonges. Dans les deux cas, je vais contribuer à ton internement… Sauf si tu me paies. »

Mais avant qu'elle ne put me donner sa réponse, je me pris une queue en plein dans la bouche... et perdis ainsi toute ma crédibilité.

« Sale petit bâtard de mes deux, enflure de serpent de...!»

En criant très fort gare, je passai mes nerfs gonflés à bloc sur un des trois reptiles et me tapai l'agro.

Énervée, j’avais défoncé très rapidement les trois serpents… Enfin… « Très rapidement ». Après avoir contemplé mon regard plus que meurtrier, ces sales mobs de mes deux avaient pris peur et j’avais dû les courser mille ans avant de me satisfaire à moitié de leur cadavre pixelisé. Avec mon marteau dans une main qui n’arrêtait pas de frapper la terre et parfois une langue ou une queue, je n’avais cessé de faire succinctement des pirouettes pour les détruire. Ces salopiauds avaient pas arrêté de bouger dans tous les sens, leur corps trop fin jouant en leur survie. Mais même si l’autre m’avait aidée, se laissant claquer à ma place une fois, elle n’avait pas empêché le problème… Ma jauge était jaune ! Elle était jaune !! Purée, contre les Taupes, tout s’était bien passé et là ! J’étais choquée, choquée et totalement remontée. Dire que j’étais en danger à cause de cette grognasse de menteuse de mes deux !!! Elle pouvait bien crever !

« Dis-moi la guilde dont tu parles, tu peux m'en dire plus, ils pourraient m’être utiles... Pour nous, on continue la visite du palier ? Faisons simplement ça et on verra sur qui ou quoi nous pourrons tomber… »

…
…
…
Je jetai mon marteau dans ma main gauche, tapai un sprint et faillis lui décocher un crochet du droit en plein dans son sein gauche. Elle voyait pas que j’étais VRAIMENT énervée là ?! Tout ce que j’avais fait avait servi à rien : j’aurais pas ma revanche sur la lâche aux cheveux bleus et en plus, je m’étais fait prendre pour une bourrique par une salopette à deux gros puddings ! Folle, je remis mon arme dans ma paume dominante, la serrai avec mes doigts tremblant de fureur et frappai de plein fouet la terre pour faire s’effondrer le trou dans lequel les Taupes nous avaient laissées tomber. Après deux minutes de purs efforts, la fatigue mentale l’emporta et je laissai retomber mon bras dangereux, essoufflée, avant de tourner en rond dans la prison que je venais de démolir.

« Genre, tu connais pas la grande guilde de mercenaires appelée les Lames d’Argent ?! T’es sûre que tu veux rester en vie ici ? En un serpent, t’es bientôt crevée ! Bordel, comment tu m’énerves ! Je m’en branle de tes histoires en vérité, je m’en fous complètement de ta Baïla, de ce que tu es vraiment, de ce que tu veux, de ce que tu fais. Tout ce que je veux, c’est ton fric. Je comprends vraiment pas pourquoi tu t’es embarquée dans des mensonges inutiles : JE TE DEMANDE RIEN MOI, je t’ai jamais rien demandé moi ! Balec’ de ce que tu es ou de ce que tu souhaites, tant que tu me paies pour m’utiliser ! Sérieux, tu m'as pris pour qui ?! »

J’étais à bout. Je repensais à notre soirée et me disais qu’elle pouvait pas être une méchante personne. Elle devait juste être une idiote victime de la solitude qui savait pas encore bien se débrouiller toute seule. Elle devait pas savoir quelles informations personnelles elle pouvait donner pour avoir de l'aide et avait dû croiser plusieurs fois des PK pour se méfier de tout. Mais… Encore une fois, je m’en fichais !!! Ses problèmes étaient les siens, je lui avais déjà piqué son argent et j’avais pu gagner une bonne arme en prime. Oui. C’était ça. Elle me devait rien et je lui devais plus rien. Je m’étais assez socialisée pour deux mois rien qu’avec ces deux jours en sa présence. Je l’avais aidée à augmenter rapidement son niveau, je l’avais aidée à monter sa compétence Analyse. Et je lui avais fait visiter les quelques mètres à côté de la ville principale du douzième étage. Je pouvais pas faire mieux là ! M’arrêtant dans mes cent pas, je sautai d’un coup, utilisant Acrobatie à fond pour sentir l’air bouger mes cheveux au point que ceux-ci me fouettèrent le visage, les yeux fermés. Je réitérai l’opération deux fois avant de m’en aller.

« Va les trouver, ils ont un bon réseau d’informations d’après ce que j’ai compris. »

Je lui lançai en épeulant bien le nom de la guilde avant de me caler juste avant la sortie de la Safe Zone pour Méditer, les paupières de nouveau closes afin de me concentrer totalement sur l’augmentation lente de mes points de vie. Prudence m’avait vraiment saoulée, mais ce n’était rien à côté de cette grognasse de mes deux. J’étais pas douée pour retrouver des gens. Premièrement, parce que j’étais pas du genre à aller vers les autres. Deuxièmement, parce que j’étais nulle pour retenir les noms et les visages. Et troisièmement, parce que j’étais un bourrin. Elle l’avait compris ça, nan ?! Mais bon… Si elle me payait… Depuis quand t’aimes gagner des sous à rien faire ? C’était pas faux. J’étais une personne trop réaliste et honnête, j'aimais pas faire mal les choses ou les laisser finies à moitié... Franchement !

