Le mardi 08/08/2023
7h


« Je veux manger des caméléons. »

Réveillé depuis trop longtemps par cette idée, j’étais allé directement dans une bibliothèque pour m’informer sur ces bêtes intrigantes. Je voulais en apprendre plus sur elles. J’en avais précédemment rencontrées lors de mes visites du deuxième étage et je les trouvais étranges. Je me demandais ce qu’il se passerait si on les faisait cuire pour les manger. Est-ce que leur viande serait invisible ? Visible ? Dans ce cas, elle aurait quelle couleur, sachant que lorsqu’ils étaient en vie, les caméléons de la réalité comme ceux de l’Aincrad pouvaient changer leur apparence à leur guise ?

J’avais vraiment envie d’en manger, d’autant que c’était mon anniversaire. La coutume chez les Makoto, c’était de manger au moins un nouveau plat le jour de sa naissance. C’était au passage une opportunité pour nous de voyager. Cependant, je n’avais jamais entendu parler qu’un jour un peuple avait cuisiné des cuisses ou des langues de caméléon. Pour cette raison, ma curiosité était à son maximum.

Bouquinant sans relâche, je constatai que les monstres ne donnaient même pas de viande à leur mort, seulement leur peau. Le carnet d’informations communes était vraiment pratique… Mais il ne m’aidait pas. Pour pouvoir les manger, je devais donc ramener leur corps intact à un cuisinier… Peut-être ? Je n’avais jamais entendu parler d’une histoire de ce genre dans ce jeu indolore mais il était possible que cela fonctionnât. Cependant, pour cuisiner, il fallait une cuisine. Et les cuisines ne se trouvaient que dans des Safe Zones. Et je n’avais jamais entendu parler d’un joueur tentant de faire entrer de force un mob vivant dans une ville.

« Comment ça se passerait… ? »

Plus qu’intrigué à présent, je commençai à me sentir véritablement motivé par mon projet. Peut-être que j’allais découvrir plusieurs informations utiles pour les autres, peut-être que j’allais pouvoir en aider certains. Il faudra que mon nom soit entendu un peu partout. Qu’ils m’acclament, qu’ils aient besoin de moi, qu’ils me le disent, qu’ils me complimentent, qu’ils m’apprécient. A ces idées, je redoublai d’efforts et allai chercher d’autres bouquins pour m’instruire et peaufiner un plan pour revenir en ville avec un paquet de monstres différemment colorés.

Alors comme ça les caméléons étaient des stressés de la vie ? Tant mieux, je mettais naturellement les gens en confiance. Ce devait être pareil avec les animaux. Enfin, dans notre cas, je ne pouvais pas les écouter. Mais ils étaient vivants, ils avaient des besoins que je pouvais combler, ces trucs. Ils n’aiment pas le bruit, les gens, qu'on leur touche le dos, ils grandissent vite et mangent principalement des grillons, des mouches de fruits, des insectes en tout genre, tels que des araignées ou encore des papillons, des vers, des sauterelles, ... Problème.

« Je trouve ça où, moi ? »

Reprenant le carnet d’informations communes et revivant mes souvenirs, je notai les étages où des araignées et des mygales géantes vivaient en abondance. Je supposai que les miniatures étaient vendues aussi là-bas. Puis je poussai la réflexion plus loin : que foutaient les caméléons dans le deuxième étage s’ils n’avaient pas la nourriture nécessaire pour y vivre ? Même s’ils étaient des monstres, j’imaginais que, comme les PNJ’s et comme nous, ils pouvaient ressentir la faim. En tout cas, j’avais déjà vu des PNJ’s boire et manger. Ce qui était normal, c’était pour l’immersion, le côté réaliste du jeu.

« Hmm… »

J’étais en train de ranger les livres quand je décidai d’en garder deux pour moi, pour éviter d’oublier des trucs importants. Je me dirigeai vers le bibliothécaire avec un grand sourire.

« Bonjour ! Je pourrais emprunter ou acheter ces livres s’il vous plaît ? Si non, où est-ce que je pourrais les trouver à ce but ? Ah… Et vous sauriez où je pourrai acheter des grillons, ou des insectes en tout genre ? »

Si je n’avais pas les informations dans les livres, je pouvais en effet, toujours demander. Ça ne coûtait rien.

Staff :

Le bibliothécaire PNJ se trouva être un Monsieur-je-sais-tout, ce qui m’arrangea bien. Me disant que personne ne vendait des insectes pour le plaisir, il me conseilla plutôt d’aller les attraper moi-même, bien qu’il trouvât cela étrange. Je trouvai l’idée plutôt bonne, et elle m'inspira. Il me proposa ensuite d’acheter les bouquins et je discutai avec lui quelques minutes, lui posant des questions diverses et variées auxquelles il répondit avec précision.

« Eh bien, comme vous êtes intelligent ! Vous avez une mémoire remarquable, c’est impressionnant. Enfin, je vais devoir partir, malheureusement... Euh, pour les livres, comme vous le voyez, ils ne sont pas très gros et je doute qu’une personne autre que nous, intellectuels, s’intéresse vraiment au sujet. Pourriez-vous me faire un prix ? »

Je repartis avec mes livres pour pas grand-chose et me dirigeai vers le magasin de pêche du deuxième étage. Je demandai une épuisette, que je négociai aussi.

« Vous comprenez, je m’y connais en pêche et à vue d’œil, c’est une épuisette de piètre qualité, il faut être honnête ! Attendez, avec l’acide du lac, elle ne va pas faire long feu quoi ! Vous ne pouvez pas me la vendre à ce prix-là !! »

Je repartis avec une épuisette pour pas grand-chose et me dirigeai vers le magasin de couture de l’étage. Je demandai une dizaine de mètres de tissu, des passepoils, deux cordons et des bobines de fil, que je négociai aussi.

« Alors, comment ça va ? On se voit souvent ces temps-ci, tu me fais un prix, comme d’habitude ? »

Je repartis avec tout le matériel nécessaire à la création de mes futures œuvres et me dirigeai vers l’atelier de couture. Je demandai une heure dedans, que je négociai… Comme à chaque fois. Et qu’on me refusât, comme à chaque fois. Pourquoi ma compétence m'était inutile dans ce cas-là ?! J'entrai dans la pièce en soufflant, décidé à augmenter ma capacité pour déjouer ce système.

Rapidement concentré, je me mis à l’œuvre. Je découpai les bandes de tissus, marquai des repères et me retrouvai rapidement avec pas mal de bouts de tissus que je trouai à coups d’épingle. Je mesurai, je pliai, j’aplatis et répétai encore ces opérations jusqu’à pouvoir coudre à l'aiguille pour lier mes différents matériels et mes différents tissus. Je fis bien attention à l'ordre et cousis avec précision.

« C’est rapide à faire, un sac, grâce au système. »

Grâce aux bouquins et aux tutos sur internet, j’avais appris qu’il fallait à chaque fois utiliser un fer à repasser pour garder le tissu impeccable. Ici, on n'en avait que faire. J’étais quand même pas mal fier de moi. Avec la doublure et la fermeture des sacs, les insectes et les caméléons auraient du mal à s’en échapper. Étirant les deux objets, je passai la sangle de l’un sur une épaule et laissai tomber le sac sur mon bassin avec contentement. Je rangeai dans mon inventaire le deuxième sac, carrément plus gros que le premier.

