Le dimanche 03/09/2023
11h00


« Répète après moi. Je sou-hai-te-rais une cham-bre sim-ple s’il vous plaît. »
« Jé suételé ou… Ou… Ouné shémebré simeplé si lé vous plaît. »

Comme la petite princesse m’avait fait son caprice en début de matinée, j’avais donné rendez-vous à Isaac dans une des auberges du quinzième étage. J’avais sauté sur l’occasion pour lui apprendre à demander différents types de repas ainsi qu’une chambre avec divers services.

Lorsqu’il avait demandé seul la première fois, il était tombé sur la chambre de base inconfortable. Il avait ensuite fait buguer le gérant en lui demandant à manger.

Afin de l’aider à tout assimiler, je lui avais offert le petit déjeuner et demandé à Ichigo de passer pour lui présenter le plus de plats possible. Nous avions pu ainsi associer une image à un mot à des lettres. Cela dit, la jeune fille au grelot avait vite perdu patience lorsqu’elle comprit qu’il fallait répéter plusieurs fois la même chose pour que l’étranger d’origine inconnue puisse mémoriser l’appellation de tel ou tel mets.

Cela m’avait rappelé nos premières semaines dans le jeu durant lesquelles j’avais réussi à lui apprendre quelle potion servait à quoi. Cela m’avait pris beaucoup d’énergie et de patience… Mais au moins, sa lenteur de mémorisation m’avait permis de gagner des niveaux et d’oublier l’absence de douleur du jeu.

« Kuring ngaku yén kuring henteu bangga pisan nyalira... Kuring ngucapkeun jepang leres-leres... Abdi sapertos anjeun sareng Inggris saleresna... Hahahahahaha ! »

Isaac fit mine de se frapper la tête sur la table avant d’ébouriffer ses cheveux, bouclés et de la même couleur que sa peau bronzée, et de regarder le plafond en rigolant.

…

Il était arrivé à sa limite. Je lui fis un sourire amusé avant de lui présenter un bonbon.

Étonnamment, et contrairement à Ichigo qui préférait les saveurs acidulées, le grand gaillard adorait tout ce qui était doux et sucré. Comme les dresseurs le faisaient avec un animal, je récompensais Isaac avec des friandises quand il faisait des efforts et progressait.

« … Bon… On va faire une pause… Pau-se... Euh… Bu… Bureku, bureku, Izaku… »

Comme d’habitude, Isaac ne comprenait pas mon accent anglais et avait du mal avec ce mot japonais. Je mimais l’arrêt d’un combat de boxe pour qu’il se lève à son tour et me suive dehors.

Avant de passer la porte, je récupérai l’impératrice, étalée de tout son long sur son dos devant la fenêtre. Elle avait l'air fin avec ses pattes écartées et sa langue sortie. Nous nous étirâmes en même temps avant qu’elle ne prenne place sur un de mes pieds. Cela lui arrivait parfois d’alterner.

Trône de droite ou trône de gauche ?

Nous nous promenâmes au hasard dans les ruelles animées de la ville avant que je ne remarque trois curseurs de quête qui se suivaient. Cela me surprit. J’avais déjà battu le boss avec la PK, donc ce n’était pas pour cela. Quant aux autres quêtes de l’étage, elles étaient chacune données par un seul PNJ, l’un sympa et l’autre torché.

A première vue, la maman et ses deux enfants étaient tristes et préoccupés.

Je les montrai du doigt à Isaac avant de m’approcher d’eux et de leur demander ce qui n’allait pas.

La jeune maman se tourne vers vous, mais jette un regard très ennuyé à ses enfants :

- Et bien... les petits ont créé une sorte de chasse au trésor, avec des énigmes à résoudre, mais personne ne veut jouer avec eux... Dites..; Si vous n'avez rien à faire, ça vous ennuirait de participer ? Ils ont mis un petit lot, mais je trouverais une petite récompense pour vous si vous leur rendez le sourire !

« Une chasse aux trésors, mais c’est super cool ! J’adore les énigmes en plus, même si je suis loin d’être doué. »

J’exprimai mon contentement à la maman fatiguée en la remerciant de m’avoir proposé de jouer. Peut-être était-elle ennuyée par ses enfants ou, comme eux, par les passants qui n’avaient pas voulu participer ? Dans tous les cas, elle pouvait compter sur moi pour occuper ses gamins créatifs. Rien ne me faisait mieux oublier l’absence de douleur que les énigmes.

Mais alors que j’allais bombarder les petits PNJ’s de questions enthousiastes, je me rappelai la présence de Isaac mais aussi de l'impératrice. Je me tournai vers lui pour admirer sa mine paumée.