Concentrée, je tentais de me détendre en regardant la jauge de vie en face de mes yeux fermés, réussissant à sentir dans tous mon corps l’utilisation de la compétence. C’était sans doute un problème mental, mais j’avais toujours l’impression de faire grimper ma température quand je Méditais. Je ressentais alors une sensation agréable m’envahir entièrement, depuis mes orteils à mes oreilles, en passant par le bout de mon nez et mon nombril. C’était assez étrange, de prendre conscience de l’existence physique de son nombril. Dire que dans la réalité, je faisais pas attention à ça du tout… Je prenais conscience de mon corps que quand je me levais après des heures et des heures passées assise, à réviser ou à jouer. Alors, la douleur du bas de mon dos et de mes fesses aplaties me rappelait que j’étais en vie, et que je n’étais pas qu’une âme destinée seulement à réfléchir, à penser, à rêver. Je me demandai si j’aurais pu admettre ça si j’avais pas été embarquée dans…

« Salut ma jolie, ça te dirait de vivre avec moi jusqu'à ce qu'on sorte d'ici, t'es bo***. »

Un œil ouvert à moitié à cause de mon sourcil froncé, je pus voir que l’horreur qui venait de s’exprimer venait bien de s’adresser à ma modeste personne. En soupirant lentement, calmée par toutes mes pensées philosophiques, je m’étirai tranquillement avant de voir une furie aux cheveux blancs mettre une énorme baffe à mon interlocuteur… Et s’enfuir tout aussi rapidement, laissant le mec au gros nez écrasé totalement abasourdi. Celui-ci se tourna vers moi avant de me demander des explications puis de réitérer sa demande.

« Je n’ai pas compris non plus. Mais, cette fille s’appelle… »

J’ouvris ma liste d’amis pour lui épeler le pseudo que je lui conseillai de noter. Trois personnes s’approchèrent alors de nous et je les cataloguai comme potes ou frères de l’idiot d’en face. Ils avaient le même style et étaient tous plus laids les uns que les autres. Je décidai de leur faire un speech après avoir accepté les objets qu’une fenêtre, qui venait de poper devant moi, m’offrait. Le même nom que j’avais prononcé y était encré. Bah. Ce sont les sous qui m’achètent. Pas la bouffe. Et un misérable col, ce n’était pas DES sous.

« Cette fille, elle est assez possessive et « vilaine », si vous voyez ce que je veux dire. Elle vous a dit être homosexuelle mais je pense qu’elle vous trouve juste moches. Elle pète plus haut que son cul. A votre place, j’irais lui donner une petite leçon. Elle vous a giflé après tout. Je retourne à ma Méditation, je vous prierais de ne pas me déranger. »

Claire, modeste, nette, précise et calme, je venais de charmer les quatre idiots qui crièrent d’un coup… avant de murmurer et de repartir sur la pointe des pieds après avoir vu un de mes yeux, plein de reproches, les fixer. Ils allaient s’en occuper de cette menteuse aux cheveux de grand-mère ! Je repris mon occupation, paupières closes, dos droit, assise en tailleur.

Toujours calme et concentrée, je restai scotchée sur l’élévation de mes pv. J’étais assez dégoûtée d’avoir à moitié perdu mon temps. Et je m’en voulais un petit peu maintenant. Même si je pouvais pas me venger aujourd’hui, j’avais quand même gagné énormément de blé grâce à cette idiote. Et j’avais aussi remporté son nom. Je pouvais savoir où elle était quand elle le voulait, lui envoyer des messages et même chercher des informations sur elle en faisant tourner son nom. Sans compter que je l’avais un peu entraînée et qu’elle était devenue bonne. A cause de toi, elle sera bientôt bonne dans les deux sens. Il n’empêchait que ses stats étaient toujours un peu pourries.

Ce fut quand la foule se fit plus large et bruyante que j’ouvris un œil. Alors comme ça la dispute débile et gratuite s’était changée en règlement de compte loyal ? Bizarre. Moi qui la voyais prise contre un mur, deux mecs lui gardant ses mains pour laisser le troisième lui refaire le portrait et le quatrième observer le spectacle. Mais ça sert à rien ici… Grave, le troisième devrait plutôt lui piquer ses biens. Je me levai et m’approchai pour remarquer, entre quelques jambes, que la demoiselle s’en sortait bien. L’observant, je fus bizarrement emplie de fierté quand elle contra l’attaque tournante de son ennemi, remportant la victoire. Sous les acclamations de la foule, je m’en allai avec un sourire avant qu’elle ne se disperse.