Pff, comment ça j’étais trop lente ?! Mais je l’étais pas du tout !! Un boss par jour, c’était bien, c’était un bon rythme ! Qu’est-ce qu’il avait l’autre à me saouler ?! Surtout qu’il fallait que je trouve les donneurs de quête avant de pouvoir les buter ces sales monstres de malheur ! Une journée entière, c’était su-per !!! Revoyant sa tête de grognasse arrogante, je jurai et crachai par terre avant de reprendre ma route. Ayant la carte complète de l’étage et ses informations sur le tunnel où attendait le bûcheron qui me donnerait ma mission, je savais précisément où aller… Mais, bien entendu, ça faisait déjà une heure que je me promenais dans le labyrinthe en me demandant à qui j’allais bien pouvoir demander des cours d’orientation. Même avec tous les moyens à ma disposition, j’arrivais toujours pas à me diriger de façon efficace…

C’était peut-être à cause de mon impatience et de mon empressement cela dit. A cause de ses mots énervants, j’avais décidé de revenir le plus tôt possible pour pouvoir le narguer et j’avais pas arrêté d’utiliser Sprint et Acrobatie pour fuir les monstres sur le chemin vers les plaines enneigées et pour aller plus vite. Enfin, après une nouvelle demi-heure de course, c’était bon : j’avais trouvé ce que je cherchais ! Le point qu’il m’avait indiqué et ma flèche bleue correspondaient !! En souriant, j’arrivai jusqu’au donneur de quête. Problème : une personne attendait déjà devant lui… Et j’avais continué à Sprinter par habitude. Après une heure et demi à l’utiliser aussi… ! Je me pris le flanc droit du grand mec aux cheveux noirs en plein dans la mâchoire.

En tout cas, il devait pas être bien fort parce qu’on partit tous les deux manger de la neige un peu plus loin. Le choc avait été si violent que j’avais failli en perdre mon marteau – même quand je comptais cavaler plus vite, je le gardais avec moi : on sait jamais ce qui peut arriver, un piège est si vite enclenché… ! Le PNJ dut se demander ce qu’il s’était passé mais personnellement, je me repris bien vite. Car en effet, c’était le plus vite possible que je devais mener à bien cette quête ! Rapidement relevée, chancelant quand même au début, je balançai gratuitement du pied un peu de neige sur le joueur musclé qu’en apparence, avant de taper la causette avec le PNJ.

« Magne-toi de finir ton blabla que j’accepte ta quête, salopette. »

Murmurai-je de façon à ce que le bûcheron n’entende pas.  

Alors que le PNJ était sur le point de finir enfin sa tirade, d’autres mots s’élevèrent dans mon dos, mais je n’y prêtai pas vraiment attention. Je pouvais même pas dire s’ils étaient prononcés sur un ton cassant ou désolant, d’autant que je m’en fichais totalement : j’avais un but bien précis à atteindre le plus rapidement possible moi !! L’annonce apparue enfin devant mes yeux et je n’eus qu’à taper sur le rond bleu pour accepter la quête et faire volte-face. Déjà en position pour Sprinter à nouveau, j’allais m’en aller en le snobant à nouveau avant que mon regard ne tombe sur son bras bizarre et que mes oreilles captent le début de sa dernière phrase. Destin me propose une arme et un bouclier humain, alors ? Depuis que j’avais passé ces journées horribles et interminables seules et que j’avais rencontré les Autres, ma vie était devenue un jeu de drague. Je prenais Destin pour le concepteur de ce jeu et je voyais tout ce qu’il m’apportait dans le scénario comme des propositions à choix multiples, propositions que je pouvais voir dans ma tête.  


Je lui fis un immense sourire sadique avant de Sprinter jusqu’à lui, de le prendre par le col avec ma main non armée et de Sprinter à nouveau jusqu’au donjon. Je venais d’emporter le joueur aux bras inégaux dans ma course. Heureusement pour moi, le labyrinthe abritant la salle du boss n’était pas loin : pas de risque de me perdre, c’était tout droit ! Néanmoins consciente des dangers que l’acceptation de la quête avait provoqués, j’avais gardé la tête levée et je réussis à esquiver les chutes de neige grâce à Acrobatie. Le mec que j’avais emprunté devait subir bien des secousses à cause de ça, mais lorsque j’eus la gentillesse d’y penser, nous étions déjà entrés dans la forteresse et je le laissai libre. Malgré mon arrogance et ma confiance en moi, rien que le fait de me la péter ainsi m’avait fatiguée et j’étais déjà essoufflée. Mais je savais très bien ce qui allait se passer si je restais là à rien faire.

