« Allez, viens, viens ! Je suis gentille ! Viens voir moi, viens voir maman ! Je veux te caresser ! »

J’étais peut-être un peu trop surexcitée pour les lionnes en face de moi… Elles me fixaient d’un air vraiment vilain et prudent, penchées sur leurs pattes avant, leurs oreilles en arrière. La première fois que je les avais rencontrées, il faisait nuit et un mec aux cheveux longs et argentés m’avait dérangée. A cause de lui, j’avais pas pu essayer de les dresser correctement ; j’avais même pas pu les toucher ! J’adorais les chats. Mais dans un jeu vidéo, il était clair que les jolis petits Minous tout mignons devenaient gigantesques avec des griffes et des crocs acérés effrayants. C’était la raison pour laquelle je m’étais vite adaptée : mes préférences allaient maintenant pour ces félidés aux dents de sabre et aux poils blonds. En parlant de ça, j’avais jamais eu de chat blond. Ils avaient toujours été noirs et blancs. A part la seule femelle que j’avais imposée à ma mère. Elle avait juste quelques poils marron en plus quoi. Mais en même temps, on les avait toujours recueillis, jamais achetés : peut-être que les chats « bas de gamme racialement parlant » étaient tous noirs ? Raciste ! Seuls les idiots achètent des chats de toute façon.

‘fin bref. Grâce à l’autre débile et à sa compétence Cuisine, j’avais pu manger super bien ce matin ! J’étais gonflée à bloc et devais vraiment ressembler à une psychopathe avec mes cheveux en pétards, mon grand sourire peu rassurant et mes yeux rouges exorbités que j’avais colorés ainsi la veille. Vraiment. Depuis que ces gens étaient chez moi, je me sentais bien… Vraiment bien… J’avais l’impression de m’être changée en une autre personne. J’avais tout le temps envie de sourire, de parler, de jouer. De jouer à des jeux de cartes, aux échecs mais aussi avec mon marteau. Ma maison étant considérée comme une safe zone, je pouvais tabasser tous ces crétins au curseur orange sans les détruire en un coup dans la tronche. Ça me permettait de m’améliorer au combat mais aussi d’apprendre à les connaître. J’avais toujours pensé ça pendant mes séances de badminton dans l’Ancien Monde : « c’est en faisant du sport ensemble qu’on crée des liens ». Ils étaient quand même tous sympas. A part l’autre grognasse de mes deux avec ses boobs de pétasse. Sûre que c’était des faux ! Aussi, même si le cuisinier était barbant avec ses techniques d’approche toutes pourries, il devenait adorable dès qu’il se levait en même temps que moi – donc tôt – seulement pour nourrir mon estomac.

« Ah, attendez deux secondes… D’OÙ VOUS NOUS DÉRANGEZ, VOUS ?! »

M’excusant auprès des deux lionnes à cran que je voulais absolument apprendre à dresser sans la compétence Familier, je récupérai le marteau que j’avais laissé juste à côté de moi et partis dégommer rapidement les gêneurs zombies. Sans faire plus gaffe au joueur d’en face, et en ignorant le fait que les Lapin-garous n’avaient voulu que passer dans l’extrémité gauche de mon champ de vision sans aucune intention de m’embêter, je les chopai par derrière. Je n’eus même pas besoin d’utiliser Sprint. Avec ma vitesse actuelle, ces bêtes étaient si lentes que je n’eus qu’à courir un peu pour les rattraper et les faire voler à la Cacachie. Ça me rappelait les menaces de mon père quand j’étais petite et un peu folle : « tu continues, je te fous un coup de pied au…

« Mais qu’est-ce vous faîtes ? Je vous avais dit d’attendre ! »

Les cadavres des quatre premiers lapins eus par quatre mouvements succincts de balayage étaient déjà en train de disparaître. Je sautais et levais mon marteau pour l’abattre sur le dernier du groupe quand j’entendis les lionnes grogner juste derrière moi, bondissant à leur tour dans le but précis de déchiqueter ma gorge. Ne voulant les blesser, j’avais utilisé Acrobatie pour me retourner vers elles, en effectuant une rotation très maladroite, et les repousser d’un coup de pied dans les yeux… Mais ma technique était pas encore affinée... Au lieu de ça, je fis qu’un avec le sol après qu’elles se soient chacune emparées d’un de mes pieds avec leur gueule, l’arme toujours dans la main. Passant de la grande surprise à la grande assurance, le Lapin maudit crut pouvoir se rapprocher… Et il se fit détruire d’un coup circulaire de ma part, porté au-dessus de ma tête. Dans l’Ancien Monde, j’aurais pas pu réussir ça : pas assez d’abdos pour…! Mais ici, ce qui était important était ma Force et mon agilité : elles étaient plutôt super bonnes pour cet étage. Mais j'avais un but charmant à atteindre aujourd'hui ! Me rappelant la présence du joueur au curseur vert (j’avais appris à faire attention à ça en premier depuis !), je pris le ton de la conversation.

« T’aurais pas une corde sur toi par hasard ? Il faudrait les ligoter. Comme ça je pourrai les caresser sans me faire mordre, ce sera cool ! »

C’était pas demain la veille qu’elles allaient me tuer ou séparer mes pieds de mes jambes mais… Je me doutais que si j’essayais de les caresser, même en rangeant mon arme, elles allaient me mordre au visage. Et je voulais disposer de mes cinq sens pour vivre cette expérience câline.

