Heureusement. Heureusement qu'elle était dans ma liste d'amis et que j'avais appris depuis à utiliser celle-ci parce que sinon, sa boutique, j'l'aurais jamais trouvée ! Carte ouverte bien devant mes yeux qui se posaient soit en face de moi soit sur elle, je stalkais ma borgne bonne grâce au système qui l'avait transformée en curseur bleu. Moins sexy d'un coup, mais toujours un peu elle-même. On avait convenu de ce rendez-vous y avait belle lurette mais ma copine avait dû l'oublier avec tout ce qu'il s'était passé dans sa vie. Entrer dans une guilde pis s'offrir un magasin et un appartement, ça devait prendre du temps et mouvementer ses journées. Enfin, la première chose avait dû aider à pouvoir procéder à la seconde. Je me demandais combien de connaissances elle avait réussi à se faire et combien de joueurs elle avait pu arnaquer grâce à sa guilde "d'amis". Dans tous les cas, elle n'avait qu'un mot à dire de négatif sur eux et je viendrais leur fendre leur crâne d'hypocrite de mes deux avec mon marteau. Dommage qu'on soit dans un jeu et que j'aime pas trop le rouge... Eh oui, reteindre une arme avec le sang de ses ennemis n'étaient pas une chose faisable dans Sword Art Online. La lose. Bref ! Arrivée devant la porte fermée du magasin, j'analysai les lieux pour pouvoir déceler la moindre traces de mocheté ou autres défauts. Mais c'était impecc'... A part une chose.

"La... Lame d'argent ?"

Bordel Yueko, tu as besoin de tellement de fric que tu as décidé de rameuter du monde grâce à ce procédé si facile ?! Ça sentait mauvais. Ça évoquait trop fortement la guilde la plus connue du jeu... Je me demandais si elle allait pas avoir des problèmes à cause de ça. Ça ressemblait trop à une mauvaise pub bien mensongère. Je soupirai. Dans tous les cas, ça avait l'air petit et joli et je savais même pas si elle pouvait changer le nom de la boutique maintenant. Si jamais on la saoulait, dire qu'elle avait aucune imagination irait comme excuse ? Mais connaissant son boulot, dire ça serait l'insulter... Bah. Je lui en parlerais plus tard. Pour l'heure, tout ce que j'avais envie de faire, c'était entrer, regarder partout et même aller visiter sa maison.

"Je fouille !"

J'avais ouvert la porte avec fracas cinq minutes avant l'heure du rencard et crié cette annonce sans ciller, en guise de bonjour. Pour moi, si on donnait rendez-vous pour la journée à quelqu'un, c'était parce qu'on s'était organisé pour être totalement à lui durant celle-ci. Et donc...

"Que fout cette grognasse blonde ici ?"

J'avais pas pu m'empêcher de murmurer, si doucement que les deux filles ne purent que voir mes lèvres bouger. Yueko travaillait encore ?! Vu son visage débile, elle doit plutôt flirter. Je regardai l'étrangère avec indifférence puis arpentai la pièce... Vide. Et merde, j'allais faire comment pour les ignorer sans avoir quelque chose à mater ou des boîtes à fouiller ?!

« Ritcha cela te dérange-t-il si une personne de plus nous accompagne ? »

Argh la grognasse ! Elle savait très bien que je pouvais rien lui refuser : elle était ma seule vraie copine ! Je me devais aussi d'être digne d'elle et de la soutenir dans ses projets. Si cette meuf étrangère lui filait des sous et devenait sa cliente quotidienne, ça allait changer sa vie... Il n'empêchait qu'elle était chiante !! Elle n'avait pas que détruit notre tête-à-tête amoureux, elle avait aussi filé mon pseudo à la joueuse ! Elle parlait trop !! Et si l'autre devenait folle, tombait sous le charme de la Sans-Âme et finissait érotomane hein ?! J'allais jongler bien avant la forgeronne bonne moi ! J'y avais pensé mais je doutais que l'étrangère pût me faire bobo. Les filles que j'avais rencontrées pour l'instant me semblaient faibles – à part ces meufs des Lames. Bref ! J'allais devoir prendre Yueko contre un mur pour lui parler franchement, d'abord du nom de son magasin et ensuite du mien. Enfin...