« Allez, on y go. On est là pour la même raison après tout. On va pas tourner autour du pot, appelle-moi Toi, je t’appellerai Toi. Quelle est ta classe et quelles sont tes compétences utiles dans notre situation ? »

J’étais restée derrière lui, lui faisant signe de passer devant bien que l’endroit fût immense. Le plafond de glace était détruit par endroits, ce qui nous laissait voir le ciel et être de potentielles victimes des chutes de neige. Sans compter les monstres qui n’allaient pas tarder, ça en faisait déjà beaucoup. En attendant que Monsieur bouge ses fesses, je courais et gigotais sur place, redoutant le pire. Le pire, dans mon cas, c’était le froid. Je DÉTESTAIS le froid. Je le haïssais de toute mon âme car il me faisait souffrir dans la réalité. Et ici, il me ralentissait. Cependant, j’aimais bien la neige. Elle ressemblait à de la chantilly… Mais ma haine revenait quand je la touchais. Mon nez devait déjà être aussi rouge que mes joues et mes oreilles. C’était le pire ça, les oreilles. Bref, je voulais vraiment en finir avec ce boss donc fallait vraiment que l’autre se magne !!! On irait plus vite à deux.

… Wouah. J’avais jamais croisé un mec aussi réactif et… Et… Et soumis, oui, c’était bien le terme. Toujours en train de courir sur place, je l’avais écouté attentivement jusqu’au bout, la bouche entrouverte par une surprise bien visible sur mon visage. Moi qui m’attendais plus à un « tu te prends pour qui, grognasse ? », j’avais été remise à ma place ! Dire que j’avais préparé dans ma tête une réplique cinglante pour rien…

Il se rendait compte quand même, que si j’avais été de mèche avec des PK, il aurait été dans le pétrin ? Mais… C’est bien le cas en plus ! Oui, bon, j’hébergeais des joueurs au curseur orange maintenant et d’ailleurs, l’un d’eux était un salopiaud d’mes deux qui m’avait humiliée à propos de mon avancement au niveau des boss du jeu. C’était à cause de lui que j’étais si pressée. Je voulais lui montrer que j’étais la meilleure, que j’étais bien organisée et que je savais parfaitement me débrouiller, seule, en duo et en groupe ! Sans doute un peu à cause de ces deux derniers points que j’avais accepté le joueur aux yeux bleus et au bras étrange.

Mais alors que j’étais toujours aussi étonnée par sa réaction, le garçon me surprit de nouveau. S’emparant d’une pierre tombée miraculeusement ici, il l’envoya détruire le plafond, saupoudrant de neige les lycaons qui venaient de s’annoncer par leur hurlement. Bien que je comprisse totalement l’action et le désir du joueur, je ne pus m’empêcher de Sprinter vers les cinq bêtes confuses et de les agresser. Le Marteau défonça la patte arrière du plus réactif, réduisant en poussière la truffe du second au passage puis, d’une attaque circulaire, il emporta dans les airs les trois dernières bêtes dont deux se transformèrent en une pluie de pixels. La dernière du groupe atterrit juste à côté de mon partenaire du jour et je n’eus qu’à sauter en m’aidant d’Acrobatie pour la retrouver. Mon arme tapa son estomac en même temps que mes pieds touchèrent le sol, et le joueur put profiter autant de sa mort que de mon sourire sadique.

« Je déteste tellement ces mobs que je peux pas m’empêcher de les tuer. Ça me met de bonne humeur. Bref, allons-y, Toi. Ta capacité d'adaptation est étonnante ! »

Un peu plus et j’allais oublier ma colère par rapport au mec qui m’avait défiée. J’avais toujours l’impression d’avoir une mission importante quand je voyais un lycaon, quel qu’en était le type. Ces bêtes étaient tellement laides, tellement dégueulasses, tellement… Bossues, il fallait vraiment que je débarrasse le monde de ces monstruosités ! Le jeu de Kayaba ne serait parfait que lorsqu’elles auraient toutes disparu ! Tout en sautillant pour lutter contre le froid, je tentai de retrouver un rythme de respiration normale. Froid, colère, joie et efforts physiques ne m’y aidaient pas du tout. J’aurais peut-être dû mieux me préparer au final. Je sentais déjà la morve dégouliner de mon nez écarlate.