« Je sais pas si tu serviras à grand-chose pour résoudre des énigmes sans doute faites en japonais… »

Il ne répondit que par un « hum » interrogateur. Je réfléchis en regardant successivement les enfants et le grand joueur baraqué à la peau bronzée.

Même s’il était quasiment certain qu’il ne m’aiderait pas à trouver les solutions des problèmes que les PNJ’s me poseraient, je pourrais peut-être lui apprendre quelques mots au passage. Après tout, nous n’avions pas terminé le cours de japonais du jour.

Je finis par exprimer mes réflexions à la princesse à voix haute.

« C’est une chasse aux trésors donc ils devraient nous balader un peu partout dans l’étage. Au cas où il faille parler à d’autres PNJ’s pour avoir des indices, sa carrure pourra les intimider. Qu'est-ce t'en penses ? »

Le caméléon me signifia sont désintérêt profond pour la situation en soupirant profondément. Quant à mon interlocuteur de deux mètres, il n'avait rien compris à mon blabla.

Evidemment.

Je lui montrai à nouveau les symboles au-dessus de la tête des membres de la famille tout en m’expliquant dans un anglais toujours aussi minable.

« Kuesto, kuesto ! Tuguézaa ok ? Ensemble ! »

Il comprit le dernier mot et cela lui suffit. Grâce à l’aide que je lui avais apportée dès la fin de l’annonce de Kayaba, Isaac me faisait une confiance aveugle. En même temps, il n’avait pas vraiment le choix…

Je me mis à hauteur des enfants et leur parlai comme s’ils étaient mes potes.

« On aimerait vraiment beaucoup participer à votre chasse aux trésors, elle doit être super géniale ! Alors, dites-nous les buro’, quelles en sont les conditions ? On a un temps limité ? Cent solutions à vous fournir ? On vous écoute ! »

Cette quête n’étant pas notée dans la taverne, je devais être le premier à la faire… Ou alors, une personne l’avait déjà suivie sans la mettre à disposition de tous.

Malgré ma hâte, j’attendis accroupi la réponse des deux petits PNJ’s.

Les deux enfants se regardent avec un sourire et vous donne un petit badge à porter sur votre chemise.

- "Les gens qui doivent vous répondre sont au courant monsieur t'en fais pas !"
- "D'abord, tu dois te rendre quelque part dans la ville où on voit le roi avant même d'entrer dans le château !"
- "Et si t'as besoin d'un indice, tu pourras demander à maman ! Nous on file, on t'attend à l'arrivée ! Tu triches pas hein monsieur ?"

Les deux enfants filent après vous avoir laisser une énigme bien pauvre... Saurez-vous trouver votre premier point de rendez-vous ?

Les enfants s’étaient éloignés de nous en courant, nous laissant avec leur calme génitrice. Je la regardai, surpris. Avant de crier à l’attention de ses bambins, les mains autour de la bouche.

« Attendez, j’n’ai droit qu’à un indice en plus ?! »

Je soupirai et baissai les bras : mes donneurs de quête venaient tout juste de disparaître dans un coin de rue.

Bah. Ce devrait être suffisant.

Je fis un sourire confiant à Isaac pour qu’il perde un peu sa mine ahurie. Comme j'étais heureux de ne pas être à sa place… Ce devait être très frustrant de ne rien pouvoir comprendre, ou alors en partie. Heureusement, il m'avait moi. Il m'était redevable depuis presque un an. Il m'était arrivé une fois, au début, d'avoir hâte de sortir d'ici pour récupérer un interprète pour pouvoir enfin de le comprendre correctement.

Mais c'était vite passé. Plus j'arriverais à le comprendre, plus il risquerait de me lasser.

Bref. Les enfants n’avaient pas beaucoup parlé mais ils m’avaient laissé assez d’informations pour que je capte un minimum le déroulement du jeu et ses règles. J’allais passer de lieux en lieux et croiser à chaque fois une nouvelle personne pour obtenir un nouveau mystère à résoudre.

Chacune d'elles devraient pouvoir me donner un indice maximum. Je doutais que des enfants soient assez cruels pour ne me laisser qu'un seul indice pour toute la chasse aux énigmes. Je me demandais bien combien de mystères j'aurais à résoudre.

Je réfléchis à toute vitesse pour trouver la solution du premier. Un endroit où l’on pouvait voir le roi avant même d’entrer dans le château…

Premièrement, je n’avais entendu nulle part que cette ville était régie par Sa Majesté, et je n’avais ni cherché ni trouvé son château. Soit ce dernier était bien caché ou très modeste, soit il n’existait pas, tout comme son possesseur.