« Allons les bouffer, ces cuisses de caméléon ! »

Je sortis de la pièce excité et préparé, bien décidé à ramener dans une cuisine le plus de monstres multicolores possible.

Aide à la modération :

L’épuisette à la main, je bondissais sur tout ce qui bougeait en évitant les monstres. Trop faibles par rapport à mon niveau, ces derniers restaient la plupart du temps indifférents à ma présence. Ils ne m’attaquaient que lorsque je les surprenais, déboulant rapidement à leurs côté en capturant les insectes avec mon filet.

J’avais ainsi dû sacrifier cinq serpents taupes, huit corbeaux et un hérisson. Je n’étais pas tombé sur les grenouilles volantes ni sur les libellules de l’étage, qui devaient plutôt se trouver près du lac. Lac que je ne voulais pas approcher. J’avais analysé tous les monstres rencontrés pour comparer mes résultats avec ce qu’il y avait dans le Carnet d’Informations Communes. Tout coïncidant, je pouvais confirmer que ce Poulet Fumé n’était pas un menteur. Sa rumeur concernant le lac de l’étage devait donc être vraie. Mon niveau n’était pas assez élevé pour que j’aie envie de vérifier la présence d'un monstre niveau 72 en personne.

Les serpents taupes que j’avais croisés circulaient en groupe et avaient décidé, pour je ne sais quelle raison, de me faire tomber. Le regard vers l’horizon ou la tête levée, je n’avais pas fait attention aux déformations du sol qu’ils avaient causées et j’étais tombé à la renverse. Les insectes que j’avais capturés dans mon filet en avaient profité pour s’échapper et les serpents m’avaient attaqué.

J’avais transpercé la plupart des têtes en enfonçant ma lame dans leurs bajoues. Même s'ils avaient rougi ma peau, ils n’avaient pas fait long feu. J’avais même pu m’amuser à contempler leurs queues découpées qui continuaient, seules, à gigoter, avant de finir craquelées et de disparaître.

Pour les corbeaux, je n’avais fait que passer à côté d’eux en remuant mon épuisette. Cela n’avait pas dû leur plaire car ils m’avaient pris en grippe direct. Mais bon, c’était dans leur description, qu’ils étaient teigneux. J’avais ainsi pu découper finement des cuisses d’oiseaux, faire éclater des cœurs, transpercer des cous et percer des yeux avant que mon carnage ne s’évanouisse dans une pluie de pixels. Concernant le hérisson, il avait pris peur.
Perché sur une branche d’un arbre mort pour mieux trouver des insectes volants, j’avais voulu bondir sur un des essaims visibles. Mais au dernier moment, la bûche avait cédé et je ne pus retomber agilement sur mes pieds que grâce à ma compétence. Tout ça fit un bruit pas possible qui réveilla la bête. Elle ne prit que quelques secondes pour se mettre en boule et me viser. Heureusement, ma lame la stoppa net et je pus continuer tranquillement ma récolte d’insectes divers et variés.

« Bon, je remplis le sac puis je partirai à la recherche des caméléons. »

Malheureusement, ça allait être compliqué. D’après les bouquins que j’avais relus, les caméléons étaient généralement des animaux solitaires. Les mâles se haïssaient de tout leur cœur, si bien qu’ils devenaient agressifs et rouges en se voyant. Même si mon sac pour les entasser était doublé, je me dis que si j’en mettais plusieurs à l’intérieur, ils allaient se battre et le détruire rapidement.

« Je vais revoir mes ambitions à la baisse alors… »

Je pouvais toujours faire un test pour le début. Je ne savais toujours pas quelle partie du corps du caméléon était comestible mais je fis l’hypothèse qu’un seul suffirait pour apaiser ma faim. Pis, il n’était pas encore midi, j’avais encore toute la journée. Heureusement que j’étais du matin. Je fis encore plusieurs pirouettes avec mon épuisette puis je finis de remplir mon sac d'insectes. Je me disais que je pourrai toujours les garder pour plus tard si mon expérience s’avérait positive. "Ari, le chasseur de caméléon" qu'on m'appellerait.

En tout cas, cela ne me surprendrait pas qu’une personne prenne peur à la vue de mon contenant mouvant. Heureusement que les insectes étaient faibles, parce que s’ils avaient eu des muscles, ils auraient pu tout briser en se trémoussant autant ensemble !

Aide à la modération :

Je n’avais pas arrêté de chercher les caméléons. Il était maintenant l’heure du déjeuner et je n’en avais trouvé aucun. Sans doute qu’ils se cachaient tous, invisibles, en me voyant arriver. Et comme leur instinct leur dictait qu’ils ne pourraient pas m’attaquer sans souffrir par la suite, ils préféraient faire les lâches et me cacher leur présence. Si seulement j’avais eu vision accrue, écoute ou odorat… J’aurais pu les déceler plus facilement. Mais bon, j’avais pu détruire trois nouveaux corbeaux teigneux en trouant deux pattes et en détruisant un bec. Et j’avais dû détruire une bonne grosse famille de serpents taupes.

Tous regroupés au même endroit, ils faisaient des trous dans le sol en continu, à intervalle régulier et toujours de la même façon. Ils attaquaient, faisaient un salto arrière puis ils retournaient dans le sol. J’avais l’impression qu’ils buggaient à faire toujours la même chose, mais peut-être qu’ils prenaient leur élan pour creuser plus en profondeur plus rapidement. Peut-être qu’un coffre était caché ici-bas ? Je n’avais pas la compétence Crochetage donc je m’en tapais.

Parmi les serpents, certains étaient plus petits et plus gros que d’autres, et ils avaient des couleurs différentes. Ça me faisait penser à une famille. Haha. Je crachais bien sur la mienne aujourd’hui ! Absente, elle ne me servait à rien. On ne pouvait même pas communiquer ensemble, elle ne pouvait pas me faire de demande, des cadeaux de remerciements, des compliments ou encore, faire semblant de m’écouter. Pff.

Soudainement frustré, j’avais attendu le bon moment pour bondir sur les membres de la famille de monstres, comptant sur ma vitesse et mon agilité pour les transpercer tous en même temps. Je manquai le plus petit de peu mais je n’eus qu’à attendre un moment pour le voir charger, le laisser m'attaquer… et abréger ses souffrances. D’après les films, ça faisait souffrir de perdre sa famille. Je me demandais si la mienne souffrait en ce moment. De m’avoir perdu. Bah. Ces serpents taupes, ils réapparaîtraient de toute façon.

« Bref… J’ai pas tant perdu que ça mon temps à chercher les caméléons… »

Posé sur une branche d’un saut agile, je mangeais un petit pain rond sans trop de conviction. La nourriture dans une main, un des bouquins achetés dans l’autre, je lisais et mangeai sans vraiment y faire attention. Peut-être qu’il fallait que je libère plein d’insectes pour qu’ils se montrent ? Dans ce cas, ça voulait dire devoir encore faire le mariole avec mon épuisette par la suite. Et ça, ça m'avait déjà lassé.