« Toi aussi tu hais le froid alors ? On se les pèle… Mais bon, je suppose que quand on aura tué le Yéti, ça ira mieux. »

On arriva à un tournant où le plafond semblait plus dur que précédemment, rendant l’antre du tuyau qu’il formait plus sombre que là où on était.

« Tu t’es déjà fait un boss en fait ? »

Mais j’aurais pas dû parler. Des petites bruits de chauve-souris ne tardèrent pas à se faire entendre.

AH ! J’avais failli me laisser prendre ! Un peu plus et j’allais continuer à crever de froid pour blablater avec Toi ! En tout cas, il avait l’air sûr de lui… Mais il ne devrait pas, en fait !! Curieuse, j’avais utilisé Analyse sur le joueur et il en était ressorti un niveau dix vert. La couleur verte voulait dire que c’était l’approximation la plus précise. Donc… Il devait être très proche de ce niveau. Ce qui signifiait qu’il était assez vulnérable ici. Lorsque j’avais failli mourir à cause des Mygales du dixième, j’étais au niveau quinze après tout ! Et les Mygales, c’était pas le boss ! Ce mec était hyper imprudent !!! … Mais là se posait une question. Est-ce que j’avais le temps pour lui soutirer de l’argent, justifiant ce don de sa part en le définissant comme une paie pour la protection et l’aide que j’allais lui procurer ?! J’en avais très envie mais le temps me manquait !! Les Chauve-souris étaient déjà là et je voyais déjà, dans ma tête, la barre de vie du joueur partir dans l’orange en quelques coups. En soupirant, j’utilisai Sprint pour le dépasser de loin, délaissant Acrobatie pour éviter de louper mon saut en me prenant le plafond de glace !

« Laisse-moi prendre l’agro, le Poli Fou. »

Malheureusement, il faisait assez sombre et, les Chauve-souris l’étant aussi, j’avais du mal à la voir. Si elles n’avaient pas eu de barre de vie verte et n’avaient pas été bruyantes, je les aurais totalement loupées. Mais ces grognasses étaient pas que minuscules, c’était ça le pire : elles… Volaient. Petite comme j’étais, je haïssais de tout mon être les monstres volants ! Mais, même si je pouvais pas tous bien les toucher et les détruire tous d’un coup, je pouvais toujours garder leur attention ! Je fis tourner le marteau dans tous les sens, voyant peu de pixels bleus apparaître grâce à la chance, en gardant dans mon champ de vision le Poli Fou afin de ne pas l’attaquer par mégarde. J’avais décidé de lui donner ce surnom car sa façon formelle de parler m’avait saoulée et surtout, parce que je le trouvais vraiment dingue d’avoir eu l’idée de se faire le boss de l’étage tout seul.

Une certaine personne l’a peut-être obligé à l’accompagner avant qu’il ait pu s’y préparer ! … Ha. Ha. En effet, je l’avais peut-être légèrement pressé… Enfin, totalement même. En même temps, j’étais dans l’empressement moi ! Et je pensais pas qu’il était aussi faible aussi ! Avec un bras et une taille comme ça, personne aurait pu penser qu’il était un petit lapinou fragile !!

« Je vais essayer de te les laisser presque mortes ! Avec ton petit niveau, j’ai peur que tu crèves avant d’arriver dans la salle de boss ! T’as des potions au moins ? Humph ! »

En poussant des petits bruits de fille énervée qui sautait pour choper les mobs, j’agitais encore le marteau dans les airs, réussissant à toucher une aile, un bidon, une oreille et à frôler une griffe. Quelques-unes de ce beau monde moururent sur le coup. J’arrivais pas à les frapper en gardant la même force, mes sauts à répétition m’empêchant de garder tout le temps l’équilibre, sans compter leurs répliques qui m’obligeaient à me tourner dans leur direction avant de les frapper. Pis j’oubliais le fait que je devais laisser un peu de place au mec pour qu’il les achève et que je devais aussi lancer des attaques moins larges pour éviter de le toucher au passage. Aah… C’était chiant d’avoir un partenaire boulet en fait.