« Urgent, urgent, rien n’est urgent dans la vie ! Et pourquoi ?! Parce qu’on a toute la vie pour faire tout ce qu’on veut !! »

Sautillant sur mes fesses, mes deux jambes en l’air et mes deux pieds se faisant bouffer, je voyais le mec à l’envers et tremblant. J’aurais pu m’arrêter à l’adjectif « banal » mais… IL A DES LUNETTES, DES LUNETTES !!! Elles servaient à rien ici donc ça voulait dire qu’il était comme moi : il avait gardé l’habitude de les porter dans la vraie vie. Sauf que, depuis hier, j’étais une toute autre personne ! J’avais laissé les miennes sur ma table de nuit le matin même, désireuse de montrer à tout le monde que j’avais changé ma couleur d’yeux ordinaire pour me mettre plus en avant. Aah, si je les avais gardées, peut-être qu’on serait tous les deux tombés amoureux, qu’on aurait formé un couple de binoclards intellos et qu’on aurait fini ainsi le jeu, tout seuls, main dans la main… En espérant qu’il soit gaucher. Mais alors que je commençais à reconstruire totalement ma vision de l’avenir en bougeant dans tous les sens et en gloussant comme une débile, d’autres lionnes pénétrèrent mon champ de vision accompagnées… D’un lion. UN LION !! Un chat, mon chat, Simba, kyaaaah ! Je le veux. C’est lui que je veux caresser !!

« Il est à moi !!!!! »

Sans ignorer plus longtemps les coups et blessures des Lionnes, je séparai leur tête de leur corps d’un coup de poignet rapide. Parce que, si j’étais raciste, je prônais encore plus la notion de « favoritisme » ! Je préférais toujours les garçons aux filles, surtout chez les animaux. Pourquoi ?! Parce qu’une castration coûtait que dalle par rapport à une stérilisation et surtout, parce que cette première n’était même pas obligatoire ! Avec des chats mâles, aucune chance de devoir se coltiner des chatons et devoir les nourrir à vie. En vrai, t’aurais bien voulu… Je l’avouais, les chatons me faisaient fondre, je les surkiffais. Rien que pour cette préférence, l’argent ne constituerait aucun problème. Seulement, j’étais hyper nulle pour retenir les prénoms. C’était la raison pour laquelle tous mes chats s’étaient appelés « Minou ». Mais il naissait une moyenne de quatre chats par portée… Les chatons ; comme moi ; se seraient vite perdus avec cette seule appellation. Je décelais déjà dans leurs yeux, déçus et blasés, leurs pensées : « mais à qui elle parle ? ». Lassés de ne jamais comprendre et de se prendre une insulte pour quelqu’un d’autre, ils finiraient pas me haïr et partir vers Ginette, la vieille Française riche du quartier chic…

Tout ça pour dire : sans pitié. J’allais toutes les éclater avant de faire un immense câlin au chaton à crinière de roi ! Sans vraiment comprendre pourquoi chacune d’entre elles me tournait le dos, j’enchaînai les attaques dans les fesses, sur la queue et dans les pattes arrière, éliminant les femelles deux par deux en souriant comme une folle. Aaah, qu’il était bon d’être aussi puissante ! Grâce à Sprint, je pouvais immédiatement passer de l’une à l’autre et grâce à Acrobatie, j’esquivais les arbres et leurs racines. Cela dit, il faisait tout de même assez sombre. Ça m’étonnerait pas de me péter la tronche à cause d’une branche trop basse remarquée trop tardivement. En tout cas, c’était pas ce qui me gênait à ce moment précis, grâce à ma chance et à mon talent hors du commun. Les cadavres, pixelisés trop rapidement et quasiment tous en même temps, finirent par me gâcher la vue et c’est qu’à la fin de la mascarade que je me rendis compte qu’il manquait un monstre… Et qu’une petite ombre loin d’être effrayante venait d’apparaître pour combler le vide.

« Han, on a la même arme ! »

Analysant l’Octodon gourdin, qui semblait galérer sous le poids de sa massue, j’étais excitée à l’idée de la lui piquer pour abréger ses peines et ses souffrances. Après m’être moquée un peu de lui, j’utilisai Sprint et Acrobatie. Courant, je bondis en même temps avant d’enfoncer le petit animal dans le sol en lui écrasant le crâne de ma masse. L’impression que ma force s’était décuplée à cause de la vitesse parcourut mon visage pour y faire naître un nouveau sourire sadique. Aaah… Encore une fois… Qu’est-ce que c’était bon. C’est ainsi que je me rappelai la présence de l’autre joueur.

« En fait, Binoclard, t’aurait pas buté mon Lion par hasard ?! Du coup, tu vas choisir : soit j’te pète ta sale tronche de fragile ennuyeux, soit tu m’en trouves un autre. Tu garderas l’agro pendant que je lui ferai connaître le bonheur d'être à mon contact. Sachant que je suis au niveau 54 – un nombre pair super vachement merveilleux, faut le dire – je pense que nous allons choisir la deuxième proposition, qu’est-ce t’en penses ?! »

Je m'étais rajoutée dix niveaux mais... En vérité, maintenant que j’avais des PK à la maison, je savais qu’on pouvait survivre avec un curseur orange donc… Je me foutais d’en avoir un. Après mes yeux, mon pointeur allait peut-être aussi changer de couleur.