« … ous remercier toutes les deux, je pourrais aussi vous cuisiner un bon repas. »

J'allais devoir attendre son départ à celle-là. Je soupirai – pour ne pas dire « grognai » - bruyamment en imaginant ces prochaines heures à devoir serrer les fesses et jouer un minimum le rôle de la fille sociable. Mais bon... Contre un sourire et un enrichissement de Yueko, un dîner gratuit et un équipement neuf construit sur mesure, tous les efforts du monde étaient permis ? J'devais juste trouver la motivation qui créerait mon excitation pour ma journée. Ayant arrêté de tourner dans la pièce dès que la borgne bonne m'avait interpellée, j'avais fini par croiser les bras et par les regarder chacune, l'une après l'autre d'un autre blasé.

« Bien sûr que ça m'dérange. Mais c'est toi qui mènes la danse aujourd'hui alors... Allons-y. J'attends dehors. »

Ignorant royalement la blondasse (fuh fuh, quand je préviens, je fais!), je me détournai d'elles les bras toujours croisés, passant la porte comme une enfant capricieuse. Cette journée devait être à elle et à moi, ça m'gonflait qu'une autre personne se rajoutât, c'était du squattage. Moi qui voulais lui parler de plein de choses, je pouvais plus à cause de cette présence nuisible ! Purée, je voulais voir sa maison aussi !!! Aah, ça m'saoulait... En espérant que l'autre eût pas besoin de grand-chose niveau minerais... Je me souvenais même plus de ce que je lui avais commandé. Mais d'un autre côté, je m'en foutais pas mal. J'étais surtout là pour qu'elle pût récolter plein de cailloux afin de remplir son magasin en équipements divers. Et pour obtenir le plus de pierres possible sans s'arrêter, elle aurait besoin de protection contre les monstres. Ah !- je pense que je lui filerais quelques objets de forge d'ailleurs. Ça me servait à rien et les PNJ me les rachetaient pour que dalle. Je pourrais même pouvoir gratter un petit pourcentage sur les futures ventes de ma forge bonne d'ailleurs, en faisant ça. Oh !- on parle pas de fric avec des amis! Pfeuh, je savais pas qui avait dit ça mais c'était des conneries.

Les deux autres avaient pas tardé à rappliquer, mon rencard du jour me revenant équipé jusqu'aux dents (naan, j'exagérais pas du tout!). En la voyant étrangement prendre la tête du mini-groupe et s'éloigner un peu, j'arquai un sourcil et commençai à m'insulter. Elle, qui semblait assez respectueuse pour toujours marcher à la même hauteur que les autres, avait dû s'inquiéter de ma réponse et décidé de parler de sa raison. Mais y en avait aucune à part mon impulsivité. J'avais osé lui montrer ma jalousie et mon brin de possessivité, ma petite personnalité de grognasse fantasque égoïste, tout ça juste à cause d'une visite, imprévue, certes, mais plutôt bonne pour elle. Elle allait pouvoir se faire de la thune, une nouvelle réputation et peut-être une cliente fidèle. Et au lieu de l'aider, je lui avais peut-être transpercé sa bonne humeur et sa motivation avec une phrase aussi froide que merdique ! Elle avait qu'à pas filer mon nom à l'autre! Quelle excuse de gamine ! J'avais toujours du mal avec ça – car pour moi, quand une chose me plaisait pas, mon visage le montrait parfaitement – mais j'avais appris que les gens ne savaient jamais ce qu'il se passait dans la tête des autres et que, même si nous arrivions à interpréter quelques expressions faciales, rien ne valait une explication claire des choses à faire et à ne pas faire dans telle situation. La discussion calme, la prévention et le partage des sentiments étaient les clés d'une bonne et durable relation...