Je déchirai un nouveau bout de pain avec les dents et pris un temps considérable pour l’avaler. Je ne faisais même plus attention au goût fade de la nourriture. Comment faire pour les attirer, ces caméléons ?! En lisant en diagonal un mot, je haussai un sourcil.

« Ah, les prédateurs des caméléons sont les serpents ? »

Normal alors, qu’ils ne m’aient pas approché depuis tout à l’heure, je ne faisais que les croiser et les éliminer. D’autant que le livre disait que les humains étaient tout aussi nuls que les serpents : ils détruisaient l’habitat des caméléons et prenaient facilement leurs enfants naïfs. Intéressé, je regardai la photo d’un bébé caméléon. C’était mignon. Ça tenait sur un doigt. Celui du livre faisait vraiment snob. J'aimais bien les snobs.

Je fus sorti de mes pensées niaises par une minuscule mouche qui avait pris mon pain comme cible. Y détachant une miette, je la maintins en l’air avec mon doigt et la drosophile, pas farouche, s’installa sur moi. Sa trompe aspira la miette. Je calai mon menton dans la paume de ma deuxième main pour profiter du spectacle. J’aimais bien regarder les insectes évoluer, ils étaient…

Une petite langue au bout tout rond apparut et s’empara de la mouche en une fraction de seconde. Son propriétaire la mâcha en me toisant de son regard blasé. Heureusement qu’il n’était pas loin parce que j’aurais eu du mal à le voir.

En effet, le bébé caméléon à ma droite était minuscule.

Aide à la modération :

Le caméléon ne semblait pas gêné le moins du monde par la présence du joueur, peut-être même qu'il ne l'avait pas remarqué. Il semblait le considérer comme un élément quelconque du décors. Seules les petites mouches semblaient avoir de l'intérêt à ses yeux. D'ailleurs, il en observait une virevolter au dessus de lui, cherchant le moment opportun pour l'attraper et la déguster.

Je regardais le minuscule animal, intrigué par son comportement. Il ne semblait même pas m’avoir remarqué, occupé comme il l’était à se rassasier. Il ressemblait à un imbécile avec ses yeux indépendants qui bougeaient partout pour suivre une des mouches proches de lui. Enfin, il n’avait que ça pour lui : il était sourd, seuls ses yeux lui permettaient de capter une présence. Malgré tout, il avait des traits communs avec l’image que je me faisais des siens : des snobs.

Dans la matinée, j’avais lu que les bébés caméléons naissaient déjà prêts à affronter le monde menaçant qui les entourait. Ils pouvaient déjà changer de couleur et le jet de leur langue était ultra rapide. Seules la dextérité et l’expérience leur manquaient. C’était peut-être pour ça que je les trouvais hautains. Après tout, j’avais mis un an pour marcher, et même à seize ans (dix-sept aujourd’hui), j’étais considéré comme dépendant de mes parents. Les humains de moins de dix-huit ans étaient encore jeunes et bêtes. Les caméléons de quelques secondes devaient déjà prendre leur vie en main s’ils ne voulaient pas se faire gober par un serpent ou un rapace. Quelle vie compliquée !

Faisant apparaître le plus doucement possible mon menu pour Analyser la petite bête, je découvris que sa description était la même que celle d’un caméléon normal. Du coup, s’il me touchait avec sa langue, il y avait des risques que je me paralyse. Je notai cette information dans un coin de ma tête puis réfléchis rapidement.

J’avais quand même mis pas mal de temps à rencontrer un caméléon. Même si celui-ci était minuscule et ne suffirait pas à un repas, j’aurais au moins l’occasion d’accomplir mon but premier : goûter de la viande de caméléon. Même si elle ne suffirait pas à me caler ce soir, je pouvais toujours apaiser ma fin avec le gâteau d’anniversaire qui était apparu dans mon inventaire. De plus, capturer un bébé serait plus simple que capturer un adulte. Il serait dans l’incapacité de déchirer mon sac. Et au pire, je pourrais toujours le garder dans ma main, tellement il était minuscule. Il me faudrait seulement faire attention à mes points de vie… Et surtout, faire face à la frustration dans le cas où sa langue me paralyserait.  

« Ou alors... »

J’avais entendu parler d’une classe qui regroupait peu de joueurs : les Beast Tamer. Chacun avait réussi à dompter un monstre et avait récolté une nouvelle compétence pour se promener avec un peu partout. Je souris de plus en plus.

« La voilà la solution ! »

Je ne savais pas comment était perçu l’animal de compagnie d’un Beast Tamer par le système mais il était sûr que je pourrais rentrer en ville avec un familier. Ainsi, arrivé dans une Safe Zone, je pourrai laisser un joueur le cuisiner. Il fallait juste mettre la bête en confiance, assez pour qu’elle s’attache à moi et me suive de son plein gré ! Comme ça, pas de paralysie, pas de perte de point de vie, pas de frustration. Et tout le monde serait content : moi avec ma bouffe. Mon nouveau familier avec l’accomplissement de son devoir pour son maître.

De sorte à ce que les plus gros ne puissent s’en aller, j’ouvris légèrement mon sac plein d’insectes et laissai s’en échapper plusieurs petits, sans doute une quinzaine. Autant de mouvements d’un coup devraient attirer l’attention du bébé à l’affût. J’avais lu qu’il pouvait en bouffer cent en une minute avec un peu d’entraînement. Je voulais bien voir ça.

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Tout à coup, l'oeil gauche du petit animal se mit à bouger de bas en haut, de gauche à droite. c'était une analyse rapide qu'il venait d'effectuer : de nombreux insectes s'étaient mis à bouger et il avait dû calculer en une fraction de seconde la trajectoire de sa langue pour en gober un maximum. Le caméléon s'était prudemment approché de quelques pas avant de lancer son immense langue. Une bonne dizaine d'insectes venaient de disparaître. Son ventre bien rempli, il aurait pu avancer encore pour chercher d'autres petites proies mais une immense forme le stoppa. C'était très gros, trop gros pour être gobé mais bien assez grand pour s'en prendre à lui. Effrayé, le caméléon balança sa langue vers l'humanoïde concerné mais rata sa cible avant de s'enfuir, disparaissant dans le décors comme s'il n'avait jamais été présent.

Je n’avais même pas bougé. Le bébé avait fait disparaître mes insectes laborieusement récupérés, avait tenté de m’agresser et s’était cassé comme un gros lâche. C’était sans doute la base devant un être vivant mille fois plus grand que soi… Si j’avais eu Traque, j’aurais tellement pu le stalker et le nourrir jusqu’à ce qu’il grossisse, grandisse et fût suffisant pour deux repas… Malheureusement, je ne savais pas du tout quelle direction il avait prise. Tant pis !

J'avais bien failli commencer à m'énerver, mais on ne pouvait pas réussir dès sa première fois. Bon nombre de mes potes me l'avaient confirmé. Et puis, il me fallait me rappeler que c'était mon anniversaire et que j'avais déjà un gâteau : la viande de caméléon ne serait qu'un bonus.