Dans tous les cas, je n'avais pas besoin de trouver d'habitation, il fallait seulement trouver la représentation d'un roi. Les premières choses qui me vinrent en tête furent un tableau et une statue. Mais je ne pouvais même pas dire s’il y avait un musée dans cette ville ou pas. En même temps, si cela existait, tous les Inutiles en parleraient. Ils n'auraient que ça à faire, de le visiter.

Des idées absurdes s'imposèrent ensuite dans mon esprit. Avant, la tête des souverains était gravée sur les pièces de monnaie. Mais les cols de Sword Art Online représentaient seulement un bouclier et une épée entourés de lierre. Et de toute façon, s'il existait une banque, ça se saurait aussi.

Je pensai aussi au jeu d'échecs. Je savais pertinemment que ce n’était pas ça parce qu'il y avait deux pièces pour représenter le roi, pas une seule. Mais s'il y avait eu une école ou un championnat sur le sujet dans la ville, cela m'aurait fortement intéressé.

Bref. Le plus gros problème était que je ne savais pas qui était le roi, et encore moins à quoi il ressemblait. Cela dit, tous les péquenauds du monde pouvaient se faire passer pour souverains, tant qu'ils portaient une couronne.

Une couronne, hein…

Je regroupai toutes les données que j’avais sur la ville, du nom de ses PNJ’s donneurs de quête à celui des modestes échoppes et de leur tenancier. Et je tombai rapidement sur un lieu intéressant.

« Hmm… Le daim couronné… »

Est-ce que la réponse à l’énigme pouvait être le café Le daim couronné ? Le daim pouvait représenter le roi. Et je n’avais pas besoin d’entrer dans la brasserie, son château, pour le voir. Je réfléchis encore quelques secondes avant de prendre ma décision.

« On va aller au daim couronné. Si ce n’est pas la bonne réponse, on reviendra vous voir ici vous demander un indice. »

Je fis un grand sourire à la femme avant de faire signe de me suivre à mon étranger à la peau bronzée. J’allais pouvoir lui faire un rappel du mot « cerf », et il irait se commander une sucrerie au café. En espérant que la carte soit autant à son goût que cohérente avec les mots que nous lui avions appris ce matin…

Nous nous mîmes en route, princesse sur mon pied et Isaac à mes côtés. Même s’il était très grand par rapport à moi, il possédait une vitesse aussi médiocre que la mienne. Cela nous permettait de toujours être à la même hauteur.

Nous arrivâmes au café au bout de quelques minutes de marche grâce à ma carte et à mes notes sur la ville. Je vis alors clairement l’enseigne, avec le logo des lieux.

Alors, allions-nous devoir rebrousser chemin ou ma logique était bonne ?

Depuis la taverne, un brouhaha se fait entendre, mais ce qui vous intéresse est une peluche d'enfant, attachée à la fenêtre où le tavernier sert les plats à emporter.

Il vous voit approcher et son regarde neutre et vide fini par s'allumer :

- Hey c'est vous qui participer à la chasse des petits ? Bien joué d'être arrivé jusqu'ici ! Voilà votre premier trésor à remettre aux gamins pour avoir la récompense finale !

Il vous tend la peluche de lion bleue ainsi qu'un petit papier avec la suite de l'énigme :

"Je vais là où le coeur chaud et ronflant porte une belle armure de glace"


Vous pouvez voir sans mal que la mère a fortement aidé ses deux chenapans à créer les petites énigmes. Le tavernier sert une bière à un de ses clients, mais parviens tout de même à vous donner une dernière info :

- si vous êtes perdu, v'nez me voir, j'aurais un indice pour vous, pour la suite ! Aller bon vent !

Ma logique s’était donc montrée sans faille !

Je récupérai la peluche et le papier avec beaucoup d’enthousiasme, remerciant le tavernier au passage. Je présentai le lion coloré à Isaac et le frottai tout contre sa peau pour lui signaler sa douceur. Trop petit pour l’appliquer sur son visage, je fus obligé de passer la peluche sur le bras du joueur de deux mètres.

« C’est quel animal ça ? »

Isaac répondit immédiatement par le mot anglais. Avant de se reprendre en adoptant la prononciation japonaise. C’était quand même facile à trouver, du moins quand on avait une base dans cette langue que je n’appréciais pas le moins du monde. J’applaudis tout de même l’étranger.

J’hésitai à récupérer la patte de l’animal duveteux dans une main pour le pointer tout entier à mon élève. J’abandonnai l’idée instantanément après m’être rappelé que ça ne lui servirait sans doute pas beaucoup ici. Même s’il était possible de faire des enfants dans ce monde virtuel, je ne le voyais pas du tout acheter une peluche à son enfant pour son anniversaire. Je gardai la peluche dans mes bras.