« … J'aimerais bien visiter ta maison. »

… Mais j'avais jamais appris à faire ça !!! Après de longues minutes de marche d'hésitation, cinq pas pressés et un léger blanc, j'avais réussi à me tenir à côté de Yueko et à ouvrir et fermer une à quatre fois la bouche avant de réussir à trouver des mots sans rapport avec ceux que je voulais sortir à la base. Baah !- elle comprendrait nan ? Si j'étais vraiment dérangée et en colère, j'aurais pas voulu engager une conversation avec elle nan ? Sans vraiment lui laisser le temps de parler, je pris une grande respiration malgré moi et, encore une fois, sortis une chose à l'opposé de celle que je voulais dire.

« Par contre, je pense que tu vis dangereusement avec ce nom de magasin. Il ressemble assez à celui de la guilde. Ça pourrait te retomber dessus. »

« La » guilde parce qu'elle était celle la plus populaire du moment... Ou plutôt celle dont je connaissais le nom. Les autres sortaient de ma tête aussi rapidement qu'ils y entraient et je connaissais que dalle à leurs pratiques. Le but de celle de Yueko était pour moi hyper vague, voire totalement flou et inexistant. Se faire des potes était donné à tout le monde (sauf à moi), pas besoin d'user du fric et de porter un blason pour devenir un groupe d'amis soudés. Bref. Arrivée au portail de téléportation, je choisis l'étage onze, me téléportant avant d'avoir contemplé sa réaction.

Arrivée au nouveau téléporteur, j'avais esquissé un sourire en entendant les mots de ma borgne bonne. Elle comptait vraiment passer une journée qu'avec moi à la base, et avait tout prévu ! Glissant mes mains dans mes poches, baissant légèrement la tête et rougissant un peu de honte, j'avais continué à marcher à sa hauteur en silence jusqu'à notre sortie de la ville du onzième étage. Elle avait carrément pas tort en ce qui concernait le bon repas qui nous attendait mais... Yueko, tu t'es offert une cuisine? A ma connaissance, elle avait pas la compétence, à quoi ça lui servait ? Elle avait une autre pote cuisinière ? Ou alors, les deux pensaient préparer le repas dans un bâtiment fait pour afin de pouvoir, par la suite, me laisser savourer un tête-à-tête avec deux nibards agréablement disproportionnés ? Aucune idée, et de toute façon, c'était pas mon problème. Pis, fallait l'avouer, j'aimais beaucoup les surprises et les secrets.

L'autre blondasse nous avait suivies sans broncher, silencieuse et calme. Je me demandais bien ce qu'elle pouvait penser de nous... Ou plutôt de Yueko car son avis sur ma personne me laissait totalement indifférente, si indifférente d'ailleurs, que je pourrais royalement m'en battre les seins. J'espérais juste que ma copine avait pas fini par lui faire mauvaise impression à cause de ma présence trop... Présente. A peine entrée dans le paysage dangereux du pallier, la forgeronne s'était précipitée sur un caillou et avait commencé à frapper de toutes ses forces, défonçant la pierre sans aucune pitié. Finalement, j'aurais peut-être apprécié faire ce métier... Si buter des choses mouvantes m'apportait pas autant de plaisir, d'adrénaline et d'informations sur ma personnalité sadique. J'avais donc eu l'idée de ralentir le pas pour marcher aux côtés de la squatteuse étrangère et faire semblant d'être un peu plus douce.

Mais heureusement pour ma fierté, le danger avait trop vite pointé le bout de son nez sous la forme d'un cheval au galop armé d'une hache. Enfin, heureusement que l'autre blondasse l'avait décelé et attaqué sinon, j'aurais sans doute réagi trop tard, le truc étant difficilement repérable à cause de son caractère translucide. J'avais oublié à quel point je détestais cet étage en vrai. Sans doute à cause (ou grâce?) à la présence de la Sans-Âme. Alors que j'allais me mettre à côté de cette dernière pour laisser l'autre ne faire qu'une bouchée du Tagada (certaines personnes utilisaient le terme « dada » mais je trouvais pas que le bruit des chevaux au galop correspondait à ces deux syllabes), je me rendis compte de sa faiblesse. En effet, t'as bien besoin d'boosts blondasse! Je soupirai en utilisant Analyse sur la demoiselle. D'après elle, elle était au niveau 15, mais bien entendu, ma compétence n'était pas fiable à cent pour cent. Néanmoins, la couleur du niveau que j’obtins était verte, donc très proche de la réalité.