Je continuai à mâcher le pain sans saveur avant de remarquer deux caméléons pas loin. Rouges de colère, ils étaient sur le point de se battre l’un contre l’autre. Autant d’agressivité de leur part signifiait que, soit ce n’était pas la période des amours, soit ils possédaient le même sexe. L'un était plus petit que l'autre, qui possédait des cornes saillantes. Je les fixai sans vraiment comprendre, cessant ma mastication, mon pain en l’air.

Je n’avais pas vu ces monstres de toute la matinée et maintenant, ils se pointaient tous en même temps ?! Alors que je me sentais céder à la frustration, je me rappelai d’un coup mes bouquins. Sur terre, les caméléons étaient des proies faciles car très lentes, alors que dans les arbres, leur morphologie leur permettait de se fondre dans le décor et de se déplacer aisément. Grâce à leurs pattes particulières et surtout à leur queue, ils pouvaient grimper n'importe où et s'accrocher aux branches pour ne pas tomber. Ils gagnaient ainsi en rapidité et en agilité. Dire que j'avais passé une grande partie de ma journée au sol... Je soupirai : si j’avais réfléchi à ça plus tôt !

« Ça aurait permis à une famille de serpents taupes de vivre un peu plus longtemps. »

Alors que les monstres commençaient la danse de l’intimidation, je m’approchai d’eux avec agilité, sautant de branches en branches sans faire trop de bruit et sans tomber. Me basant sur les images de mes livres pour les reconnaître, je constatai que la femelle n’était pas trop chaude pour se reproduire. Je décidai donc de l'aider face à son semblable, que je me représentai soudainement comme un vieux pervers. Le prenant par derrière, par surprise et par la queue en évitant au mieux ses coups de langue, je laissai tomber le mâle par terre. Sachant qu’il ne serait que très peu blessé par sa chute, je me concentrai sur la demoiselle.

« Ah ces zizis… ! »

Lui souriant, je récupérai une sauterelle et la lui tendis de loin en lui répétant de ne pas avoir peur. Héhé ! Si elle avait la possibilité de faire des bébés, je pourrais faire à terme un élevage de caméléons.  

Aide à la modération :

La petite femelle caméléon se mit à observer la sauterelle d'un œil, puis d'un second. Il était indéniable que cette dernière lui faisait terriblement envie. Cependant, un peu plus loin se tenait une plus grosse bête... Que faire ? La femelle hésita un instant avant de balancer sa langue pour manger le petit animal. Le gros étant à une distance raisonnable, il n'y avait aucune raison qu'elle ne se prive. Après s'être bien régalée, elle détourna un œil, mais l'autre observait tout de même l'humain, dans le cas où il se rapprocherait un peu trop.

La femelle avait accepté mes cadeaux savoureux mais semblait se méfier de moi. Sa couleur avait pâli, signe d’inquiétude. Relevant ce changement, je m’éloignai tout doucement et un petit peu d’elle. Je gardai mon sourire amical. Comment faire pour l’approcher sans qu’elle ne prenne peur ? Et surtout, comment faire pour qu’elle finisse par m’apprécier, sachant que les Caméléons étaient d’un naturel solitaire ? Il fallait qu’elle ressente le besoin, la nécessité de m’avoir.

Je l’avais déjà sauvée d’un de ses congénères en manque de caresses, mais je ne voyais pas d’autres prédateurs à proximité. Ce serait assez cruel de la faire tomber des arbres pour la rendre victime d’attaques de serpents. Mais même si je faisais semblant d’être très sympa, me montrer impitoyable ne me faisait ni chaud ni froid.

J’hésitai. Peut-être qu’elle pouvait lire en moi comme dans un livre ouvert. C’était assez ironique sachant que j’avais aussi des bouquins sur elle. Mais dans le cas où elle pouvait deviner mes véritables intentions, j’étais mal barré.

Je soupirai en ne quittant pas des yeux l’animal myope. Je me demandai si elle était rassasiée ou si elle n’avait fait que se régaler de mes insectes si soigneusement capturés. J’en attrapai à nouveau un dans ma main et le lui présentai avec un sourire gêné. Je tendis ma main vers elle au maximum, baissai la tête et attendis sa réaction. Les yeux ouverts, je vis un rayon de soleil sur ma branche et j’eus soudain l’illumination.

Les Caméléons étaient plus sociables lorsqu’ils recevaient des rayonnements ultraviolets sur le corps. Heureusement que je m’étais méticuleusement préparé… Donc, j’allais lui filer de la bouffe, la mettre au soleil et la sauver encore. Et peut-être qu’elle voudra bien daigner rentrer avec moi en ville. Et se faire bouffer.

L'animal observa l'humain près d'elle d'un œil attentif. S'il s'approchait trop, elle prendrait la fuite à coups sur. Cependant, il restait à une distance raisonnable, ce qui ne manqua pas de rassurer la petite bête.

Le caméléon était prêt à regarder ailleurs, signe que la présence du garçon ne l'inquiétait plus tant que cela. Mais une odeur agréable vint lui chatouiller les narines et elle ne put s'empêcher d'en chercher la provenance. Le garçon un peu collant lui tendait de la nourriture. Sans plus attendre elle et ira sa longue langue pour s'en saisir et se régaler, ne manquant pas de paralyser le joueur au passage afin d'être sûre qu'il ne s'agisse pas d'un piège.

Tout en observant le joueur bloqué, le petit animal marchait avec plaisir le met qui lui avait été tendu.

« Ah la...! »

Après son attaque, ma deuxième main et mon buste étaient mal retombés sur le sac à insectes. Au compte-goutte, ceux qui étaient près de la sortie sortaient joyeusement. Certains marchaient sur ma main, d'autres s'envolaient immédiatement. Pendant dix secondes, les petites bestioles quittèrent leur prison et d'autres finirent écrasées par mon corps.

Génial !

Alors que je pensais enfin avoir trouvé une bonne stratégie, je me surpris à prier pour que mes insectes durement et longuement capturés restent vivants et piégés. Et dire que je n'étais même pas croyant...!

Je pris une longue inspiration pour me calmer. Tout n'était pas perdu, j'avais encore le temps d'aller chercher de la nourriture pour caméléon. Et d'ailleurs, peut-être que mon attaquante avait encore faim et avait bouffé tous les fuyards. Peut-être qu'ils n'étaient pas perdus.

Paralysée, ma tête était retombée sur la branche d'arbre et, à part la sortie du sac, je ne vis plus grand-chose pendant dix secondes.

Il n'empêchait que la demoiselle m'avait bien eu. Je n'avais jamais pensé que les monstres de SAO, autres qu'humanoïdes, pouvaient réfléchir et se montrer aussi prudents. Il y avait quelques secondes, je les prenais pour des bourrins. En même temps, j'avais rapidement réussi à éliminer les monstres des bas étages en comprenant leurs mouvements.

Wouah.

Toute cette histoire me donna envie d'étudier tous les mobs avec précisions et d'en écrire un bouquin recensant leurs statistiques, tous leurs combos et attaques, et de noter leurs particularités sociales ou comportementales en l'absence de joueurs.

Les développeurs du jeu avaient été assez talentueux pour reprendre les recherches menées sur les caméléons et inventer des mobs qui y collaient. C'était tout simplement grandiose ! C'était vraiment du génie !