Après avoir lu la nouvelle énigme, je me dis que finalement, c’était peut-être trop facile. Après tout, ces mystères étaient l’œuvre de gamins. Il était possible que je trouve très rapidement tous les lieux où ils voulaient m’amener. D’autant que j’avais pas mal d’informations sur cette ville tant adorée par mon familier.

Ainsi, même si mon but premier avait été de m’arrêter au café et de faire pratiquer ma langue natale à Isaac, je décidai de continuer notre route. De toute façon, la plupart des boissons servies dans cet endroit avaient des noms issus de l’anglais. Or, j’avais appris les kanas au joueur. Même s’il avait parfois des pertes de mémoire, il devinait souvent le mot à l’aide des autres syllabes. Avec une bonne prononciation et un minimum de jugeote, il réussirait sans doute à passer bonne commande ici.

Je m’élançai donc vers le Snowball Effect, une armurerie qui faisait aussi auberge. Le « cœur chaud et ronflant » devait représenter le four de la forge, ou encore les lits de l’auberge où les péquenauds dormaient bruyamment. L’armure de glace se référait au nom de l’enseigne ainsi qu’au matériel que l’on pouvait y acheter.

Ma seule appréhension se trouvait dans la dernière énigme. Je craignais que les deux garnements ne me demandent, par exemple, le nom de la boisson originale du café, celui d’une armure ou d’un plat spécial, ou le prénom d’un gérant ou de sa femme. Mais bon. Si j’arrivais jusqu’à eux sans bénéficier d’indice, peut-être en aurais-je droit à plusieurs lors de l’énigme finale ?

Nous finîmes par arriver devant le Snowball Effect après avoir évité la foule du mieux que l’on put. Midi approchait après tout. Après avoir apprécié le logo des lieux, je décidai d’y entrer en compagnie du joueur balèze. Peut-être y trouverais-je quelque chose de sympa pour lui. Un bouclier ou une meilleure armure à lui offrir plus tard, afin de le féliciter pour tous ses efforts et réussites en japonais ? Ou bien, ne vendaient-ils pas ici que des armures ? Un nouveau katar me plairait.

Cela me consolerait dans le cas où ce n’était pas du tout la bonne solution de l’énigme.

Une fois arrivé devant l'auberge, c'est une petite épée de bois qui vous attend, fermement gardée par les tenanciers. Ces derniers vous accueille tout aussi chaleureusement et vous remette l'épée ainsi que l'énigme suivante avec un sourire.

"Je nourris la terre grâce à l'eau, je fais pousser la force dans le coeur des hommes"

Il ne vous reste qu'à trouver la prochaine étape de votre périple.

J’avais l’air fin avec ma peluche de lion, mon épée et mon badge sur la chemise, cela en compagnie d’un joueur indéniablement adulte. Evidemment, ces objets ne semblaient pas convenir à des individus de sexe masculin qui n’avaient plus l’âge d’être en primaire. Ressemblait-on à des pédophiles ou à d’infâmes voleurs de jouets ?

Je mis ces pensées ridicules de côté afin de me concentrer à la nouvelle énigme… Qui ne m’inspirait pas.

Nourrir la terre grâce à l’eau et faire pousser la force dans le cœur des Hommes…

La première partie de la phrase me faisait penser à un arrosoir, ou à des nutriments. Quant à faire pousser la force dans le cœur des Hommes… La mention du liquide m’avait donné l’idée de boissons alcoolisées. Mais ce jeu venant d’enfants, cette solution était impossible. D’autant que ça se saurait si l’alcool nourrissait la terre.

Le verbe pousser, comme la terre et l’eau, suggéraient les plantes et les graines. Fallait-il que je sorte de la ville, que j’y trouve un parc ou un agriculteur ? … Mais je ne voyais pas le rapport avec la force et le cœur des Hommes.

La clé serait-elle dans le verbe nourrir ? Après tout, donner à manger aux Hommes leur donnait de la force. Cela dit, il était possible de manger partout ici. Le café comme l’armurerie où nous étions offraient ce service. Je n’étais donc pas plus avancé.

Je relevai la tête au bout d’un moment et croisai le regard de mon compagnon de quête. Il commençait à s’impatienter, je le sentais et le voyais. Il se renfrognait de plus en plus et je le surpris à soupirer lourdement d’un coup. Je le comprenais. Je le trimballais dans la ville alors qu’il ne comprenait pas grand-chose à ce qu’il se passait.

Je regardai alors Isaac avec un grand sourire compréhensif avant de m'adresser aux propriétaires des lieux.

« Dîtes, messieurs les Armuriers, vous auriez un indice à nous donner concernant l’énigme ? Je n’arrive pas à trouver la réponse… Et puis, quelles sont vos meilleures armures ici en bonus de force et de résistance ? Vous vendez des armes aussi ? »

Je ferais d’une pierre deux coups. Le joueur bronzé aurait ses récompenses pour les efforts qu’il fournissait et un peu de réflexion suivant l’indice nous permettrait peut-être de repartir pour avancer dans la quête.