Me rappelant ma mésaventure avec les Mygales géantes du dixième pallier, alors que j'étais au niveau 15 avec Yueko, je ne pus m'empêcher de trouver la squatteuse totalement débile. Si j'avais pas été là pour cette récolte, elle se serait faite buter et ma borgne aurait été dans la mouise. Je décidai de faire d'une pierre deux coups : si j'arrivais à la mettre de bonne humeur, elle allait sans aucun doute revenir vers Yueko pour de futures demandes et de nouveaux besoins. Mais si jamais, à l'avenir, elles se retrouvaient seules pour d'autres récoltes, elles feraient pas long feu.

« Achève-le, tu gagneras plus d'expérience et ce sera plus rapide. »

Je retins mon coup sur la hache du mob le plus possible, faisant tomber sa jauge si bas qu'on pouvait croire qu'il ne lui restait aucun point de vie. Mais je sentis bien son attaque transpercer mon abdomen, pas assez forte pour endommager mon armure et m'obliger à faire un pas en arrière pour rester sur mes appuis, cela dit. Alors que je me décalais pour la laisser frapper et obtenir les récompenses du coup final, je reçus deux autres coups dans la cuisse et dans le bras avant même d'avoir eu le temps de remarquer cette poussière soulevée. Ces ennemis étaient vraiment chiants à voir, et pourtant, j'avais mes lunettes, bordel !

Les nouveaux vilains méchants pas beaux avaient vite été dégagés par les deux demoiselles, qui avaient eu le temps de perdre pas mal de points de vie malgré mon changement de fonction offensive en fonction défensive. Voyant que Yueko entrait dans la bataille, je m'étais lancée pour récolter les attaques à sa place, sans réel succès. J'avais tout de même piqué les répliques des équidés destinées à l'autre blondasse, c'était déjà énorme ! Mais je fis un regard désapprobateur à ma borgne bonne, mettant mes mains sur mes hanches le plus tôt possible.

« C'est notre rôle ça, toi, tu t'occupes que des cailloux ok ? »

Si elle se mettait à jouer avec son arme et à vider sa jauge verte, ça allait nous mettre dans l'embarras et nous faire perdre vraiment beaucoup de temps. Or, tout ce dont j'avais envie, c'était de taper des gens, de quitter cette grognasse de squatteuse et de visiter la chambre de ma bonne Sans-Âme. Je me demandai alors comment cette dernière se présentait. Elle serait sans doute modeste et toute petite, avec un lit, une minuscule armoire, une table et... Voilà ? Une ou deux fenêtres pour un minimum de luminosité et, qui pouvait savoir, peut-être tout ce qu était nécessaire pour faire la cuisine ? Est-ce que ma borgne comptait intérieurement se mettre au service des gros tas tout friqués, leur faire des petits plats tout ça ? Mais, je savais déjà qu'elle préférait les vagins !

« En fait, vous avez quoi comme compétences ? Vous comptez prendre lesquelles à l'avenir ? »

Je savais très bien que ça se demandait pas et, d'ailleurs, si elles me renvoyaient les questions, je leur répondrais plus que très vaguement. C'était juste par pure curiosité, pour savoir vers quoi elles voulaient s'orienter, comment elles s'étaient organisées pour l'avenir, comment elles le voyaient surtout. Et comment tu le vois toi? Quelle merveilleuse question existentielle...

« Enfin, si vous voulez pas répondre, on reprend. N'a pas qu'ça à foutre. »

Hésitante, je fis un pas dans une direction lambda, vacillant avec mon arme lourde. Je me demandais combien de temps j'allais devoir attendre pour que ces deux bonnasses daignent bouger leur énorme et délicieux fessier parfaitement rebondi pour se diriger vers un nouveau coin plein de minéraux en tout genre.