Bref.

J'allais me relever, découper au katar les feuilles qui empêchaient le soleil d'éclairer ma branche et me faire apprécier par cet animal intrigant !

Après les dix secondes de paralysie, je relevai tout doucement la tête. Peut-être que la femelle était encore devant moi. Il ne fallait pas faire de mouvement brusque. Avec de la malchance, elle prendrait peur et me paralyserait à nouveau.

L'ennemi maîtrisé, le petit caméléon avait pu se restaurer dans le calme, sans aucune crainte. Pour autant, une fois son repas terminé, elle ne s'était pas sauvée. Bien installée sur une branche, elle fermait les yeux comme un humain après un bon repas. Cependant elle ne dormait pas et au moindre bruit suspect elle serait prête à s'enfuir.

Près d'elle, un autre caméléon fit son apparition, plus petit que les autres, plus chétif. Il se posa contre elle et l'imita comme un enfant imiterait sa mère.

La femelle ne s’était pas enfuie, à mon grand soulagement. Elle s’était posée tranquillement sur notre branche, et semblait se reposer. Je n’étais pas dupe. A sa place, je ferais très attention à l’immense bête installée à mes côtés. Je restai prudent, silencieux et calme.

Avant d’avoir pu repenser à mon plan, une toute petite chose se cala près de la femelle. Un nouveau bébé caméléon. Était-ce celui qui avait tenté de m’attaquer ? Je doutais de mes capacités à le deviner. En tout cas, la scène aurait pu m’attendrir si je ne m’étais pas renseigné sur la naissance et le développement de ces animaux.

”Ben alors les développeurs, on joue sur l’émotion ?!”

Comme la majorité des sangs froids, les bébés caméléons n’avaient pas besoin de leur mère pour évoluer dans la vie. Ils étaient déjà, à leur naissance, des monstres sanguinaires spécialistes du camouflage, du kidnapping immédiat et du broyage d’insectes. Mais bon, nous étions dans un jeu, il fallait tout de même un peu de drama.

Je ne savais pas quoi faire à part regarder les deux animaux. Comme ils n’étaient pas actifs, ils devaient être rassasiés. Je ne pouvais donc plus les appâter avec de la nourriture. Le seul moyen pour les faire s’approcher était d’attirer leur attention.

Cependant, les caméléons n’étaient pas fans du bruit, j’hésitais donc à leur parler et à enlever les feuilles au-dessus de moi. Sans compter que, si je bougeais, aucun doute que la femelle m’attaquerait à nouveau et partirait avec l’enfant. Quoique… C’était généralement chacun pour soi chez ces espèces. Après tout, ils pouvaient se battre à mort pour un petit coin de soleil.

Je me rappelai d’un coup le skin que j’avais récupéré. Il faisait prendre la couleur du ciel actuel à mon arme. Je relevai la tête tout doucement pour constater à nouveau les petits points brillants qui tentaient de transpercer les feuilles sinistres de la forêt. Il faisait beau. La lumière du soleil devrait donc apparaître sur mon katar. Et la lumière du soleil, les caméléons aimaient particulièrement ça.

Cependant, mon arme restait une arme… Ils pouvaient prendre peur à sa vue. Quoique, peut-être qu'ils sentiraient le sang de leurs prédateurs dessus et me montreraient enfin de la reconnaissance ? Ou alors qu'ils ne reconnaîtraient même pas l'objet comme un jouet pointu et mortel ? Après tout, le katar n'était pas l'arme la plus répandue chez les joueurs. La plupart ne savait même pas ce que c'était. Peut-être que la majorité des monstres non plus ?

Bah, perdu pour perdu…

Silencieusement et vraiment lentement, j’associai arme et skin avant de récupérer la première. En mettant le bout pointu vers moi, je la fis ensuite pivoter pour que sa lumière atteigne la peau colorée des caméléons, l’un après l’autre. Je veillai à ne pas la leur mettre dans les yeux puis je la remis à l’horizontale. Ainsi, les petites bêtes pouvaient voir l’éclat sans être éclairés.

Avec un peu de chance, l’un d’eux serait intrigué et viendrait voir de plus près.

En observant la grande chose bouger près d'eux, la femelle caméléon restait sur ses gardes. Prête à s'enfuir au moindre mouvement suspect. Pourtant, lorsqu'il sortit son arme, seul le petit vermissot degerpit. La plus courageuse des deux, mais également curieuse, avait voulu continuer à observer le manège du joueur qui ne les quittait plus.

L'humain ne pointa pas sa lame vers elle, à la place, il attirait de la lumière. Sans se faire prier, le caméléon s'en approcha pour profiter de cette douce source de chaleur. Il semblait que cette façon d'attirer l'animal fonctionnait bien. Si l'on observait de plus près, il était certainement possible de voir l'extase qu'elle ressentait au contact de cette douce chaleur.

« Oh, quel courage ! »

Je n’avais pu m’empêcher d’exprimer ma surprise d’un chuchotement admiratif. La femelle s’était approchée très près de moi. Elle avait été assez curieuse pour monter sur ma lame lumineuse et profiter du soleil. Tout le contraire du petit, qui avait détalé si vite que je n'avais pu voir où il avait fui. Je trouvais cela très impressionnant.

Et très intelligent.

Dans ces conditions, je ne pourrais pas facilement reprendre mon katar pour l’attaquer. En fait, elle venait de me désarmer en plus de se dorer la pilule, au calme. Visiblement, les caméléons étaient tout sauf bêtes. Ou alors, elle était unique en son genre.

Paralysé par son comportement, je ne savais finalement plus quoi faire. J’avais peur de l’effrayer si je bougeais d’un millimètre. Mais en même temps, elle était audacieuse et je lui avais montré par trois fois que je n’étais pas un danger.

Je l’avais sauvée d’un congénère insistant. Je lui avais procuré de la nourriture. Je lui avais apporté le soleil.

Que pouvais-je lui offrir d’autre ? De l’argent ? Des vêtements ? Des bijoux ? Une voiture ? Non ?! Aah, ces entités au regard blasé étaient bien compliquées ! Je fixai ses pupilles en réfléchissant à ce que je pouvais bien faire.

Je me rappelai soudainement que la plupart des animaux détestaient qu’on les regarde droit dans les yeux. D’après les reportages que j’avais visionnés, ils trouvaient cela malpoli. Il fallait donc, soit regarder à côté, soit beaucoup cligner des yeux. Je choisis cette dernière action, même si je ne connaissais pas totalement les règles sociales de cette espèce.

Au moins, je pourrais toujours attirer son attention par du mouvement peu intimidant pour elle. Même si, pour l’instant, elle semblait bien profiter des UV.

Après un temps, dont la longueur était comparable à mes nombreuses hésitations, je décidai de m’ouvrir à elle.

Dans une relation, ce qu’il fallait, c’était la protection, la reconnaissance et la compréhension. Tout cela passait par la communication.

Premier problème, moindre : je ne connaissais pas la langue des caméléons. Mais il semblerait que les Beast Tamers et leurs monstres pouvaient se comprendre. Dernier problème, plus important : un caméléon et du bruit faisaient deux. Cependant, ils entendaient bien les basses fréquences. Et au soleil, ils étaient plus sociables.