Je faillis m’en vouloir pour mon surplus de confiance en mes capacités à répondre à l’énigme passé. Mais cela ne servait à rien, et j'étais même amusé d’être mis en déroute par des gamins et leur mère PNJ’s. Un coup d'œil sur mon pied m'apprit que ma défaite avait le même effet sur mon caméléon.

La femme, un peu forte et très souriante, hoche la tête avant de vous répondre d'une voix assez forte pour couvrir le bruit de la forge derrière elle.

"Vous l'avez sûrement compris maintenant, mais il s'agit d'un autre endroit en ville à trouver. Je ne sais pas si vous êtes au courant, mais une rivière traverse le quartier nord de la ville d'est en ouest. Vous pourriez trouver une piste par là-bas, qui sait."

Sa voix, teintée d'amusement, laisse ensuite place à celle beaucoup plus énergique de son mari qui s'approche de vous, marteau en main.

"Vous cherchez un peu d'équipement neuf pour vos aventures ? Ah ! C'est beau la jeunesse ! Suivez-moi, on va vous trouver vot' bonheur !"

Sûr de lui, l'homme court sur pattes se déplace à une vitesse étonnante vers une grande armure de plaque, aussi solide que lourde. Il vous montre ensuite sur un mannequin à côté de vous une paire de gantelets en cuir épais, coiffé de quatre pics en métal à l'aspect très dissuasifs.

"J'ai ce [Plastron de chevalier] qui offre un bonus de +15 en Résistance, une vraie cuirasse qui vous sauvera la vie ! Et avec ça, j'ai ces [Gants de brigands] qui vont rajouter un peu d'piquant à vos attaques, Force +15 garanti ! Pour les armes, on vend de tout: de l'épée à la hache en passant par la lance, sans oublier toutes les autres ! Qu'est-ce qu'il vous faudrait ?"

Une rivière… ?

Et si c’était seulement cela la bonne réponse ? Le cours d’eau pouvait effectivement nourrir la terre, et c’était grâce à lui que tous les habitants de la ville parvenaient à étancher leur soif. Cela dit, je ne voyais pas en quoi pouvait faire « pousser » la force dans le cœur des hommes… Au mieux, elle leur remplissait la vessie.

Enfin, j’avais un indice, je trouverais sans doute un magasin là-bas dont le nom aurait un rapport avec l’énigme.

« Merci pour l’indice ! On ira après. »

Je me tournai vers mon binôme, lui montrant les deux pièces d’armure.

« Isaac ! Tu peux prendre ce que tu veux, je te les offre s’ils te conviennent ! »

L’immense homme me regarda, les yeux vides, avant de soupirer lourdement et de se boucher les oreilles en grognant des trucs incompréhensibles. La bouche aussi grande ouverte que mes yeux, je fis un rire gêné en récupérant les gants et en les lui présentant des deux mains.

« Ha. Ha. Ha… Sori. Puresento. Gifuto. OK ? »
« Ah ? Kado* ? »

Pourquoi il me parle de coin de rue ? Ah… Il veut peut-être dire que mes cadeaux seraient excessifs ?

« No purobulému. Aïmu OK. »
« Le Ari de l’anglais pue beaucoup. Isaac-sama comprend que dalle. Tu m’les brises sa mère. »

…

Afin que sa façon de parler colle parfaitement avec son visage flippant, je lui avais appris le vocabulaire et les expressions sous les formes les moins polies possibles sauf pour ses interactions avec les PNJ. Parfois, quand il n’en pouvait plus comme maintenant, il réussissait à les ressortir très facilement.

Je fis de mon mieux pour ne pas éclater de rire, me rappelant lui avoir mimé l’action d’être fatigué pour qu'il comprenne la dernière phrase qu’il m’avait sortie. Je lui parlai très lentement.

« OK, je comprends. C’est tout pour aujourd’hui alors. Mais ta première phrase est incorrecte. Il faut dire « l’anglais de Ari pue beaucoup ». Intervertis pas le possesseur et le possédé. L’anglais de Ari pue beaucoup. Répète. »
« L’anglais de Ari pue beaucoup. L’anglais de Ari pue beaucoup. L’anglais de Ari pue beaucoup. L’ANGLAIS DE ARI PUE BEAUCOUP ! »
« Voilà, c’est parfait ! Par contre, va pas le crier sur tous les toits s’te plaît… No scurimu tu eboribodi purizu… »
« Pourquoi ? C’est correct nan ? »
« … Yu kan go homu. »

Le grand bronzé quitta l’auberge dans un grand éclat de rire et nous nous fîmes un geste de la main avant qu’il n’utilise Sprint pour retourner plus rapidement chez lui. Il avait de plus en plus de répartie, et ça me plaisait… Même si j’avais peur qu’à terme, il m’humilie devant de vrais joueurs, et pas des morceaux de code.

