-Bonjour chère client ! Que puis-je faire pour vous servir ?
-Espèce d'idiot sans cervelle ! T'as pas d'autres phrases dans ton vocabulaire ? Je veux sortir d'ici ! De cette prison !
-La sortie se trouve juste à votre droite !
-Pas de cette salle ! De ce jeu ! De cette prison ! De cet abattoir humain !
-Je peux vous conseiller un bon boucher ou bien une partie de cartes si vous le désirez !
-J'aimerais que tu comprennes la situation et que tu arrêtes de me donner ces réponses pré définis qui te rendent plus stupide que tu ne l'es encore ! J'en ai marre de toi ! J'en ai marre de ta sale gueule et j'en ai marre de cet endroit ! Fais quelque chose ! Enlève ce sourire satisfait de ton visage, ton air joviale et commence à vraiment aider les gens !
-Si je peux améliorer la qualité de mon service d'une manière ou d'une autre, n'hésitez pas à me le dire et je ferai des efforts pour vous !
-Arrrrrgggggggggghhhhhhhhhhhhhh !
Mon interlocuteur est Izkar, le NPC qui s'occupe de la taverne. La conversation date de... Je sais plus... Je me suis tellement lâché sur cette entité ( dans le sens technique du terme, dans un jeu vidéo ) et j'ai eu tellement de crises d'hystéries à son égard que le contenu et les souvenirs se mélangent. Si ça se trouve cette conversation était en faite plusieurs conversations toutes mixées en une seule. En tout cas, hier encore, lorsque je partais pour ma quête épique sous un coup de tête. Je lui ai adressé dans un ton aussi méchant et... je dois le dire... mélodramatique des méchancetés.
-Bonne journée et à bientôt !
-Tais toi et essaye de rassembler les quelques lignes de codes qui font office de ton cerveau pour te rendre plus utile ou bien... Te détruire ! Ouais ! Histoire que je n'ai plus jamais à te revoir !
Je ne peux m'empêcher de m'adresser un soupir consterné face à ces souvenirs. Je le savais très bien et je le sais encore, ces
NPCS ne peuvent pas comprendre ce que je raconte. Leurs réactions et leurs phrases sont des assemblages de mots clés et d'actions clés face à d'autres mots clés et actions clés que les joueurs envoient. Sans vouloir trop complexifié la chose, ils ont un comportement très génériques. Ils ne peuvent pas saisir la complexité de chacun des mots qu'on prononce. En vrai ils ne comprennent aucun des mots que l'on prononce. Mais alors comment font-ils pour répondre ?
Bon en vrai je vais complexifier le truc. Les NPCS dans SAO fonctionnent de la même manière que l'expérience la "Chinese Room" sur les intelligences artificiels.
Voici le concept : il y a un individu qui est enfermé dans une salle. Appelons cette individu L. L parle mmmh... Le français et c'est la seule langue qu'il connait. Lorsque l'on parle autre chose pour lui c'est du charabia, peu importe à quel point c'est proche de sa langue maternelle. La salle dans laquelle il est enfermé est une salle qui contient seulement et uniquement des livres en chinois. Beaucoup de livres. Il peut trouver dans ces livres des phrases déjà toute faite. Des mots qui en sont associés à d'autre etc... etc... La seule chose dans cette salle qui n'est pas en chinois est un petit formulaire qui explique comment créer une phrase en chinois. Uniquement comment bien appliqué la syntaxe mais absolument pas comment donner du sens à sa phrase. Aussi, le formulaire explique qu'il faut répondre à une phrase dans une telle syntaxe avec une telle syntaxe. En bref comment écrire une phrase et toutes les corrélations entre toutes les syntaxes.
L étant enfermé dans sa room, un autre individu, K, tente de communiquer avec lui. K est en dehors de la room et ne peut communiquer qu'en glissant des phrases qu'il écrit sur une feuille sous la porte.
K est chinois.
L, malgré le fait qu'il ne comprend pas un mot de chinois, suit les instructions à la lettre pour créer des phrases en chinois qui ont une syntaxe correcte en s'aidant de tous les livres qu'il a à sa disposition. Il arrive à reconnaître des mots ou des caractères dans la feuille qu'il a reçu et prends quelques mots au hasard pour constituer des réponse. Ce processus dure un certain temps et L et K converse tranquillement en chinois. Au bout d'un moment, K est convaincu que la personne derrière la porte parle chinois. Ensemble avec leurs échanges ils ont développés... Quoi ? De l'amour de la haine ? De l'amitié de la camaraderie ? Un intérêt intellectuel commun ? Une forme de complicités ? Un dédain profond ? Peu importe le sentiment. Le fait est que L ne parle pas un mot de chinois, il n'a jamais compris une seule question, il n'a jamais compris une seule de ses réponses. Il sait juste comment et quand formuler une phrase en chinois en utilisant des références. Si on lui a posé des questions à son sujet peut être qu'il a répondu un pur mensonge...