Je me mis à chuchoter, d’une voix la plus douce et grave possible.

« J’avoue qu’à la base, je voulais te bouffer. Mais je te trouve de plus en plus intéressante. Tu t’es montrée combative face à l’autre caméléon, agile et efficace dans la chasse des insectes, attachante avec le bébé caméléon, et très courageuse avec moi. »

Je m’arrêtai un temps pour avaler ma salive et jauger la demoiselle. C’était dur de parler comme ça.

« J’aimerais beaucoup voyager avec toi, pour apprendre à te connaître plus. Euh… C’est assez zarb de dire ça à un mob en fait... Ahem, enfin… Tu ne m’as pas vraiment vu à l’œuvre mais je pense qu’on pourrait bien se synchroniser ensemble. Si jamais ça t’intéresse, je t’offrirai chaque jour de la nourriture, du soleil, je te protégerai des autres espèces et je te ferai découvrir ce monde. Tout ça en respectant ta liberté, évidemment. »

Encore une fois, je m’arrêtai de parler un instant.

« … Pour te prouver que je suis pas un plouc niveau combat, je peux te donner les preuves de ce que j’avance. Il faut seulement que je bouge la main. »

Pour finir de la convaincre, je comptais lui offrir les items que j’avais dropés sur les Serpents. Mais peut-être que mes propos ne l'avait pas du tout convaincue et qu'elle allait se barrer avec mon arme...

Pour l'instant tu as drop :

• 10 viandes de Serpent
  
• 10 écailles de Serpent
  

La petite caméléon profitant de la lumière semblait presque sourire tant elle profitait de l'instant. L'être humain en face d'elle était bien plus imposant que ses congénères, il paraissait effrayant au premier abord mais après un moment passé en sa compagnie, elle semblait s'habituer à sa présence. Malgré tout, elle restait sur ses gardes, mais était visiblement beaucoup plus détendue qu'au début. Son air apaisé avait même quelque chose d'attendrissant. Si on y faisait attention de plus près, sa condition de créature du système se dissiperait car elle semblait tout droit venir du monde réel tant ses émotions paraissaient réalistes.

Devant la déclaration du jeune garçon, le petit animal releva la tête. Les mots qu'il prononçait, elle ne les comprenait pas mais elle entendait les vibrations de ses émotions. Il l'avait touchée, si bien qu'elle était prête à ne pas bouger et attendre qu'il bouge sa main. Malgré son instinct qui lui disait de s'enfuir, elle avait envie de rester et voir ce que cet humain avait à lui montrer.

La femelle semblait intéressée par ce que je voulais lui montrer.

Sa face relevée me paraissait de plus en plus réelle. Ses petits yeux, rugueux et verts, me fixaient tous les deux. Enfin, l’un regardait ma main droite, l’autre ma main gauche. Même si je pouvais déceler une once d’intérêt dans son regard, je pouvais aussi y voir de l’incompréhension.

Grâce à sa proximité, je pouvais la détailler. J’en profitai donc pour admirer les différentes couleurs de son corps. Son ventre devenait de plus en plus sombre à mesure qu’elle prenait son bain de soleil. En revanche, son dos et son crâne étaient majoritairement verts, avec quelques parties plus claires. D’après le livre, elle devait se sentir sereine et un peu stressée.

Sa bouche entrouverte me faisait comme un sourire mais sa queue était baissée.

Comme je l’avais compris, cette demoiselle était aussi prudente que curieuse. Il ne lui suffirait que quelques secondes pour ouvrir complètement ses lèvres et m'attaquer à nouveau. Il ne fallait surtout pas que je fasse des gestes brusques ou du bruit.

« J’y vais. »

Lentement, j’ouvris mon menu et fis défiler mon inventaire. Je fis apparaître trois viandes de serpent crues avant de les lui offrir. Je posai les chairs tout doucement sur notre sol d’écorce. Longues, fines et ondulées, les viandes pendaient de part et d’autre de la branche.

Je récapitulai rapidement toute la situation.

Elle ne semblait pas comprendre ce que je disais, mais je lui avais promis nourriture, UV, protection, et aventure. Il fallait traduire. Pour l’instant, elle avait trois des promesses devant elle.

En effet, mon arme lumineuse symbolisait le soleil. La viande de ses prédateurs constituait la protection. Je représentais l’aventure : elle ne connaissait des humains que des assaillants normalement. Et encore, peut-être qu’elle avait déjà été tuée plusieurs fois et qu’elle n’en avait finalement jamais vus ?

Dans tous les cas, il me restait la nourriture. Même si je lui avais donné à bouffer à s’en faire une petite sieste, je ne savais pas quel était son niveau de mémorisation. De plus, elle avait déjà dû manger les grillons de mon sac un nombre incalculable de fois. Ils ne devaient plus avoir de saveur à force.

Ça tombait bien, j’avais en stock un plat particulièrement exotique qui pourrait lui plaire !

Mon index glissa à nouveau sur l’écran.

De ce dernier sortit une assiette de vers farcis. Je la déposai sur les trois peaux avant de présenter mon petit doigt à la femelle, en gardant ma paume fermée. Je le gardai quand même à une distance raisonnable pour qu’elle ne prenne pas peur.

Avec un grand sourire, des yeux brillants à moitié clos et une voix basse, je ne prononçai qu’un mot.

« Deal ? »

J'espérais seulement qu'elle avait compris ma traduction... Et que ma compétence Négociation, activée au passage, pouvait faire pencher la balance dans mon sens.

Spoiler:

Le petit animal observa l'humain bouger lentement sa main. Là, elle aurait pu s'enfuir, terrifiée à l'idée qu'il sorte une arme pour la pourfendre, mais elle ne bougea pas. Il avait piqué sa curiosité. Cet humain ne semblait pas comme les autres. Ni pressé, ni violent. Ses petits yeux suivirent ses gestes et s'écarquillèrent en voyant de les viandes de serpent avant de se plisser un peu. Ce n'était peut-être pas très éthique mais la jeune caméléon était particulièrement satisfaite de voir certains de ses prédateurs à l'état d'ingrédients de cuisine. Définitivement, cet humain lui plaisait. Continuant à se dorer à la lumière de l'arme, elle continuait à fixer l'humain qui venait de sortir une assiette de mets qu'il avait déposée non loin d'elle. Et quand il lui tendit son petit doigt, le petit animal s'en approcha lentement, prudemment, jusqu'à poser sa patte dessus et le serrer de ses petits doigts tout en lui lançant un regard des plus adorable. Ce regard disait au joueur qu'à présent, elle lui faisait confiance mais que s'il la trahissait, elle lui le ferait payer. Cet animal avait du caractère et l'audace de ce joueur lui avait assez plu pour accepter le deal.

Elle s’était à nouveau approchée et je n’avais pas bougé. Son œil droit était lumineux, et inspirait confiance. L’œil gauche, pour sa part, témoignait de sa prudence et de sa combativité. Je n'étais pas serein.

Et pourtant.