Alors que je me concentrais sur mes futurs achats, je vis dans la limite de mon champ de vision un petit être tout rouge de moquerie. Je n'y avais pas fait attention mais la Princesse avait quitté l'un de ses trônes pour faire le tour de la boutique. Elle s'était seulement arrêtée près de moi, bien droite sur ses pattes arrières, la tête haute et les yeux rieurs, pour me railler.

Dommage pour elle, je ne pouvais pas la comprendre.

« Tu t'amuses bien on dirait. J'suis sûr qu't'es déçue qu'il soit parti. »

Elle reprit son tour en remuant son corps comme une bimbo et en toisant les PNJ's au passage.

Après un soupir, je décidai d’acheter et d’envoyer les deux pièces d’équipement à Isaac sans négocier les prix. Un cadeau ne se négociait pas après tout. Je ne demandai pas plus d’informations sur les armes que le couple possédait mais j’utilisai un peu la place de leur bureau pour poser tout ce que j’avais dans les mains. Ouvrir son menu encombré de babioles était quasiment impossible.

J'accompagnai mes présents d'un rappel de grammaire important.





Mes cadeaux livrés, je me déplaçai jusqu’à la rivière, côté Est et regardai tout autour de moi pour trouver la solution de l’énigme.


*En japonais, ce mot peut signifier le coin d’une rue, bord, une porte, ou excessif/immodéré. En soudanais, il veut seulement dire « cadeau ».

Vous vous tenez face au cours d'eau, et à votre droite il n'y a rien d'autre que le mur d'enceinte de la ville. Vous vous tournez donc résolument vers l'ouest, et si vous commencez à suivre le courant, vous pouvez rapidement constater que l'intégralité de l'autre rive est constituée de champs de blé.

Devant vous, un grand moulin tourne paresseusement ses quatre bras en voile blanche, tandis qu'un verger semble prendre le relais quelques mètres après. En face du moulin sur votre gauche, une grande rue retourne vers le centre-ville, et la Tordue, la boulangerie la plus renommée de la cité, se trouve non loin de là.

Où allez-vous tenter votre chance, aventurier ?

Je me dirigeai vers le verger. Il n’y avait que là-bas que je trouvais une petite logique avec l’énigme. Si je n’y voyais personne, je retournerais sur mes pas et j’irais à la Tordue. Maintenant que je voyais l'enseigne, je me disais que, peut-être, le nom de la boulangerie définissait l’énigme ?

…

« Bordel, c’est p’t-êt’ ça ! »

Je fis mentalement un rapide résumé de ce que je comprenais.

Le verger pouvait nourrir la terre grâce à l’eau car il était arrosé régulièrement. Il pouvait aussi donner de la force de par les fruits qu’il apportait. Cependant, il ne pouvait pas la "faire POUSSER dans le CŒUR des hommes"… A moins que le deuxième mot ne désigne l’organe des hommes et que le verbe pousser veuille seulement dire "accentuer" ? Mais pourquoi il ferait ça seulement pour les hommes et pas pour les femmes ?!

Je commençais à me sentir frustré de ne pas capter une énigme faite par des gosses.

« Bon… T’en penses quoi toi ? »

Le regard de la Princesse rencontra le mien. Alors, je lui désignai successivement les endroits susceptibles d’être les bons en prenant en compte ses réactions à l'annonce de chacun d'entre eux.

« Moulin, verger ou boulan… Ah bah forcément, tu choisis la boulangerie ! Pourquoi ça m’étonne pas ? »

Peut-être parce que je sentais d’ici la bonne odeur du pain et des pâtisseries qui y cuisaient et qu'il était bientôt midi ?

Je soupirai avant de changer de cap et de marcher vers la Tordue. Même si j’étais très sceptique à l’idée qu’elle constitue la solution, je me dis qu’il serait tout de même plaisant de récupérer un des mets qu’elle vendait avant de repartir vers le verger.

J’espérais seulement qu’il n’y avait pas la queue.

Il est midi passé maintenant à cause de tous vos va-et-vient, mais heureusement dans ce monde, il n'y a pas de sortie de bureaux intempestive ou d'armée de lycéens prêts à se battre pour un pain aux yakisoba.

La boulangère vous accueille donc, une petite femme rondelette aux tresses blondes comme les blés et au sourire franc.

"Bonjour jeune homme ! Qu'est-ce qu'il vous faudrait ? J'ai une fournée qui sort tout juste du four, le pain est encore chaud et moelleux."