Dans cette histoire L est une IA.
Dans SAO, toutes les IA sont dans des Chinese Room très petite avec très peu de livres ce qui permets de donner des réponses plus ciblés, plus génériques mais qui ne trompent absolument pas la personne derrière la porte. Si K conversait avec une IA de ce monde, il se rendrait compte au moins que la personne en face ne parle pas parfaitement bien le chinois.
Mais... Je crois qu'il y a une vérité fondamentale dans cette expérience qui ne s'appliquent pas seulement aux IA. Cette expérience a été créer dans le but de démontrer que le test de Turing est insuffisant pour démontrer une vrai forme d'intelligence derrière une intelligence artificielle mais je trouve assez facilement l'argument de ce programmeur insuffisant. C'est très simple. Je réfléchis actuellement en anglais, je parle de manière général en japonais. Quand je parle à mon père, je parle en anglais. Quand je parle à mon père, je sais qu'il comprend parfaitement chacun de mes mots, qu'il a même bien plus de culture et de vocabulaire que moi et qu'il a une meilleure compréhension du monde qui l'entoure que moi. Cependant quand je parle à mon père, même très explicitement. Il ne comprend pas ce que je veux lui dire. Il n'est jamais exactement aligné avec ce que je pense et ce que je cherche à transmettre. J'aime croire que c'est la même chose pour d'autres gens.
Pour moi tout le monde à sa propre Chinese Room, la seule différence fondamentale avec l'expérience est que L n'apprend jamais de ses syntaxes ou n'essaye jamais d'apprendre. Si une IA se comportait comme dans une Chinese Room mais tout en apprenant de ce qu'il faisait plutôt que de bêtement répéter le même processus encore et encore. Je suis certain qu'il n'y aurait aucune différence entre une IA et un être humain.
Peut être qu'une partie de ma colère contre les IA de ce monde est le fait qu'elles ne soient pas encore à ce stade. J'aimerais tellement vivre dans un monde similaire avec des IA qui apprendraient petit à petit le sens des mots et les règles qui les régissent, voir même qui les briseraient pour parler leur propre l'argot ou quelque chose comme ça. Quoi qu'il en soit ce n'est pas le cas aujourd'hui et c'est pour ça que Izkar ne répond jamais bien à mes questions qui nécessiterait une Chinese Room plus grande pour lui.
Je ne m'en veux pas vraiment pour être honnête. D'avoir été dur avec lui. Mais d'un autre côté c'est difficile de s'en vouloir pour quelque chose qui n'a eu aucun impact sur personne. Moi ça me permettait de lâcher la tension et honnêtement je sais que Izkar s'en contre balance de se faire hurler dessus. Mais ça ne veut pas dire non plus que je veux que les choses restent telles qu'elles le sont. Et je suis content de sentir des changements en moi qui me pousse dans cette direction. Je pense que si je peux utiliser Izkar pour quelque c'est pour autre chose que me défouler sur un truc qui ne peut pas se défendre.
Non ce que je dois faire c'est agrandir ma Chinese Room personnelle. Je dois avoir des livres et des sections préférés et pour ça, dans ce monde, je dois jouer le jeu. Oui, littéralement et métaphoriquement. Je comprends qu'aujourd'hui ma détermination réside là dedans et c'est pour cela que dès après demain, j'irai à l'étage trente pour voir les terres restantes à conquérir avant d'atteindre l'océan !
...Ok peut être que cette allégorie était un peu prétentieuse. Mais je vais essayer le plus que je peux de pouvoir prétendre plutôt que de me la péter. Voilà, bien plus classe comme figure de style...
En attendant, bien que je n'ai pas toujours trouvé la source de ma nouvelle mentalité, je vais en profiter et l'utiliser tant qu'elle est encore là. Je vais m’entraîner dans un environnement familier, mais pas en combat, en autre chose. Je m'équipe de mes vêtements descend à l'étage et m'assois au niveau du bar.
-Bonjour chère client ! Que puis-je faire pour vous servir ?
-Salut Izkar. Comment vas-tu ?
-Les affaires vont bien ma foi !
-Haha heureux de l'entendre ! Dis-moi tu es toujours partant pour une partie de carte !
-Mais bien sûr, et si vous gagnez je vous offre votre prochain repas ! Par contre si vous perdez...