Une fenêtre s’ouvrit lorsqu’elle me toucha. Elle venait de sceller notre pacte, avec une de ses pinces griffues. D’après le système, je pouvais à présent communiquer avec elle et la contrôler.

« Génial ! »

J’avais parlé trop fort.

Avec un bruit de gifle, sa langue avait frappé ma joue, assez fortement pour que mon visage pivote un peu et que ma vie s’abaisse.

« Hé ! »

Le caméléon se colora de rouge pour me signaler sa colère. Je l’apaisai immédiatement en reprenant une voix basse et grave, les mains levées en signe de soumission.

« Désolé, désolé. C’était pas voulu. »

En quelques secondes, elle m’avait fait comprendre qu’elle pouvait se rebeller. Elle me suivrait si je lui apportais satisfaction. Et pourrait toujours s’en aller si elle ne me considérerait plus utile, ou si elle me trouvait hostile. En gros… Je ne pourrai pas la lui faire à l’envers. Contrôle oui, total, non !

Moi qui voulais gagner sa confiance pour la bouffer une fois arrivé ville… C’est raté.

Cela dit, rien n’était écrit dans le Carnet d’Informations Communes ou dans les explications du système à disposition des joueurs. Comme la plupart des informations sur les Beast Tamers.

Dans tous les cas, je ne voulais pas mettre à bout la femelle maintenant.

Il y avait plus intéressant à expérimenter pour le moment.

« T’en veux pas pour l'instant, c’est ça ? »

Après son refus évident, je rangeai mon plat de vers farcis ainsi que les peaux dans mon inventaire.

« Est-ce que je peux reprendre ça aussi ? »

Après son lancé de langue, elle était retournée sur mon arme lumineuse et me regardait maintenant comme une reine sur son trône. Son regard me révéla mon statut de roturier. Je pris un air blasé malgré moi avant de me ressaisir. J'étais son maître maintenant, non ?!

« Allez, viens, on va se faire des serpents. »

Malgré mes propositions et mes sourires, elle ne bougea pas. Elle n’avait pas fini de se ressourcer en soleil... Mais elle aurait tout le temps de se dorer la pilule une fois rentrée en ville !

Je m’approchai de l’arme dans le but d’en enlever le skin lumineux.

Rouge, elle me menaça de sa langue paralysante. Désarmé, je capitulai.

Prudente, combative, capricieuse, et parfois adorable... J’avais pas choisi la meilleure.

Après un soupir, je profitai de mon immobilité obligée pour faire un vrai repas. Comme ses yeux bougeaient dans tous les sens, elle me préviendrait du danger.


Elle verrait celle-là. Je me vengerai une fois en ville.

Aide à la modération :

Je mangeais ma volaille à la main, assis en tailleur sur la branche. La position n’était pas des plus confortables mais je l’avais vite oubliée.

Je regardais l’écran en face de moi. En analysant les statistiques de la femelle, j’eus tout le loisir de découvrir qu’elle était faiblarde.

Tout était au minimum.

D'après le système, je pouvais changer ça en augmentant de niveau, et en améliorant ma compétence de Familier. Je ne savais pas encore quelles actions permettaient d’accroître cette dernière.

En attendant, elle était vraiment nulle. Mon projet d’entamer un combat avec elle avant de rentrer pourrait la tuer. Il fallait l'abandonner pour l'instant.

Je lui jetai un coup d’œil. Elle se tourna vers moi à son tour, en gardant son regard de péteuse impératrice.

« T’es comme un petit chien toi. Tu te la pètes et tu aboies mais en un coup, t’es par terre. »

Elle ferma une de ses mirettes pour unique réponse avant de reposer sa tête sur ma précieuse arme. Encore une fois, je la regardai avec dépit. Je me concentrai ensuite sur mon écran.

La compétence Familier venait de gagner un point.

« On dirait qu’il faut te parler pour te rendre moins nulle. »

Je pris une nouvelle bouchée de volaille sans vraiment faire attention aux saveurs.

Je me demandai si je pouvais lui coudre un équipement à elle aussi. Un caméléon en armure… Cette vision me fit sourire. Les couleurs de cet animal étaient belles, il ne fallait pas les cacher derrière une grosse pièce en fer. Et puis, je la voyais mal réussir à bouger avec ça. Sans compter que je ne pourrais plus compter sur son invisibilité si je l’habillais.

Or, c’était la meilleure stratégie à adopter avec ce type de monstre. Je me voyais bien attirer l’attention de l’ennemi en laissant le caméléon se dissimuler à côté. J'imaginai bien ce dernier paralyser le monstre de sa langue et me permettre de l’achever.

J’avais très envie d’essayer ça. Mais ce n’était définitivement pas le moment. Il fallait d’abord améliorer ses statistiques. Et savoir s’il était possible de la cuisiner.

Je finis mon repas.

« T’es toujours pas prête à bouger ? »

Ce fut à son tour de soupirer et de me regarder avec un air blasé.

« OK. J’ai compris. »

Je me calai sur l’arbre en feuilletant le livre sur les caméléons.

Aide à la modération :

Une fois bien bronzée, la femelle s’étira lentement et libéra mon katar en s’approchant de moi. Je récupérai immédiatement mon bien pour enlever le skin. Même si la lumière avait pas mal baissé, il était possible que le soleil repointe le bout de son nez. Le but était d’éviter que l’attente se renouvelle.

« Ça y est, tu t’es bien doré la pilule, princesse ? On peut y aller ? »

Elle me répondit par un bâillement.

« Cool ! Viens sur moi, je vais te faire visiter une ville. »

Elle refusa mon bras tendu et me regarda, comme si elle était dans l’attente de quelque chose. Je soupirai, réellement dépité.

« T’es sérieuse ? On va mettre mille ans à rentrer si tu viens pas sur moi. »

Je lui rappelai sa lenteur sur la terre ferme. Elle se dirigea vers la branche d’à côté.

« Mais… Même en passant par là, ce serait plus rapide si... »

Sa peau devint rouge et je capitulai à nouveau en soupirant. Nous n’étions pas encore assez intimes, elle ne m’accordait pas encore totalement sa confiance et ne voulait pas me toucher. Le fait d’avoir attendu qu’elle se satisfasse du soleil au lieu de l’obliger à bouger avait dû me faire gagner des points. Mais pas assez pour lui faire accepter mon aide et mettre de côté sa fierté de femelle indépendante.


Heureusement que j’avais la compétence Acrobatie. Sans elle, je me serais cassé la figure plus d’une fois dans ces arbres. Elle me permettait de me rattraper de façon assez stylée quand je trébuchais.

J’avais décidé de la laisser ouvrir la marche. Ses yeux et sa couleur me prévenaient du moindre danger et son corps me faisait savoir si la branche suivante supporterait, un minimum ou non, mon poids. Armé de ma carte de l’étage, je lui indiquais la direction à suivre pour rentrer en Safe Zone.

Pour ça, elle voulait bien m’écouter. Était-elle nulle en orientation ?

Nous avions évité ou dégagé de notre chemin tous les obstacles. Dans ces arbres, le plus simple était de faire tomber les ennemis. Je récupérais le corps long des serpents et les balançais sur la terre ferme pendant qu’elle se dissimulait en restant de marbre. Puis nous continuons.