Une fois son slogan terminé, et contrairement aux deux endroits précédents, il vous apparaît clairement que cette boutique n'est pas la bonne réponse à l'énigme. Vous pouvez donc faire vos achats tranquillement avant de rebrousser chemin si vous le souhaitez.

Liste d'articles en vente:

Comme prévu, il ne se passa rien de plus lorsque j’entrai dans la boulangerie quasiment déserte. Tant pis ! Je n’avais pas de limite de temps après tout.

« Bonjour m'dame ! J’aimerais… Hmm… Un sandwich au sanglier s’i’ous plaît ! »

La grosse boulangère blonde répéta pour elle-même ma commande puis récupéra une baguette épaisse dans son sachet. Elle me tendit le tout entouré d’une petite serviette et me demanda si je désirais autre chose. Répondant négativement, je la remerciai avec un grand sourire avant de sortir pour laisser la place à d’autres clients.

Je m’assis sur le banc situé juste en face de la Tordue et remarquai que le sandwich tentait de se barrer.

« … Tu nous fais perdre du temps et en plus, t’essaies de me voler ? »

La langue de la Princesse était collée au sachet et celle-ci le tirait vivement vers elle pour récupérer la nourriture. Malheureusement pour elle, j’étais statistiquement plus fort. Même avec toute sa mauvaise volonté, elle ne serait jamais en mesure de me l’enlever.

« T’es vraiment grave… »

Je regardai l’intérieur du sandwich avec intérêt. Si je le trouvais bon, j’enverrais mes hypothèses concernant sa préparation à Ichigo pour qu’elle me le refasse. Un coup d’œil sur ma gauche m’indiqua que mon familier ne comptait pas attendre que je termine mon Analyse. Je soupirai avant de faire un sourire en coin.

« T’as jamais mangé de sanglier, toi, j’me trompe ? Y en a pas à ton étage d’origine dans mes souvenirs. On va voir si t’aimes bien. »

Je récupérai un des morceaux de viande coupés et le jetai en l’air. Tout se déroula en moins de deux secondes. Le caméléon garda un œil rivé sur moi, l’autre suivit la trajectoire de sa cible et, quasiment instantanément, sa langue collante récupéra la chair grillée qui finit écrasée par son palais. La bigleuse mâcha rapidement mais avec peine, n'arrivant pas à réunir ses lèvres.

« T’as l’air de galérer. Le morceau doit être trop gros pour ta petite bouche. »

Malgré mon envie irrésistible de faire une blague de très mauvais goût, je profitai de cet instant pour Analyser mon repas, à l’aide de ma compétence comme de mes yeux et de mes papilles. La première ne me servit pas à grand-chose. Je pus seulement être certain que la conception du sandwich datait d’aujourd’hui. Les derniers m’apprirent que les bouts de sanglier avaient été grillés avec de la moutarde, du miel et des échalotes. Et que ce n’était pas mal, sans pour autant que ce soit mon plat préféré.

J’envoyai des idées de recette à Morango et coupai en plus petits bouts les morceaux de viande avec mes incisives pour les distribuer régulièrement à mon caméléon. Je me levai au bout de vingt minutes, rassasié.

« Allez. Go Verger. »

J’enchaînai les sprints jusqu’au lieu le plus probable de la solution de l’énigme.

Une fois l'entrée du verger franchie, les deux petits monstres surgissent de derrière un arbre fruitier ressemblant à un pommier, tout sourire en vous voyant affublé de l'épée en bois, de la peluche de lion bleue et du badge.

"Bravo, m'sieur ! Vous avez résolu toutes les énigmes !"
"Tenez, voici votre récompense."
"Revenez jouer avec nous quand vous voulez, m'sieur !"

Les deux bambins partent en courant vers leur mère, vous laissant avec toutes les preuves de réussite de cette chasse ainsi qu'une simple pièce de 300 cols.

Objets obtenus:
Epée en bois x1 (FOR+1, ne peut pas porter de coup létal)
Peluche de lion bleue x1
300 cols

Les gamins avaient dû croire me faire peur en se cachant, mais c’était sans compter mon ouïe affinée ! J’avais pu détecter leur respiration et comprendre que j’avais enfin résolu l’énigme avant qu’ils ne se montrent bruyamment. En constatant qu’ils me laissaient les objets que j’avais récupérés sur les différents stands, j’exprimai un enthousiasme exagéré.

« Ah supeeeer, merci, c’est trop cooool !!!! »

Energiques, ils s’en allèrent vers l’endroit où ils avaient laissé leur daronne, et je sprintai à leur suite. Quelles récompenses cette dernière allait-elle me donner ?! Une autre peluche bizarre ? Une autre arme inoffensive que je laisserais à un Lâche de bas étage ?! Plus d’argent que la modique pièce offerte par ses enfants ?