Le plus chiant était de l’attendre. Elle était si lente ! Mais elle ne voulait pas que je la prenne dans les bras.

Nous arrivâmes à une heure tardive au village de l’étage.

A notre entrée en Safe Zone, j’entendis son ventre gargouiller avant le mien. Lorsque je fis apparaître le sac à insectes, elle me regarda de travers.

« T’as raison, c’est notre anniversaire de rencontre en plus d’être le mien, il faut se mettre bien. »

Nous empruntâmes le portail de téléportation et elle découvrit le premier étage… Et ses foules. Elle ne daigna cependant pas monter sur mes bras tendus. Au lieu de ça, elle se cala sur mon pied droit, bouche à moitié ouverte et corps invisible.

Prudente, combative, capricieuse, bornée, et parfois adorable… J’avais vraiment pas choisie la meilleure.

Aide à la modération :

Je ne la voyais que lorsqu’elle baladait ses yeux un peu partout sur le paysage. Ce qui arrivait finalement, assez souvent. Le dynamisme de la ville du premier étage attisait sa curiosité. J’avais compris que, lorsqu’elle frappait plusieurs fois mon petit ou mon gros orteils, elle m’ordonnait d’aller soit à droite, soit à gauche. Lorsqu’elle frappait le centre, elle exigeait mon arrêt ou la reprise de ma marche.

Étrangement, je la trouvais vraiment adorable à cet instant. Je comprenais ce qu’elle ressentait. Ça me faisait plaisir de la voir clignoter comme ça.

Je sentais parfois son pied pousser légèrement mon tibia avant de se raviser. Elle était trop prudente pour s’aventurer seule parmi la foule.

Je me demandai soudainement si un point l’indiquai sur ma carte. Dans le cas où on se perdait, pourrais-je la retrouver ?

Je sentis plusieurs vibrations successives dans ma cheville et décidai de m’arrêter à l’auberge la plus proche.

« T’inquiète, on va manger. »

J’avais d’abord eu l’idée de m’installer à une terrasse pour commander plusieurs mets afin de lui faire découvrir différentes saveurs. Mais, même si sa présence ne semblait pas gêner les PNJ’s, elle intéressait les joueurs qui l'avait aperçue. Et je ne la sentais pas encore à l’aise avec les humains.

Je pris une chambre pour qu’on puisse célébrer les anniversaires en tête-à-tête.

Je commandai plusieurs boissons sucrées et ramenai les verres dans la chambre. Je les posai sur le bureau avant de m’y installer et de baisser la tête sur la demoiselle.

« Hmm… D’après le bouquin, faut pas te nourrir le soir. En plus, t’as beaucoup mangé aujourd’hui… Mais une vie sans excès ni infractions est d’un ennui !! »

Je sentis de nouvelles vibrations dans les pieds.

« Tu peux monter sur la table. Je vais te faire goûter plein de trucs cool ! On est dans un jeu donc on devrait pouvoir faire varier ton alimentation… On va voir ça, héhé ! »

Elle accepta la proposition, avec plaisir d’après la couleur claire de sa peau. Nous étions sur la même longueur d’onde concernant la découverte du monde. Ça me plaisait.

Je lui fis découvrir la limonade et ses variantes, et plusieurs jus de fruits avant de lui présenter à nouveau le plat de vers farcis. Elle ne mit pas longtemps à tous les gober. Je mangeai les pâtes craies-bonara en lui en proposant plusieurs. Au bout d’un moment, je passai au sucré en lui présentant du pain d’épices, des bonbons, du chocolat et des marron glacés.

Je notai toutes ses réactions pour chacun des plats, éclatant de rire lorsqu’elle recrachait tout avec un visage empli de dégoût, élargissant mon sourire lorsqu’elle avalait de bon cœur les aliments.

Enfin, je fis apparaître mon gâteau d’anniversaire. Enfin… Ma part de gâteau d’anniversaire. Kayaba avait dû prévoir que je le passerais tout seul. Ou alors, il était tout simplement radin.

Je fis apparaître un cierge en guise de bougie d’anniversaire.

« Eh ben, ça a l’air de t’intriguer ! »

Lorsque j’avais allumé la bougie, le caméléon s’en était approché avec empressement en posant ses deux yeux dessus.

« Fais gaffe, ça brûle. »

La flamme l’intéressait tellement qu’elle n’avait pas tiqué lorsque j’avais mis ma paume sur son torse pour l'en éloigner. La chaleur et la lumière devaient lui rappeler ce soleil qu’elle chérissait. Avec un sourire espiègle, je chantai rapidement la chanson d’anniversaire avant de souffler la bougie.

Comme prévu, cela ne l’enchanta pas.

Je fis apparaître les deux autres cierges avec un immense sourire. Je les allumai et les calai éloignés et en cercle sur le bureau. Toute son attention était maintenant concentrée sur les bougies.

Je mangeai lentement mon gâteau en la contemplant. Elle m'autorisa à enfoncer un bout de crème sucrée dans sa bouche sans quitter les flammes des yeux. Je la laissai sur le bureau au milieu du feu et m’étalai sur le lit. Après avoir envoyé de mes nouvelles aux personnes utiles de ce monde, je fermai les yeux.

« Je vais te faire grossir, ma belle. Tellement que ta graisse me giclera au visage quand je découperai ta chair cuite. »

Je m'endormis le sourire aux lèvres, satisfait de ma journée.

Aide à la modération :

Nombre de ligne : 2/2
Qualité de la langue : 2/2
Avancement du RP : 1/1 (Même si j'aurai mis 2 !)

Pseudo : Ari
Nombre de messages : 15
Cols gagnés : 1 860 cols
Cols dépensés : 156 cols (achats divers + atelier 1h + chambre)
Objets utilisés :
Petit pain rond x1
Part de gâteau d'anniversaire x1
Pâtes craies-bonara x1
Vers farcis x1
Bonbons x2
Chocolat de l'avent X2
Tranche de pain d'épices X2
Volaille rôtie X1
Marrons glacés X3
Cierges X3
Objets obtenus :
Sac en tissu rempli au tier d'insectes x1
Viande de Serpent x6
Ecaille de Serpent x10 (Couture, Res+1)
Viande de Corbeau x3
Plume de Corbeau x3 (Couture, Pré+1)
Compétences gagnant des points :
Négociation +2
Arme +1
Armure +1
Chance +2
Analyse +1
Acrobatie +2
Familier +2
Niveau début du rp : 24
Niveau(x) gagné(s) : 2
Réputation : 2¤ 2+
Remarques : Un Beast Tamer, enfin ! Félicitations, super RP de changement de classe. Les premières interactions avec ton familier sont drôles et très bien décrites, les recherches préalables parfaitement crédibles, et la longue négociation avec cette petite princesse bien menée. Seul petit bémol pour ma part, - même si je sais que ce n'était pas du tout le but de ce RP - par rapport au farm. Les combats sont ellipsés, les analyses également (c'est pour cela que je ne met que +1 sur la compétence d’ailleurs), ce qui m'empêche de mettre 21/20. Merci pour la lecture, et bonne chance à toi et ton familier peu banal que j'espère revoir~