Je ne m’attendais pas à grand-chose, comme la quête ne m’avait pas pris beaucoup de temps ni d’énergie. Elle m’avait seulement coûté un peu de frustration et à peine un micron d’estime de moi. Je ne pensais donc pas m’en sortir avec une récompense assez géniale pour que je la crie sur tous les toits. Cela dit… Peut-être que la grande PNJ voudrait elle aussi se divertir et m’attendait avec une dernière énigme ?!

Ca serait un sacré retournement de situation.

Après une petite course, j’atteins la maman en même temps que sa progéniture.

« Eh voilà, j’ai résolu toutes les énigmes ! Merci, c’était cool ! »

Alors, qu’allais-je recevoir ?!

La mère de famille, voyant l'agitation et la joie de ses deux enfants, comprend sans peine que vous avez bien voulu jouer avec eux et que vous êtes sortis victorieux de cet affrontement sans merci.

Elle vous sourit d'un air reconnaissant pour lui avoir accordé un peu de répit dans sa routine bruyante, avant de vous tendre un petit carnet.

"Tenez, vous semblez avoir un certain penchant pour la couture et le crochet. C'est une copie des notes que l'on se transmet dans notre famille. Rien d'extraordinaire, mais je vous garantis que vous ne trouverez ça nul part ailleurs !"

Les mains sur les hanches, elle vous laisse utiliser le bout de papier qui éclate en une petite nuée de pixels bleutés après usage.

Je fis à la maman un regard de petit enfant content. J’étais honnêtement enchanté par ses présents. Je voulais bien la croire quand elle disait que je ne trouverais ces récompenses nulle part ailleurs ! Même si je n’étais pas fan de peluche ou de poupée, Ichigo m’avait fait la réflexion concernant l’absence de patron pour leur conception.

Elle m’avait défié le Noël précédent pour obtenir un nounours en forme de chat fabriqué de ma main, et je n’avais pu que la lui acheter. Malgré les livres que j’avais lus sur le sujet, il m’avait été tout bonnement impossible de tricoter, coudre ou crocheter ces fantaisies dépourvues de bonus. Si j’avais été convaincu par ma médiocrité dans ce domaine à l’époque, je comprenais aujourd’hui la véritable cause de mes échecs répétés.

« Merci, c’est génial ! J’vais pouvoir faire des cadeaux de Noël dignes de ce nom c’t’année. »

Je fis un signe d’au revoir à la petite famille dont le daron était parti chercher des cigarettes depuis peut-être plusieurs années. Je me dirigeai ensuite vers la taverne aux quêtes pour y rendre accessible à tous les joueurs celle que j’avais découvert par chance. Je donnai toutes les informations que j’avais dénichées pour deux raisons.

La première, malgré les recettes que la femme m’avait fournies, peut-être que je manquai réellement de talent pour fabriquer peluches et poupées. Je serais donc bien content qu’une personne plus à l’aise m’aide dans ce cas. La deuxième était qu’elle permettrait aux Inutiles de passer le temps à l’intérieur de la ville, de récupérer de quoi s’entraîner sans pouvoir se porter de coup fatal, mais aussi, de pouvoir avancer leurs cadeaux d’anniversaire et de Noël.

A ces pensées, j'ouvris ma messagerie et envoyai mon épée, mon lion bleu et un smiley à Ichigo.

Après avoir contribué à la communauté, je me dirigeai en sautillant vers le portail de téléportation de la ville, ignorant les supplications de la Princesse qui voulait rester dans son étage préféré. J’avais trop envie de tester mes capacités de production de nounours pour céder à ses caprices.

Nombre de ligne : 1.5/2
Qualité de la langue : 2/2
Avancement du RP : 1/1

Pseudo : Ari
Nombre de messages : 10
Cols gagnés : 1 690 cols
Cols dépensés : 3 000 cols
Objets utilisés : /
Objets obtenus :
Plastron de chevalier [RES+15] x1 => Isaac
Gants de brigands [FOR+ 15] x1 => Isaac
Epée en bois x1 (FOR+1, ne peut pas porter de coup létal) => Ichigo
Peluche de lion bleue x1 => Ichigo
Patron de divers peluches en Couture appris
Compétences gagnant des points :
Analyse +1
Familier +1
Sprint +1
Niveau début du rp : 49
Niveau(x) gagné(s) : 2
Réputation : 1¤ 1+
Remarques : Une quête surprise vraiment pleine de surprises (même pour moi !), que ce soit en termes de récompenses, d'énigmes tordues, ou de générosité de la part d'Ari. Hâte de voir les futures peluches~ J'en connais qui vont se les arracher.